En 1981, Myriam Ezratty, nouvelle directrice de l’Education surveillée (ES), constate les changements internes à l’administration et ceux de son environnement : les juges des enfants placent moins de mineurs dans les internats, isolés en milieu rural, pour se tourner vers le milieu ouvert et les petites structures en milieu urbain. Les centres fermés sont en voie de disparition ou ont ouvert leurs portes en raison d’incidents multiples dus à la concentration de mineurs très perturbés.
Le profil des jeunes confiés a également beaucoup évolué : issus des grands ensembles accueillant des familles de travailleurs dans des bassins d’emploi industriels, leur niveau de vie est plus élevé que celui de leurs aînés. Par ailleurs, un changement de mentalité s’opère avec le consumérisme et la frustration de ceux qui n’y ont pas accès. Qui plus est, la modernisation des productions et la hausse du niveau de formation éloignent de l’emploi les jeunes sous main de justice. L’augmentation de la délinquance et la multiplication des violences collectives ont pour effet une explosion des incarcérations de mineurs (+ 41,3 % de 1979 à 1980). Puis l’adoption, en février 1981, d’une loi « sécurité et liberté » augmente la répression. Dans ce contexte, l’ES, fragilisée de surcroît par la petitesse de sa taille, risque de disparaître.
La mise en place de la politique de la ville et le renforcement – budgétaire et en effectifs – de l’ES pour y participer aboutissent à la circulaire d’orientation du 11 avril 1983. Celle-ci donne de réels pouvoirs aux responsables locaux, dans les délégations régionales, chargées de la gestion et de la coordination des départements, et les « services extérieurs » (futures directions départementales), qui encadrent la politique éducative. Le but essentiel de cette politique d’ouverture est de réduire le taux d’incarcération des mineurs en diversifiant les moyens d’action des juridictions. Considérée comme un guide d’orientation, cette circulaire se révélera d’un grand soutien à l’élaboration de réponses aux besoins des mineurs.
Des pratiques éducatives très variées, toujours innovantes, vont compléter des dispositifs plus traditionnels comme l’hébergement et le milieu ouvert. Plusieurs ateliers de production et des lieux de formations inscrits dans la réalité économique favorisent la mise en œuvre de chantiers d’insertion, débouchant sur des embauches possibles de publics exclus de l’emploi.
Enfin, le développement de séjours coopératifs dans les pays d’origine de certains jeunes aide à renouer des racines culturelles, tandis que la création artistique (troupes de théâtre et lieux de concerts) développe la créativité des adolescents. Ces innovations reposent sur des partenariats multiples, toujours conventionnés techniquement et financièrement, entre les agents de l’ES, les municipalités et des associations. Les directions départementales deviennent les cheffes d’orchestre du réseau d’insertion des jeunes de l’ES.
Pour aller plus loin, à suivre absolument : la Revue d’histoire de l’enfance « irrégulière ».