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Salvador : les enfants victimes des gangs

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Salvador : les enfants victimes des gangs

En première ligne pendant la guerre civile qui a déchiré le plus petit pays d’Amérique centrale, les travailleurs sociaux font face à la nouvelle politique d’un pouvoir décidé à réduire l’emprise des groupes armés. Les enfants maltraités sont les premiers à en payer le prix.

C’est le pays où le problème de la guerre des gangs demeure le plus important au monde, avec un taux d’homicides battant tous les records. Au Salvador, minuscule Etat d’Amérique centrale d’à peine 21 000 km2 et de six millions d’habitants, les travailleurs sociaux font office de dernier rempart, intervenant au cœur des quartiers misérables où même la police n’entre plus, afin de venir en aide aux dizaines de milliers d’enfants plongés dans une guerre civile larvée qui ne dit pas son nom.

Officiellement, cette dernière s’est achevée en 1992, au terme d’un conflit sanglant entre l’extrême droite représentée par l’Alianza Republicana Nacionalista (Arena), soutenue par les Etats-Unis, et la guérilla marxiste des Forces populaires de libération. Mais à cette lutte politique s’en était substituée une autre, cette fois entre deux gangs mafieux – la MS-13 et la Mara 18 – ces derniers contrôlant jusqu’à 80 % du territoire, selon le président libéral-conservateur Nayib Bukele élu en 2019. Trois ans après son accession au pouvoir, ce dernier a lancé en 2022 une impitoyable guerre contre les membres de la MS-13 et de la Mara 18, embastillant des dizaines de milliers de personnes, grâce notamment à la construction d’une gigantesque prison forte de 40 000 places, l’une des plus vastes du monde.

Une guerre impitoyable lancée contre les gangs

« La guerre contre les gangs forge un nouveau Salvador, mais le prix est élevé », constatait l’agence Associated Press (AP) le 26 mars dernier, dans un pays qui a vu ses droits constitutionnels suspendus et où Nayib Bukele se vante publiquement d’incarner le « dictateur le plus cool du monde » (sic). Toujours selon l’agence de presse, le taux national d’homicides, le plus élevé au monde jusqu’en 2015, aurait chuté « à des niveaux comparables à ceux du Maine ou du New Hampshire ». La comparaison avec deux Etats parmi les moins criminogènes d’Amérique du Nord n’est pas fortuite, tant la violence des gangs au Salvador demeure autant un héritage de la guerre civile que de ses ramifications étatsuniennes : les gangs de la MS-13 et de la Mara 18 ont en effet été formés à Los Angeles, essentiellement au cours des années 1980, par des migrants fuyant la guerre civile et bénéficiant de la mansuétude de l’administration de Ronald Reagan, soutien politique de la junte militaire d’extrême droite.

Des enfants en danger

Une période durant laquelle les travailleurs sociaux ont « mis en danger leur vie tous les jours, négociant avec les chefs de gangs pour avoir accès aux enfants maltraités et désespérés », soulignait en juin 2018 Rory Truell, secrétaire général de la Fédération internationale des travailleurs sociaux, dans les colonnes du quotidien britannique The Guardian. Avant de citer une professionnelle requérant l’anonymat : « Il n’y a pas le choix. Soit nous faisons quelque chose, soit nous laissons les enfants mener une terrible vie d’exploitation jusqu’à ce qu’ils soient tués. »

Créée en 1956, l’Association des travailleurs sociaux du Salvador compte aujourd’hui environ 1 500 membres. Et l’inquiétude y grandit quant aux conséquences de l’impitoyable guerre lancée contre les gangs par le président Nayib Bukele. « C’est une bombe à retardement », s’alarme ainsi l’un d’entre eux, cité par l’agence AP, à l’heure où à l’intérieur des prisons, « les membres des gangs mijotent avec une sorte de rage vengeresse ». Selon les statistiques officielles, plus de 45 000 enfants vivent avec au moins un de leurs parents emprisonnés dans le cadre de cette guerre des gangs ou de sa répression gouvernementale.

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