Ils sont 100 (à quelques zéros près). Pas l’euphorie, mais j’y crois. Des jeunes de moins de 25 ans orientés par la mission locale. Le brouhaha est intense et je ne m’entends plus respirer. Ça me change de mes entretiens en duo. Je repense à la pauvre affiche que Colette a punaisée dans la salle du courrier, en pouffant : une femme en tailleur strict, chignon figé, avec un slogan : « Les assistantes sociales apportent aux familles joie et santé. » Putain de cliché ! C’est pour ça que j’ai enfilé une mini-jupe en jean, des bas en laine sur des collants transparents, un tee-shirt rouge, mes Docs vénérées, blush et mascara (pas tous les jours qu’on passe au Zénith !). J’ai ajouté ce ras du cou en argent, trop rock and roll, des fois que Jagger passerait par-là. Mick, pas Marcel !
Un mois plus tôt :
« En tant qu’ambassadrice métier, ça vous dirait de parler de votre métier d’assistante sociale ?
– Où ça ? Avec qui ?
– Au Zénith, avec les représentants des métiers de l’humain, devant des jeunes en mal d’orientation. »
Si ça me tente ? Un show au Zénith ? Avec ma bande de potes ? Mais ouiii !
Voilà que j’atterris sur scène, micro en mains, la voix mal assurée (faudra que je prévois d’autres dates pour ma tournée !). J’ai trop envie de faire pipi. Et puis, mouha, je fais assistante sociale, parce que éduc, faut au minimum aimer les enfants. Mouha, ils me font un peu peur. Ils ont toujours le dernier mot. Y’a qu’à voir les miens…
Allez, je me lance en mode stand up :
« Qui d’entre vous kiffe la société comme elle est ? Qui est contre les inégalités ? Contre les injustices ? Contre la privation de liberté et de dignité humaine ? »
Galvanisée par les acclamations du public (presque en délire), je prends soin d’occuper la scène, je saute, je tourne, un « moonwalk » à l’arrache, une choré à la Tik-Tok (nan, je brode, là !) et poursuis la diatribe qui sort de ma bouche sans que je contrôle quoi que ce soit. On dirait que je me suis mise minable à coup de shots de vodka lemon. Mais je continue sur ma lancée. Beyoncé peut aller se rhabiller. Beyouncé est dans la place !
« Qui d’entre vous a envie de changer le monde ? »
La foule parsemée se lève et applaudit. J’aurais pu me laisser tenter par un « body surfing », mais trop peur d’atterrir sur le carrelage !
« Bah voilà, vous êtes tous à haut potentiel pour devenir un assistant de service social. Alors quoi ? Tous à vos souris et allez cliquer pour ces trois ans de formation hors normes qui changeront votre vie et celle de vos congénères !
– Congé quoi ?
– Yep mec ! We’ll change the world ! »