A l’origine, ce qu’on appelle « institutionnalisation » ramène au fait de créer des droits (à la scolarisation ou à l’emploi). Chaque fois qu’on a ouvert des structures spécialisées, c’était pour donner un droit supplémentaire. Au fil du temps, celles-ci ont évolué. Les Esat ont développé leurs activités hors les murs, les entreprises adaptées aussi… Tout ce qui va dans le sens d’une pluralité de solutions est positif.
Mais il faut créer un continuum et non pas supprimer les institutions, ce qui reviendrait à enlever des droits. En Angleterre, par exemple, où l’on a décidé il y a quelques années de fermer les ateliers pour travailleurs handicapés au nom de la désinstitutionnalisation, croyez-vous qu’ils aient été recrutés dans le travail ordinaire ? Certainement pas. C’est pourquoi, si je suis pour une amélioration des établissements, pour une certaine souplesse, il faut que les institutions y jouent un rôle.
Opposer droit commun et droits spécifiques est une aberration. On ne favorisera l’inclusion qu’en tenant compte de la diversité des besoins. Or on ne parle jamais des problématiques personnelles des gens – autisme, handicaps psychiques, angoisses, schizophrénie – et les publics sont systématiquement mis à l’écart des solutions. Je suis effaré lorsque je vois autant de femmes dont les enfants ont des handicaps rares et qui ont arrêté de travailler et attendent depuis plus de cinq ans une place en externat médico-pédagogique (EMP). J’ai l’impression d’un grand retour en arrière, où l’on passe un certain nombre de tâches aux familles moyennant des budgets personnalisés. Il y a un recul de la responsabilité collective.
La bonne voie est de concilier la personnalisation de l’accompagnement avec des réponses sociabilisantes. La politique du « zéro sans solution » est une escroquerie incroyable : que l’on vous prenne en charge trois jours, trois heures, une semaine par mois ou par semestre, on considère que vous avez une solution. Des gens de 60 ans sont obligés de vivre avec leur vieille mère de 80 ou 90 ans qui aurait besoin d’un foyer médicalisé. Il faut arrêter de mentir et de dire qu’en étant maintenue à domicile, elle bénéficie de l’inclusion. Pour moi, cette notion n’est valable qu’en termes de réel accès aux droits, quelle que soit la forme de l’accompagnement. Les plus dogmatiques ne veulent pas reconnaître la notion de « besoins spécifiques ».
Au sein des institutions, on demande par ailleurs de plus en plus aux professionnels d’effectuer du reporting, d’être sur leur ordinateur pour expliquer ce qu’ils ont fait ou ce qu’ils n’ont pas eu le temps de faire. Avec la réforme Serafin-PH, on est en train de codifier leur travail avec des recommandations de bonnes pratiques professionnelles unilatérales et desséchantes. Ce n’est pas le métier qu’ils ont choisi.