Parents aidants de la petite Andréa atteinte d’une maladie orpheline et fondateurs du lieu de répit inclusif Les Bobos à la ferme(1) dans le Pas-de-Calais – gîtes labellisés « Tourisme et handicap », possibilité de bénéficier d’interventions de relayage, activités adaptées (yoga, shiatsu, salle Snoezelen, équithérapie) –, Elodie et Louis Dransart sont en train de bâtir un véritable pôle de pair-aidance professionnelle. Souhaitant valoriser les expériences et les compétences de ceux qui vivent au quotidien la « parentalité différente », le couple a déjà permis à quatre aidants parentaux de se salarier. Il ne s’agit pourtant pas de se substituer aux personnels médico-sociaux qui accompagnent par ailleurs leurs enfants en situation de handicap ou souffrant d’une pathologie chronique.
« Les aidants peuvent être une source de richesse pour leur propre communauté, analyse Louis Dransart. Notre base de recrutement n’est pas le diplôme – nous n’avons pas essayé de trouver des assistantes sociales ou des éducateurs – sinon des parents d’enfants en situation de handicap qui avaient le recul nécessaire pour pouvoir transmettre une envie d’aider des pairs. » Le programme s’inspire de ce qui existe déjà dans le secteur de la santé mentale, où cette entraide est largement utilisée pour cheminer vers le rétablissement. « Les aidants sont sans cesse confrontés à des difficultés pour être compris et entendus dans les services de droit commun. Cet apport vient compléter l’action sociale traditionnelle en donnant un outil supplémentaire. Nous ne sommes pas là pour remplacer qui que ce soit. »
Grâce aux aptitudes développées lors d’une ancienne vie parisienne – Louis était directeur d’établissements médico-sociaux et Elodie cheffe de projet – et aux obstacles surmontés pour entourer au mieux Andréa, le couple a compris l’importance de favoriser ces montées en compétences auprès de parents qui leur ressemblent. « Chez nous, la pair-aidance professionnelle a été une évidence, explique Elodie Dransart. Non seulement nous sommes les parents de notre fille mais nous nous sommes professionnalisés pour créer l’association et bâtir une véritable démarche alternative d’accompagnement des aidants. »
Si le recrutement des salariés n’est pas passé par un véritable module de formation – « une mère ou un père d’enfant en situation de handicap ne peut pas prendre six mois pour se former » –, l’équipe est en train de construire un dispositif léger, de quatre à cinq jours, avec des parents sélectionnés. Choisis en fonction de leurs qualités de communication et d’empathie, ils seront ensuite suivis au sein du pôle « parents aidants » en analyse de pratiques. L’objectif est de pouvoir ensuite les solliciter ponctuellement, en fonction des besoins et de leurs expériences singulières, pour intervenir au cas par cas auprès d’une famille. « Il s’agit de dépasser des savoir-faire du type changer une couche ou réaliser des aspirations trachéales, sinon de valoriser une trajectoire beaucoup plus large, un ensemble de compétences et de vécus, qui vont bien au-delà de l’aide à la personne pure et dure. » L’expérimentation devrait permettre de former cinq pairs-aidants supplémentaires d’ici septembre prochain.
Désormais labellisé « Halte répit » par la CAF et reconnu « Lieu ressources parentalité », ce havre situé à la Madelaine-sous-Montreuil, à quelques kilomètres de la Côte d’Opale, prévoit de « capitaliser sur cette richesse collective » et de la professionnaliser au bénéfice du plus grand nombre. « Nous sommes des facilitateurs, des nouveaux intermédiaires, avec l’ambition de remettre de l’huile dans les rouages. Nous venons compléter une réponse classique qui ne suffit pas toujours. Mais attention : être parent d’un enfant handicapé n’est pas forcément un ticket pour être pair-aidant. Certains ne sont pas prêts à gérer l’effet miroir que cela peut entraîner. »