À l’échelle du globe, ils seraient près de 160 millions aujourd’hui, enfants et adolescents de 5 à 17 ans, contraints de travailler et privés de leur enfance, selon les chiffres de l’Organisation internationale du travail (OIT). Parmi ceux-ci, 79 millions effectuent des tâches dangereuses, qu’il s’agisse du ramassage ou du tri d’ordures et de déchets, le travail dans les mines en situation de quasi esclavage ou d’autres tâches impliquant l’utilisation de produits chimiques et de pesticides. Un phénomène qui a connu un spectaculaire recul entre 2000 et 2016 (94 millions), essentiellement dans les pays en voie de développement, mais qui effectue son grand retour parmi les nations les plus riches de la planète, lesquelles voient dans l’exploitation des mineurs un levier pour conjurer la pénurie de main-d’œuvre.
Et c’est aux Etats-Unis, pays toujours considéré comme le plus puissant du globe, que l’évolution de la législation demeure la plus préoccupante. A la mi-avril, le Sénat de l’Etat de l’Iowa a ainsi présenté un projet de loi conçu pour démanteler de nombreuses restrictions en vigueur au travail des enfants, en élargissant les types d’emploi que les mineurs peuvent légalement occuper ou en autorisant le travail de nuit. Selon l’Economic Policy Institute (EPI), un centre de réflexion basé à Washington, pas moins de dix Etats ont examiné des projets de loi visant à assouplir les restrictions sur le travail des enfants ces deux dernières années.
Une politique défendue au plus haut niveau des autorités locales, à l’instar de la gouverneure de l’Iowa Kim Reynolds, laquelle déclarait publiquement début avril que le projet de loi en question constituait une « bonne expérience » : « Les enfants apprennent beaucoup de choses, et s’ils ont le temps de le faire et qu’ils veulent gagner un peu plus d’argent, je ne pense pas qu’on devrait les en dissuader » (sic). Consternées, les organisations syndicales avaient pourtant tenté de dissuader en amont le Sénat d’aller au bout de sa démarche : « Ici, dans l’Iowa, les enfants ont vu des écoles fermer et des programmes scolaires supprimés par manque de financement public, et maintenant on veut les pousser au travail et leur faire supporter la crise provoquée par le manque de main-d’œuvre », alertait, par exemple, Jen Pellant, présidente de la Western Iowa Labor Federation, dans une tribune publiée le 2 mars dernier.
Sans noter – pour l’instant – de modification notable de la législation en vigueur, le Canada, l’Australie ou l’Italie observent eux-aussi ce même retour au travail des plus jeunes. Selon l’ONG Save the Children Italia, au moins un enfant de moins de 16 ans sur quinze travaille ou a été mis à contribution de manière sporadique, principalement dans le secteur agricole ou le conditionnement de produits alimentaires. Au Canada, c’est la province du Québec qui tourmente particulièrement les organisations de défense de l’enfance, puisqu’un tiers des 12-16 ans occupent actuellement un emploi à temps partiel, avec un taux de chômage qui frise les 2 % dans certains secteurs.
Sans surprise, la crise sanitaire a également provoqué d’inquiétants reculs, autant dans les catégories les plus pauvres des pays riches que dans les pays en voie de développement. Toujours selon l’OIT, près de 9 millions d’enfants dans le monde ont été poussés à travailler ou à reprendre le travail en 2022 avec la fermeture des écoles et l’explosion de la pauvreté liée à la chute de l’économie informelle.