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La petite reine et les rois de la débrouille

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Tout a commencé avec Moh qui déboule à vélo sur la place principale du quartier. Je le revois descendre la pente à fond les ballons, arriver au croisement des rues Ronsard et Apollinaire et freiner d’un coup sec. Moh n’a en fait plus de frein arrière, il freine donc avec l’autre, et aussi un peu avec ses pieds. Pieds qui, comme l’ensemble de son être adolescent, passent illico par-dessus le guidon. Il s’affale à quelques mètres de moi, dans un concert sonore de graviers et de percussions métalliques. Inquiet, je l’aide péniblement à se relever, péniblement. A part une égratignure sur l’avant-bras, le gamin semble aller bien. Il est même hilare et a le regard lumineux de celui qui est prêt à recommencer.

Avec une idée derrière la tête, je le taquine un peu: « Mais Moh, où est passé ton frein arrière? » Le gamin, toujours mort de rire, me dit: « Plus de frein, plus de câble, plus de patins. Mais pas grave, je fais sans, c’est la rue, t’as vu! » Je ris et m’aventure: « Oui, pour avoir vu, j’ai vu! Mais, dis-moi, ça te dirait qu’on trouve un endroit pour bricoler ton vélo, genre pour remettre un frein arrière, par exemple? » L’ado valide allègrement l’idée. Un petit tour sur le moteur de recherche de mon téléphone, nous tapons: « atelier de vélo solidaire à proximité ». Deux lieux associatifs ressortent. Nous notons les adresses, et nous nous donnons rendez-vous pour le mercredi suivant, le temps de faire les autorisations parentales.

Le jour dit, Moh est au rendez-vous, mais il débarque avec un autre vélo. « T’inquiète, l’autre vélo, un grand de la cité me l’a pris, et je l’ai plus revu. De toute façon, c’était un vélo abandonné que j’avais trouvé. Là, c’est le vélo de ma cave. » Dans le quartier, un vélo appartient un peu à tout le monde, c’est une règle presque incontournable. La nouvelle bécane de Moh est tout aussi amochée. Nous la calons dans le coffre du Berlingo, direction le premier lieu associatif. Mais nous ne recevons pas l’accueil espéré: un homme au crâne dégarni tourne le dos sèchement à notre demande d’information. « Z’avez le règlement sur le grand tableau, avec les horaires et nos prestations. » Moh s’approche de mon oreille et me glisse: « Je crois qu’il s’en bat les couilles! » Au-delà de la forme poétique, je constate que Moh a une fine perception d’autrui. Nous reprenons notre route, sans être retenus. Nous arrivons dans le second lieu visé.

A peine arrivé, un gars, les mains pleines de cambouis, interpelle le jeune cycliste: « Mais t’as fait quoi avec ton vélo? Tu l’as salement amoché! Toi, tu dois faire des roues arrière pour en avoir une voilée à ce point! » « Comment tu sais? », rétorque le gamin. Francis, le bénévole, regarde Moh avec malice: « J’ai eu une jeunesse, tu sais. »

Je vois le gamin accroché d’emblée par ce lieu chaleureux, qui mélange des personnes issues de tous milieux sociaux et culturels. Et surtout, la nouvelle de l’existence de cet atelier fait rapidement le tour de la cité. D’autres petits réparateurs en herbe pousseront ainsi leurs vélos jusqu’à moi en espérant s’y rendre. Depuis, le lieu est devenu un précieux partenaire.

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