« Je recherche un(e) animateur(trice) ! Car le nôtre est épuisé. Si tu te sens prêt(e) à affronter Rose, Christine et Maryse (de gauche à droite) : POSTULE ! (…) » Accompagnée d’une photo mettant en scène un animateur habillé d’une longue jupe plissée à pois entouré de trois résidentes, l’annonce publiée au début d’année sur LinkedIn affiche à son compteur 2,5 millions de vues et près de 30 000 réactions. Sans surprise, le poste en question n’est pas resté à pourvoir très longtemps. Pascal Ségault, directeur de l’Ehpad L’Ostal du Lac (Hérault), à l’origine de la publication, a obtenu dans la foulée 52 candidatures jugées « excellentes ». « Avant cela, j’étais passé par Pôle emploi et Facebook, mais je n’avais rien reçu, ou alors les profils ne correspondaient pas. Grâce à LinkedIn, j’ai eu des candidatures hautement audacieuses, par vidéo par exemple. Des choses qui ne se font habituellement pas dans notre secteur, analyse le directeur qui n’a aujourd’hui plus de problème de personnel. On m’envoie régulièrement des candidatures et je choisis. Ce qui ne risquait pas d’arriver en 2018 quand j’ai récupéré l’établissement. A ce moment-là, je prenais le premier CV qui se présentait. »
Alors que les champs du médico-social sont en panne d’attractivité, cet exemple de recrutement fait figure d’exception. Cela signifie-t-il que s’emparer de sa communication est une clé pour séduire ? C’est l’une des pistes avancées par de nombreux acteurs. Une offre d’emploi personnalisée et la mise en lumière des initiatives déployées au sein d’un service font souvent la différence en termes d’embauche, assure Arnaud Chevalier, qui dispense des formations dédiées aux réseaux sociaux à la Fnadepa(1). « Généralement, les annonces commencent de la même manière : “Je recherche une infirmière…”, suivi de la fiche de poste et de la convention collective. Cette description pourrait être la même pour tous les établissements. Le salarié, surtout lorsqu’il est en zone urbaine, aura plus envie de se diriger vers une équipe dynamique qui se démarque. » Eve Guillaume, présidente du COD3S, le collectif des directeurs d’établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux, associe même la transparence à un cercle vertueux. « Plus on est capable de communiquer sur nos forces et nos faiblesses, plus cela fonctionne. Le fait de partager nos enquêtes de satisfaction par exemple, même si elles soulèvent des aspects négatifs, est intéressant pour montrer comment l’établissement réfléchit à travailler sur ses points faibles. Il s’agit d’un message positif et rassurant à véhiculer. »
Menées de façon disparate sur le territoire, toutes ces initiatives contribuent à améliorer l’image du secteur auprès du grand public et des financeurs. « Dès lors qu’il y a une suspicion généralisée sur la façon dont on traite les résidents, je contre-communique pour maintenir l’attractivité de ma structure, mais aussi celle de tous les autres Ehpad qui fonctionnent bien », rapporte Pascal Ségault, dont la présence sur les réseaux sociaux lui a permis de s’exprimer dans des médias nationaux.
Si le Covid a marqué un tournant dans l’ouverture vers l’extérieur de nombreuses structures qui souhaitaient informer de leurs actions en plein cœur de la pandémie, les outils de communication se révèlent encore difficiles à prendre en main pour la plupart des organisations, peu habituées aux feux des projecteurs. « Ce n’est pas dans la culture du secteur », résume Gilles Legoff, à la fois éducateur et photographe, qui a participé à la création de Bons Plans, une entreprise accompagnant les structures sociales dans leurs démarches de communication. « Les établissements fonctionnent en autarcie. C’est dommage car une bonne idée peut servir à d’autres. Au-delà de la question du coût, il existe des freins historiques. Il est encore difficile de sortir des sentiers battus, même si, tout doucement, nous sentons une évolution. »
Ne faisant pas partie de la liste des postes prioritaires, les métiers de la communication sont de facto peu répandus dans le secteur. Et lorsqu’une stratégie est mise en place, elle reste souvent à la charge des directions. Dans ses modules de formation, Arnaud Chevalier voit ainsi défiler beaucoup de directeurs, d’adjoints, d’assistants de direction ou de secrétaires à qui on a délégué la gestion des réseaux sociaux. Un premier pas dans la communication, qui s’effectue selon les appétences et l’expérience de chacun. Pourtant, selon la présidente du COD3S, les établissements ayant pris l’initiative de recruter des personnes avec des compétences dédiées y gagnent sur beaucoup de points : « Cela permet d’avoir quelqu’un pour accompagner les réponses aux appels à projet, d’apporter un regard neuf et de nous aider à mettre en valeur nos initiatives. »
Pour lutter contre la désertification du secteur, parallèlement à la hausse des rémunérations et à l’amélioration des conditions de travail, l’Uniopss préconise dans sa contribution au Livre blanc du travail social (à paraître en septembre) de communiquer « sur des métiers qui pourraient, à l’instar des organisations, être “reconnus d’utilité publique” ». Et de traduire « le désir d’engagement des professionnels à travers des communications locales et nationales ».
Mais pour qu’elle porte ses fruits, une stratégie de communication est tenue d’être cohérente avec la réalité du terrain, prévient l’ensemble des professionnels. « Autrement, il s’agit de publicité mensongère, juge Pascal Ségault. En devenant attractif et de surcroît en ouvrant les portes de l’établissement, les gens viennent vérifier si ce qui est affirmé correspond à la vérité. C’est essentiel de se montrer tel que l’on est et de maintenir ensuite cette qualité-là. »
« La priorité dans la reconnaissance des métiers c’est avant tout la communication interne », assène Charlotte Vanbleus. A la Sauvegarde du Nord, la directrice de communication fait passer ce volet avant les autres pour fédérer et donner du sens aux missions des professionnels en étant le plus transparent possible. En septembre dernier, l’association a mis un intranet à disposition des personnels. « Il est important qu’ils aient un regard transversal sur les actions menées par les différentes équipes. Nous sommes 1 600 salariés, il y a 30 000 vues de l’intranet chaque mois. C’était une vraie attente. » La communication à l’égard des usagers et des familles est aussi à ne pas négliger. « Des problématiques sont régulièrement soulevées par les résidents et les familles dans les conseils de la vie sociale, explique Eve Guillaume, présidente du COD3S. Les canaux classiques ne sont parfois pas adaptés aux profils des personnes accueillies et sont à perfectionner. »
(1)Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées.