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Le deuxième plan « Logement d’abord » doit être plus ambitieux

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Une manifestation pour le logement pour tous et contre la fin de la trêve hivernale a eu lieu le 1er avril à Paris    

Crédit photo Fiora Garenzi / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
TRIBUNE - Les grands axes du plan « Logement d’abord 2 » ont été présentés le 1er février dernier. Réunies au sein des Acteurs du logement d’insertion (ALI), quatre associations précisent leurs attentes face aux besoins en constante augmentation. Elles demandent, entre autres, de véritables moyens pour leur permettre de réaliser leurs missions.

 « Chaque élection présidentielle provoque une certaine apesanteur dans les décisions politiques. Mais, cette fois-ci, la période est particulièrement longue pour la politique du logement. Pourtant, les travaux de concertation avaient abouti, en fin du précédent quinquennat, à des consensus autour de la nécessaire programmation de production de logements et d’hébergement. Celle-ci répond à des besoins en augmentation constante : 300 000 personnes sans domicile fixe, 2 millions de demandeuses de logement social et plus de 4 millions de mal logées.

Le premier plan “Logement d’abord” a permis de trouver des solutions et de créer un mouvement de prise en compte des plus fragiles. Mais l’attente dure. Certes, le gouvernement a été à l’écoute des acteurs du secteur, notamment d’insertion, pour faire face, en partie, à l’impact de la hausse sans précédent des coûts de l’énergie. Mais, à part l’esquisse de six priorités et l’annonce d’un budget supplémentaire pour 2023, par ailleurs largement insuffisant, nous ne voyons, à ce jour, rien venir. Les annonces finiront par arriver, nous dit-on. Nous analyserons alors l’ambition affichée au regard de deux indicateurs : le pilotage national et local de cette politique publique et les arbitrages financiers obtenus.

Si le premier plan a permis un pilotage national décliné dans les territoires “de mise en œuvre accélérée”, le volet 2 doit s’appuyer sur un véritable comité interministériel animé par la Dihal (délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement). L’objectif est ainsi de mobiliser l’ensemble des ministères, administrations et organismes intervenant dans la politique du logement. Dans les territoires, l’Etat doit se doter d’une fonction d’animation incarnée, par exemple par un sous-préfet ou un commissaire délégué, pour mobiliser l’ensemble des outils dont il dispose en matière de logement.

Au-delà des discours et des objectifs, les moyens supplémentaires obtenus par le ministère du Logement seront évidemment scrutés à la loupe. Pour 2023, ces moyens supplémentaires dégagés ne concernent à ce jour qu’un peu plus de 40 millions d’euros. Autant dire, une goutte d’eau, ou presque, par rapport aux besoins. Cela correspond, par exemple, à ce qu’il serait nécessaire pour financer véritablement, à hauteur des besoins, l’aide à la gestion locative sociale pour les résidences sociales. Et, bien évidemment, les besoins sont autrement multiples.

Les Acteurs du logement d’insertion (ALI) (1) se retrouvent dans les priorités annoncées par Olivier Klein, ministre du Logement, le 1er février dernier. Il nous semble toutefois nécessaire de préciser nos attentes autour de quatre axes essentiels.

Trop peu de logements abordables

Le premier axe du plan “Logement d’abord 2” doit prioriser la production de logements véritablement abordables. C’est une évidence, mais qu’il nous plaît de rappeler au regard des chiffres insuffisants de la production ces dernières années. La multiplication des dispositifs d’hébergement masque la difficulté pour le plan de transformer les principes du Logement d’abord en réalités concrètes pour les ménages. Dans le champ du logement d’insertion, cela doit se traduire par des moyens renforcés alloués aux associations pour produire des logements à très bas niveau de quittance. Cela passe également par la relance de la programmation des résidences sociales, qui répondent efficacement aux besoins de nombreuses personnes en recherche de logement. Les ALI évaluent à 20 000 les nouveaux logements en résidences sociales, hors pensions de famille, plan de traitement des foyers de travailleurs migrants, et un plan ambitieux de production de logement pour les jeunes, dont les foyers de jeunes travailleurs. Enfin, il faut améliorer les outils de mobilisation du parc privé – qui complète efficacement le parc social – pour le rendre accessible aux plus modestes.

Le deuxième axe, qui conditionne en réalité tous les autres, désigne naturellement la consolidation des modèles économiques. Quels que soient les dispositifs dans lesquels nos associations sont engagées, s’ils sont incontestablement protecteurs pour les personnes logées, ceux-ci demeurent fragiles et parfois intenables dans le contexte de crise des énergies que nous connaissons. En matière d’intermédiation locative, le montant des financements est souvent inadapté à l’intensité des actions réalisées (prospection, accompagnement le cas échéant). De plus, les modes de calcul et de déclenchement de ces financements donnent trop peu de visibilité aux associations pour leur permettre une montée en charge cohérente avec les objectifs fixés.

La question du modèle économique

Par ailleurs, depuis plus d’une dizaine d’années, le modèle économique des résidences sociales est structurellement déséquilibré, du fait notamment de la désindexation des charges et des produits d’exploitation ainsi que du sous-financement de la gestion locative sociale. L’évolution brutale de l’ensemble des coûts d’exploitation (énergie, sous-traitance, impact lié à la revalorisation du livret A…) rend cette situation encore plus intenable à court terme.

La question des modèles économiques des associations du logement d’insertion ne peut pas être un impensé du plan “Logement d’abord 2”. Sans un renforcement de nos capacités à produire, à gérer et à rénover des logements abordables, et sans moyens pour soutenir et accompagner les ménages qui rencontrent des difficultés, nous ne pourrons pas contribuer à la réussite du plan. Cette consolidation est une étape fondamentale qui doit se concrétiser dès la loi de finances pour 2024. A défaut, c’est un pilier du plan qui ne pourra se développer à la hauteur des besoins pourtant établis objectivement.

Le troisième axe concerne bien évidemment les personnes, même si le soutien à celles-ci relève de mesures de politique sociale globale. Il est en effet indispensable d’assurer des ressources suffisantes aux ménages pour faire face aux dépenses liées à leur logement. La revalorisation des aides au logement (APL) ou la garantie de ressources pour les jeunes exclus du revenu de solidarité active seraient autant de mesures indispensables, alors que c’est tout l’inverse qui est à l’œuvre, entre baisse forfaitaire des APL et modalités de calcul “en temps réel” qui privent de nombreux ménages, et particulièrement les jeunes, d’une ressource essentielle.

Plus largement, la question de l’accompagnement des personnes est un élément central. Pourtant, sur ce point, le premier plan “Logement d’abord” laisse un goût d’inachevé. A titre d’exemple, l’intermédiation locative en sous-location déclenche le plus souvent des mesures d’accompagnement alors que celles-ci sont quasiment exclues en mandat de gestion ; or, tant la demande comme les besoins de la personne devraient être pris en compte, et non son statut locatif.

Enfin, parce qu’aucune politique du Logement d’abord ne pourra se mener seule, il convient de garantir l’attractivité des métiers qui y sont liés. Sans salariés, il n’y a pas de logement d’insertion, pas de personnes accompagnées, pas de politiques publiques efficaces. Parce que les causes sont multiples (salaires, formation, évolutions de carrière, organisation du travail, multiplication des financeurs/contrôleurs), plusieurs leviers mériteraient d’être saisis : accroître la visibilité de notre secteur dans la formation initiale des travailleurs sociaux, favoriser une gestion plus dynamique des carrières et enrayer le sentiment de perte de sens.

Les réseaux composant les ALI ont largement contribué aux actions du premier plan “Logement d’abord”, tant les principes sur lesquels repose cette politique publique nous étaient familiers. C’est pourquoi nous militons pour une nouvelle étape de ce plan, ambitieuse dans ses objectifs et ses moyens. Le Logement d’abord ne doit pas être une “niche” de la politique du logement. Mieux recenser les besoins, proposer davantage de logements véritablement abordables, mieux accompagner les personnes et les assurer de leurs droits… voilà qui demande la mobilisation de toutes et tous. »

 

Les auteurs de la tribune :

Marianne Auffret (directrice générale de l'Unhaj), Arnaud de Broca (délégué général de l'Unafo), Sébastien Cuny (délégué général de la Fapil) et Juliette Laganier (directrice générale de la Fédération Soliha). Tous sont membres des Acteurs du logement d'insertion (ALI)

 

Notes

(1) Qui regroupent la Fédération des associations et des acteurs pour la promotion et l’insertion par le logement (Fapil), la fédération Solidaires pour l’habitat (Soliha), l’Union professionnelle du logement accompagné (Unafo) et l’Union nationale pour l’habitat des jeunes (Unhaj).

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