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Cette famille-là

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J’en ai vu passer des enfants. Des jeunes et des moins jeunes, des bien entourés et des mal barrés, des timides et des exubérants. Aristide, Sofiane, Mélissa, Killian… des visages et des prénoms qui défilent dans ma tête, des souvenirs avec les uns et les autres, chez eux, en famille d’accueil, en foyer. Des enfants de nulle part et partout… et leurs familles. Mère absente, père envahissant, grand-mère bavarde, frère mutique, familles toujours trop tout et jamais assez.

Et puis il y a cet enfant. Il n’a rien de plus ni de moins que les autres, mais il y a ce je-ne-sais-quoi qui rend son histoire différente.

Peut-être à cause de sa mère, qui n’en finit pas de se sentir coupable d’avoir transmis le mauvais gène. « Mais c’est la génétique, Madame, vous n’y êtes pour rien, et puis il y avait quoi ? Une chance sur mille, dix mille, un million ? Comment savoir ? » Mais elle s’en veut pour tout. Pour ce gène différent, et pour le reste. « Je n’ai pas su faire. J’avais peur, j’étais perdue. J’ai essayé pourtant, et j’essaie encore, mais je sens bien que je m’y prends mal, je n’y arrive pas. Je ris quand il rit, je pleure quand il pleure. Alors là, comme ça, c’est bien je trouve. Je le prends un peu, son père aussi, on l’aime tous les deux, on passe des bons moments, c’est mieux pour lui, non ? »

Peut-être à cause de son père, qui est parti si vite. « Parce que vous comprenez, j’avais peur, j’étais perdu. Je ne savais pas m’y prendre avec ce petit si fragile. Sa mère me reprochait tout, de faire trop, ou pas assez, ou mal. Et puis, le médecin nous avait dit que c’était génétique, et j’ai pensé à l’après. Nous, notre couple, notre famille qu’on voulait nombreuse. Alors je suis parti, c’est vrai. Parce que, ensemble, tous les trois, je pouvais plus. Mais je l’aime mon fils, on fait des tas de choses ensemble, vous savez. Quand je le prends le week-end, on joue, on va au parc, on fait des crêpes… Il a sa chambre à lui, ses jeux, ses livres, tout. Mais le prendre à la maison plus souvent, non, c’est impossible. J’ai refait ma vie, vous comprenez… »

Peut-être à cause de sa famille. Sa grand-mère qui lui amène des gâteaux en douce, il ne peut pas les manger pourtant, c’est trop sec, trop dangereux pour lui, on lui a dit cent fois, mais elle continue, parce que, quand même, c’est pas un petit biscuit qui va lui faire du mal, hein ?

Peut-être à cause de son petit frère, le fils de son père et de sa nouvelle compagne. Petit blondinet si mignon, si poli, si parfait. L’enfant idéal de la famille rêvée qui le couvre de jolis petits câlins.

Peut-être à cause de tout ça. Peut-être à cause de tous ces gens qui l’aiment, mais qui ont peur de l’aimer mal, ou trop, ou pas assez.

Ou peut-être juste à cause de lui, cet enfant-là, celui qu’on veut et qu’on ne veut pas, celui qui voyage d’une famille à l’autre mais qui revient toujours. Le foyer comme un fil à la patte, et l’amour comme une cage dorée. Ou le contraire.

La minute de Flo

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