De conseillère auprès d’entrepreneurs à « job coach » dans une structure d’hébergement. Alors qu’elle « ne prévoyait pas de travailler dans le social », Laura Courtois a rejoint le service « emploi » de l’Adefo, une association dijonnaise qui gère notamment des centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). Et pourtant, pour cette diplômée en communication et en sciences de l’éducation, le fil rouge qui l’a conduite d’une activité à l’autre semble clair. « On est vraiment sur un accompagnement, face à une personne qui a un projet et une envie », résume-t-elle. Depuis 2020, la job coach reçoit ainsi les personnes en hébergement qui souhaitent retrouver du travail. Elle doit entretenir six contacts par semaine avec les entreprises et se coordonne, aussi, avec les travailleurs sociaux référents des personnes accompagnées. Sa responsable, Céline Gilles, est arrivée la même année, avec comme mission de structurer le service « emploi » de l’association qui compte aujourd’hui quatre personnes à temps plein. Forte d’une expérience dans l’intérim d’insertion, mais aussi en plan local pour l’insertion et l’emploi (Plie), elle travaille à « un accompagnement vers l’emploi plus développé ». Ce qui suppose à la fois de remobiliser les personnes, de mieux les outiller pour qu’elles retrouvent un travail, mais aussi d’entretenir un réseau de partenaires susceptibles de communiquer des opportunités d’emploi et de formation.
Ce renforcement de l’accompagnement vers l’emploi est également à l’œuvre dans les ateliers et chantiers d’insertion participant à « Convergence », programme national qui vise à réinsérer davantage de « grands exclus ». Ces structures d’insertion par l’activité économique se sont dotées de postes mutualisés de chargé de partenariat « emploi » pour prêter main-forte à leurs conseillers en insertion professionnelle (CIP). « L’emploi reste dans les missions des CIP, mais il s’agit de leur apporter une plus-value, une complémentarité, une autre dynamique, un regard nouveau », témoigne ainsi Hélène Merlet, qui appuie ainsi cinq structures autour de Nantes (Loire-Atlantique). Ainsi se charge-t-elle de prospecter certaines entreprises afin de dénicher des stages de mise en situation aux salariés en insertion. Elle a pu proposer une formation à un outil de photolangage permettant de travailler le projet professionnel, ou encore suggérer l’organisation d’un atelier collectif pour faire connaître « les attendus du monde de l’entreprise ». « J’amène les CIP à faire sortir les salariés des chantiers pour aller à un job dating, visiter un centre de formation », ajoute-t-elle. Quitte à accompagner elle-même un salarié en insertion. « On a du temps, ce qui peut favoriser l’aller vers », souligne-t-elle. Cette diplômée d’État en ingénierie sociale (Deis), passée par diverses structures d’insertion, recense enfin les partenaires susceptibles d’accompagner les salariés à l’issue des parcours. Elle a ainsi identifié un « collectif emploi » à Nantes, regroupant des acteurs de « l’inclusion professionnelle ». Pour s’informer sur les opportunités, « on a fait le tour des agences d’intérim, des principaux organismes de formation, des Geiq [groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification] », indique-t-elle encore.
Lutter contre ce sentiment d’inemployabilité qui peut toucher les personnes concernées ainsi que leurs référents est devenu une priorité de l’Association de l’hôtel social (Lahso), installée à Lyon (Rhône) et spécialisée dans l’hébergement d’urgence. Pour opérer ce changement de pratiques, l’association a décidé d’importer la méthodologie « IPS » (Individual Placement and Support), popularisée aux États-Unis pour soutenir l’accès à l’emploi ordinaire des personnes souffrant d’une déficience intellectuelle ou d’un handicap physique. « Les freins à l’emploi sont souvent identifiés par quelqu’un d’autre que la personne concernée. On leur explique les raisons pour lesquelles elles n’ont pas de travail puis on leur prescrit diverses actions, étape par étape. La méthode IPS invite à suspendre ce type de jugement, à se déposséder d’un savoir et d’une expertise sur la personne. Cela permet de rééquilibrer la relation avec le bénéficiaire, qui doit pouvoir exprimer son envie, même s’il se trompe », explique la cheffe de service Mélanie Cogerino.
Cette posture se traduit de deux manières. Lahso compte cinq job coachs formés à cette méthode, dont un job coach pair. Aucun d’entre eux n’ayant le profil de conseiller en insertion professionnelle: on trouve notamment une psychologue, une médiatrice culturelle, ainsi qu’une conseillère en économie sociale et familiale. « Leur quotidien est consacré pour partie à la relation avec les personnes, l’autre avec les entreprises. Je vais rechercher, quand je recrute, des personnes capables de communiquer et de travailler en équipe, qui laissent le droit à l’erreur aux personnes accompagnées mais savent aussi tenir le langage des entreprises », souligne-t-elle. Autre particularité chez Lahso: l’accompagnement vers l’emploi devient une affaire d’équipe. Jusqu’à cinq référents peuvent être autour de la table pour discuter du cas d’un bénéficiaire. « L’objectif est de dynamiser l’accompagnement, de générer de la fluidité, d’apporter une pratique réflexive en remettant la personne au centre, plutôt que face à un seul référent tout puissant », souligne Mélanie Cogerino.
A l’Adefo, Laura Courtois, formée elle aussi à la méthode IPS, en apprécie l’approche. « On n’a pas à être directif », souligne-t-elle. L’absence de date butoir dans l’accompagnement apporte, selon elle, de la souplesse. Elle revendique l’absence de jugement sur les choix exprimés par les personnes, même quand leurs décisions semblent a priori peu compatibles avec leurs diverses contraintes ou difficultés. Elle raconte le parcours réussi d’une personne hébergée en urgence qui s’est reconvertie dans la logistique. Elle lui a permis de décrocher une formation au certificat d’aptitude à la conduite d’engins en sécurité (Caces) via son compte personnel de formation, en lui favorisant l’accès à un ordinateur et à une connexion Internet. Puis en accélérant son hébergement en résidence sociale afin qu’elle puisse suivre sa formation sans être à la rue. Parmi les 81 personnes accompagnées depuis début 2021 par Adefo, 60,5 % d’entre elles ont travaillé: 18 % en CDI, 32 % en CDD, 33 % en intérim et 3 % sont allées se former.
Cette méthode, soutenue par un financement pour trois ans de la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal) des personnes sans abri ou mal logées depuis 2021 sous le nom de « coach emploi », apporte « de bons résultats sur des entrées dans l’emploi », estime Alexandre Viscontini, conseiller « emploi/travail ». À ce jour, 340 personnes ont été accompagnées dans les différents territoires, un job coach s’occupant de 20 personnes. Pour l’évaluation du programme, l’accès à l’emploi sera observé, mais aussi d’autres critères sociaux ainsi que l’évolution des pratiques professionnelles et les liens avec les acteurs de l’emploi.