1 L’autrice n’en est pas à son coup d’essai. On connaît la réalisatrice et actrice Andréa Bescond pour sa pièce de théâtre puis son film Les chatouilles, qui raconte son parcours d’enfant violée dès l’âge de 9 ans par le meilleur ami de ses parents. Depuis, elle continue de dénoncer l’inceste et les abus sexuels, qui toucheraient un à deux enfants par classe ; la complaisance de la justice, qui classe sans suite 70 % des plaintes ; le manque d’actions politiques, malgré les grandes déclarations ; le silence des familles, parfois l’absence de soutien des mères, comme ce fut son cas.
2 Le livre se parcourt comme un thriller où les intrigues s’imbriquent les unes dans les autres, où l’intime et le collectif se mêlent. Il est donc facile à lire sur la plage, même s’il traite de sujets graves. Femme battue et violée, fille mère, homosexualité féminine… Trois générations et trois protagonistes unis par des secrets de famille se côtoient. Femme libre et émancipée avant l’heure, Louisette s’est retrouvée internée à cause d’un mari brutal. Hervé n’apprend qu’à 50 ans le nom de sa vraie mère. Il se doutait de quelque chose, mais « c’était à ta mère de te le dire », lui rétorque son oncle. Lio, 20 ans, représente la jeune femme d’aujourd’hui, prête à en découdre avec les agresseurs en puissance.
3 Ce roman pose des questions de fond. A travers une histoire de vengeance, de colère légitime des victimes de violences sexuelles, de vies brisées, l’autrice interroge les rapports hommes-femmes et le patriarcat. Une sororité bienveillante se dégage du roman qui, par ailleurs, n’a rien d’un réquisitoire contre le sexe masculin, à l’image d’Hervé, homme sensible et respectueux de l’autre. Andréa Bescond invite à parler, à questionner les non-dits, afin de ne pas se sentir « inapensanté », comme Lio, dont le socle se brise à la révélation des plis cachés de son histoire. Briser les tabous pour que plus jamais un enfant ne croit, comme elle petite, être le seul à qui c’est arrivé.
, Andréa Bescond, éd. Albin Michel, 19,90 €.