Un « effet cascade ». C’est ainsi qu’Isabelle Dobigny, cheffe de service chez APF France handicap à Cergy (Val-d’Oise), décrit les répercussions de la démarche d’autodétermination mise en place dans sa structure. Depuis 2022, le SAVS-Samsah (service d’accompagnement à la vie sociale – service d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés) où elle exerce expérimente de nouvelles façons de valoriser les connaissances des personnes accompagnées, des proches aidants ainsi que des professionnels via un projet baptisé SAM’Concerne. Soutenue par la CNSA, cette initiative est chaperonnée par un comité de pilotage décisionnaire et souverain – composé de personnes accompagnées, d’aidants et de professionnels. « L’idée est de retrouver une symétrie des savoirs professionnels et des savoirs expérienciels des personnes », expose Isabelle Dobigny, rappelant que la participation a toujours été au cœur des préoccupations du service.
« Latitude d’action »
De nombreux espaces de réflexion ont ainsi vu le jour, comme des formations communes pour s’interroger sur sa posture et le vocabulaire utilisé. Le terme « échéance » a, par exemple, été banni du document de projet d’accompagnement. Bénéficiaires et professionnels ont également été amenés à s’appeler par leur prénom et à se tutoyer. Parti du point de vue des personnes concernées, un film de présentation du service a aussi été pensé et réalisé conjointement. Pour mener à bien toutes ces actions, la direction a dû repenser sa manière d’encadrer les équipes. « Notre management est désormais beaucoup plus coopératif, analyse Isabelle Dobigny. Nous ne pouvons pas demander aux professionnels de soutenir l’autodétermination des personnes si eux-mêmes sont privés de toute latitude d’action. J’ai moi-même à l’égard de mon directeur beaucoup de libertés. »
Adhésion au projet
Pour de nombreux salariés, SAM’Concerne a ainsi été synonyme de regain de sens, de prise d’initiatives et de créativité. Au point d’être devenu un « argument d’attractivité » dans le cadre de recrutements. Après une quinzaine d’années à exercer dans les métiers du social, Cécile Massein, éducatrice, envisageait de changer de voie. C’est la philosophie du projet qui l’a amenée à vouloir intégrer le SAVS-Samsah. « J’ai beaucoup souffert de ne pas pouvoir approcher ce concept [d’autodétermination, ndlr], confie-t-elle. Depuis que je suis ici, je valorise en moi de nombreuses compétences que je pensais perdues. »
Cette réflexion permanente sur les pratiques a aussi séduit Charlène Edet, ergothérapeute, qui travaillait jusqu’à présent dans le secteur médical. « Dès mes entretiens, j’ai pu percevoir quel serait l’environnement de travail, l’ambiance, c’était motivant. Ma pratique a changé. Ce ne sont pas nos évaluations qui priment mais les projets et les souhaits des personnes. »
Les deux collègues saluent également la mise en place d’un « bel espace détente » et la possibilité d’échanger facilement de manière informelle. « Les portes des cadres ne sont jamais fermées, à moins qu’il y ait un entretien, rapporte Cécile Massein. Nous avons toujours la possibilité en rentrant de visites à domicile de partager ce qu’il vient de se passer si nous en ressentons le besoin ». Une initiative en apparence anecdotique, mais qui traduit une réelle volonté de la direction. « La question des portes ouvertes est essentielle, soulève Isabelle Dobigny. Soutenir l’autodétermination, vient beaucoup chahuter dans sa posture professionnelle, même lorsqu’on a envie de se lancer là-dedans. C’est important de pouvoir bénéficier d’une écoute. »
Nouveaux profils
La cheffe de service observe, de manière générale, une évolution dans les profils des personnes prenant part au projet. « Des professionnels sont partis au lancement, car cela les a déstabilisés, explique-t-elle. Alors qu’ils étaient habitués à évaluer, à préconiser, à mettre en œuvre, nous leur demandions de soutenir la personne dans son envie. Cela fait perdre un peu de pouvoir dans la relation d’aide. »
Le service ne recrute dorénavant plus de la même manière. « Dès les premiers entretiens, le projet SAM’concerne est au cœur des échanges. Nous sommes attentifs aux valeurs qui habitent les professionnels, à ce que leur renvoie le concept d’autodétermination », détaille Isabelle Dobigny. L’équipe envisage même d’intégrer les personnes accompagnées au processus d’embauche des nouveaux salariés. « C’est une question que nous allons leur poser. Si cela les intéresse, nous monterons un atelier pour voir de quelle manière ils peuvent participer. »