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Paolo (suite)

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A mesure que les jours passent, mon inquiétude grandit. Je fais part de mes craintes à Mme Jeanbaptiste. Là, vraiment, il faut qu’elle prenne une décision si elle ne veut pas perdre la main. Elle acquiesce en pleurant toutes les larmes de son corps. Nous en parlons à Paolo. Le petit garçon nous regarde tour à tour avec ses grands yeux noirs. Tandis que sa mère essuie ses yeux, il la prend par les épaules : « Tu sais, je suis grand maintenant. Tu ne dois pas t’inquiéter pour moi. Je serai en famille d’accueil. Tu peux te soigner. Je t’attendrai. Soigne-toi maman. »

Mes tripes se tordent et je suis à deux doigts de me moucher dans ma robe.

Mon responsable a trouvé une famille d’accueil à proximité, ainsi Paolo n’aura pas à changer d’école. Un rendez-vous est pris avec la famille pour les présentations. Mme Jeanbaptiste est émue. Elle visite la maison et la chambre qu’occupera son fils. Paolo fait son timide. La famille d’accueil adopte un discours rassurant auprès de la maman : c’est comme un tonton et une tata qui accueillent Paolo en vacances pendant son hospitalisation. Ils lui donneront régulièrement de ses nouvelles.

Mme Jeanbaptiste entre en cure puis en accompagnement de postcure. Je passe voir Paolo de temps en temps. Il va bien du moment qu’on lui donne des nouvelles de sa mère qui semble mettre toute son énergie à guérir. Et moi je l’admire pour sa pugnacité.

Science-fiction me direz-vous ?

C’était il y a vingt ans.

Mme Jeanbaptiste se rend à une de mes permanences bien qu’elle ait déménagé et quitté mon secteur. Elle a 66 ans aujourd’hui. Elle se présente épanouie, amincie, coquette, avec ses cheveux colorés remontés en chignon. Elle me renvoie un sourire entendu et sort de son sac à main quelques photos de son fils, 28 ans : là, il pêche ; ici, il éclate de rire à table ; là encore, il se marie ; plus loin, il tient son bébé dans les bras.

Alors mes tripes se tordent d’une belle émotion. En même temps, une sourde inquiétude m’enveloppe. Que se passerait-il aujourd’hui ? Devrait-on suivre la procédure aveuglément et placer cet enfant avec ou sans accord du parent ? Et où le placerait-on ? Il n’y a plus de place ni en famille d’accueil, ni en foyer. Aurais-je le temps de faire visiter, de présenter Paolo et sa maman à la famille d’accueil ? Je vois malgré moi s’effilocher les bribes d’humanité qui faisaient la sève de mon métier, au bénéfice de quoi au juste ? Et lutter pour les préserver m’épuise.

En venant me rencontrer, Mme Jeanbaptiste a insufflé pour un temps encore l’idée que mon engagement est juste et a jeté une pièce dans le jukebox de la détermination pour un petit délai supplémentaire.

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