Ils représentent, selon les statistiques officielles, plus de 70 % des prisonniers indiens: les prévenus en détention dans l’attente de leur procès pèsent lourdement dans la balance de la surpopulation carcérale, un fléau qui touche particulièrement l’État du Maharashtra, au centre-ouest de l’Inde. Sans surprise, ce sont les prisonniers les plus démunis, incapables de financer leur libération sous caution ou de se repérer dans la jungle complexe des aides juridiques, qui se retrouvent en première ligne. Pour juguler cette tendance, le gouvernement a mis en place un fonds d’aide financière pour accompagner le programme baptisé « Représentation juridique pour les procès en cours », lancé en 2018 par « Prayas », un projet d’action de terrain conçu par l’Institut Tata des sciences sociales. La fondation du groupe Tata, célèbre conglomérat industriel historiquement implanté à Mumbai (anciennement Bombay), finance le déploiement de travailleurs sociaux et d’avocats dans huit prisons (Mumbai Center, Yerwada, Thane, Taloja et Nagpur, Byculla, Latur et Kalyan). Selon « Prayas », 4 504 accusés ont déjà bénéficié de leur aide pour obtenir une libération sous caution, un acquittement ou un accompagnement dans un projet de réinsertion.
Un chiffre loin d’être dérisoire, puisqu’il représente environ 10 % des quelque 41 075 détenus répartis dans les 60 établissements pénitentiaires du Maharashtra au 31 janvier 2023, d’après les statistiques du département d’État des prisons. Et les taux d’occupation actuels donnent le vertige, avec, à titre d’exemple, le chiffre de 446 % pour la prison centrale de Mumbai, ou 389 % pour celle de Thane. « La plupart des prisonniers pauvres sont issus de minorités ou de communautés de castes discriminées », constate le militant des droits de l’Homme et avocat Asim Sarode, cité par le quotidien Times of India. Toutefois, ajoute-t-il, « les tribunaux ne tiennent pas compte de ces facteurs et de la capacité financière des détenus lorsqu’ils fixent le montant de la caution. Cela doit changer si nous voulons nous assurer que les prisons soient décongestionnées. »
La seconde phase du programme de l’équipe de « Prayas », débutée en janvier 2022 et qui devrait s’achever en décembre 2024, se concentre sur une augmentation de l’aide juridique en amont de l’incarcération, dès les premiers stades de l’arrestation. En plus de l’intervention des travailleurs sociaux, elle prévoit l’engagement d’étudiants en droit en tant que « juristes bénévoles » censés contribuer à l’évaluation précise des lacunes de l’aide juridique apportée aux populations les plus fragiles.
Le dispositif mis en place doit permettre aux travailleurs sociaux et aux conseils juridiques d’identifier les accusés ayant besoin d’une aide, notamment pour le paiement d’une libération sous caution, l’obtention des antécédents judiciaires, une orientation des familles dans la collecte des documents pertinents, ainsi que pour le soutien financier après la libération, qu’il s’agisse des déplacements liés au processus de réinsertion ou des moyens de subsistance des ex-prévenus.
Pour mémoire, la France connaît elle aussi une augmentation constante de sa population carcérale, avec 72 000 détenus en France en 2022 (en hausse de 4,7 % par rapport à 2021), selon des chiffres du ministère de la Justice publiés en 2022. Parmi celle-ci, environ 19 000 étaient des prévenus en attente de leur jugement, soit 26,5 % de l’ensemble des prisonniers, pour une densité évaluée à 140 % en moyenne, un taux largement inférieur à celui constaté dans les prisons indiennes.