« Le secteur du grand âge va Très mal. Ce n’est malheureusement pas une surprise : nous tirons la sonnette d’alarme depuis des années sur la dégradation progressive de l’accompagnement des personnes âgées, faute d’une réforme d’ampleur, pérenne et financée. Les constats et réponses sont pourtant connus. Parmi les maux figurent la complexité et les incohérences du pilotage croisé de la politique publique du grand âge, et de sa double gouvernance financière entre départements et agences régionales de santé (ARS). A la Fnadepa (Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées), nous en dénonçons les conséquences préjudiciables depuis des années. Les ressources très disparates et les choix politiques très hétérogènes des départements ont en effet abouti à un accompagnement à géométrie variable de nos concitoyens et à un risque de fracture majeur de notre secteur. La crise Covid en a amplifié les effets en démultipliant les iniquités territoriales induites notamment par des divergences de la valeur du point GIR, de l’attribution de la prime Covid, de l’abondement de l’avenant 43, du soutien aux résidences autonomie…
Les différences flagrantes, directement remontées du terrain, sont malheureusement nombreuses. A titre d’exemple, une enquête flash de notre fédération menée auprès de ses adhérents révélait en septembre dernier que le taux d’évolution du tarif “hébergement” voté par les conseils départementaux pour 2022 s’échelonnait entre 0 % et plus de 2 % entre les territoires ! Nonobstant des taux ridiculement bas au regard de l’inflation, ces écarts sont difficilement compréhensibles pour les personnes âgées et leurs proches.
Pour y remédier, nous prônons un changement de paradigme en nous appuyant sur les évolutions en cours induites par la création de la 5e branche. Il s’agirait là d’un aboutissement de la dynamique qui semble s’esquisser avec la consolidation de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) aux niveaux national et territorial.
Nous vivons actuellement l’amorce d’une transformation de la gouvernance. Enfin, si celle-ci va jusqu’au bout de sa logique d’optimisation et d’efficience pour l’usager comme nous le souhaitons ! Il se constitue en effet au fil des mois un pilote incontestable des politiques de l’autonomie : la CNSA. Devenue pilote de la 5e branche, la caisse se structure peu à peu pour faire face à un double engagement : assurer les financements à la hauteur des enjeux du vieillissement de la population, ce qui implique un renforcement accéléré de ses moyens et de ses ressources humaines et financières ; garantir l’équité territoriale, en organisant le droit à l’information, un accès et un traitement égal pour tous nos concitoyens âgés ou en situation de handicap, quel que soit leur lieu de résidence. Ce pilotage national, défini dans le cadre de la convention d’objectifs et de gestion entre la caisse et l’Etat, sous-tend l’intégration in fine de toutes les sources de financement des politiques de l’autonomie, y compris celles de la prévention.
Une gouvernance financière unique
La 5e branche assurant l’ensemble des financements, la cohérence de simplification voudrait alors que ces derniers soient fléchés directement par la CNSA vers les seules ARS, afin de garantir de manière plus centralisée qu’actuellement l’équité de traitement recherchée. A la Fnadepa, nous militons en ce sens, en prônant un élargissement du périmètre des ARS, transformées alors en agences régionales de santé et de l’autonomie (Arsa).
Ce “big bang de la gouvernance”, présenté en 2021 dans le cadre de nos “25 propositions pour accompagner durablement l’accompagnement des personnes âgées”, est fondé sur l’expertise de nos 1 400 adhérents, tous directeurs d’établissements et services. Il s’est imposé par l’expérience de la crise sanitaire, l’ARS ayant souvent été le seul interlocuteur des directeurs face aux difficultés. Cette gouvernance financière unique, découlant de la pleine mise en œuvre de la 5e branche, permettrait de répondre à un triple objectif : garantir l’équité entre les usagers sur les territoires, assurer une proximité territoriale et établir une transversalité sanitaire/médico-sociale.
Les Arsa devenant alors l’autorité tarifaire unique, découleraient alors deux autres réformes qui sont attendues de longue date. D’une part, la fusion des sections “soins” et “dépendance” – une mesure depuis longtemps dans les tuyaux, mais sans cesse repoussée faute d’une loi pouvant la porter – et, d’autre part, celle de l’aide sociale à l’hébergement, afin d’établir un socle de règles minimales communes dans un objectif de simplification et de lisibilité.
Le pilotage politique
Si les Arsa doivent devenir, selon nous, les uniques gestionnaires financiers des politiques de l’autonomie, qu’en est-il des autres acteurs – dont en première ligne, les départements ? Loin de les exclure, cette nouvelle architecture distingue plus clairement la gouvernance financière de l’accompagnement du grand âge, de son pilotage politique. Ce dernier serait en effet confié à des instances départementales, comme recommandé par le rapport “Libault” intitulé “Vers un service public territorial de l’autonomie”. Garantes de la proximité de la réponse, ces instances inscriront leurs actions dans un cadre national strict, mais dans lequel seront définies des marges de manœuvre pour des adaptations territoriales en tant que de besoin. Une organisation rendue possible grâce à une gestion coordonnée de toutes les parties prenantes en leur sein, à l’image du Conseil de la CNSA : élus, caisses de retraite, Arsa, départements, organismes complémentaires, offreurs de services (par leurs représentants ou en direct) et, enfin, les usagers eux-mêmes.
Loin d’être une nouvelle couche au millefeuille administratif souvent dénoncé par notre fédération, ces instances ne se superposeraient pas aux instances existantes (conférences des financeurs, conférences des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie, conseils départementaux de la citoyenneté et de l’autonomie…), mais les fusionneraient, dans une logique d’optimisation. Dans cette architecture, les départements ne seraient plus financeurs mais garderaient toute leur place de régulateurs de proximité, avec une voix forte au sein des instances territoriales de l’autonomie. En parallèle, ils poursuivraient leurs missions en matière de prévention, notamment par la mise en œuvre de centres d’aide et d’information pour les personnes âgées et leurs familles. »
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