DES TRAVAILLEURS SOCIAUX EPUISES PHYSIQUEMENT ET MORALEMENT après une explosion de leur charge de travail liée à l’épidémie de Covid-19 : à ce constat devenu banal, illustré par des études menées au Royaume-Uni, au Canada ou encore en Allemagne, la « Coalition des travailleurs sociaux noirs » entend inclure une dimension raciale. Créée en 2018 par l’université du Tennessee et dirigée par Carmen Reese Foster, l’association vient de publier une enquête qualitative réalisée auprès d’une centaine de professionnels afro-américains, afin d’illustrer les discriminations spécifiques subies par ces derniers. « En tant que professeure adjointe de pratique en travail social et directrice générale de la coalition, j’ai estimé qu’il était nécessaire d’évaluer comment les travailleurs sociaux noirs ont été touchés par la pandémie de Covid-19 et les tensions raciales accrues », justifie Carmen Reese Foster dans les colonnes du site theconversation.com.
Selon cette dernière, des mesures d’écoute et d’accompagnement spécifiques auraient dû être mises en place, à l’heure où l’assassinat brutal de George Floyd par un policier blanc, à l’été 2020, mettait en lumière l’existence d’un « racisme systémique » censé imprégner toutes les strates de la société : « Les gens ont protesté. Les livres contre le racisme sont devenus des best-sellers. Les emplois liés à la diversité, à l’équité et à l’inclusion ont augmenté de 55 % et les 50 plus grandes entreprises publiques américaines se sont engagées à verser 49,5 milliards de dollars pour s’attaquer aux problèmes de justice raciale. »
Dans ce contexte, le rapport s’étonne que les travailleurs sociaux afro-américains aient eu à subir certaines formes de racisme, à l’instar de ce « répondant noir » se plaignant d’un « collègue blanc nonchalant et dédaigneux » lors d’une conversation au sujet des manifestations raciales, ou de cet autre répondant expliquant que son « superviseur de travail social blanc n’offrait aucun type de soutien en matière de santé mentale ».
Si l’étude peine à mettre en lumière de réelles pratiques racistes au sein de la communauté des travailleurs sociaux – ses constats rejoignant d’autres rapports similaires, notamment sur l’absence ou la faillite des soutiens hiérarchiques –, Carmen Reese Foster souligne à raison l’hypocrisie et le caractère cosmétique des politiques « diversitaires » mises en place aux Etats-Unis depuis l’été 2020. « Les leaders de la diversité, de l’équité et de l’inclusion, qui ont été embauchés par vagues pour aider les entreprises à atteindre une main-d’oeuvre ethniquement équilibrée après le meurtre de George Floyd, sont progressivement éliminés, laissant les experts préoccupés par le fait que le discours des entreprises sur l’impact du changement à l’œuvre n’était que des mots creux », relève une enquête publiée par NBC News le 27 février dernier.
En clair, les grandes entreprises qui avaient recruté à grand renfort de publicité des personnes noires présentées comme des « leaders de la diversité, de l’équité et de l’inclusion » s’en débarrassent aujourd’hui à bas bruit. Tandis que les postes à responsabilité de ces mêmes leaders demeurent majoritairement occupés par des blancs : en 2023, toujours selon NBC News, l’Amérique, hantée par la question raciale et obsédée par les statistiques ethniques, ne compterait que 3,8 % d’employés noirs parmi les « chefs de la diversité », contre 76,1 % pour les blancs.