Les professionnels maltais sont en colère. Michael Farrugia, président de l’Association maltaise des travailleurs sociaux tire la sonnette d’alarme dans les colonnes du Times : « Le public aidé par des professionnels de l’aide sociale est souvent induit en erreur en pensant être vu par un travailleur social, alors qu’il n’y a pas d’indication réelle sur la description du poste, et qu’il existe une différence salariale. » La grogne porte sur les conséquences de la politique gouvernementale, laquelle tente de faire face à la pénurie de main-d’œuvre en recrutant un personnel non diplômé et qui échappe de facto à la loi régissant la profession, qu’il s’agisse de la rémunération minimale ou de l’adhésion à son code de déontologie. La solution ne consiste pas à substituer « un rôle aussi vital dans la société par du personnel non qualifié et à lui confier la gestion de cas sensibles habituellement traités par des professionnel », insiste le syndicat, à l’heure où les difficultés pour recruter touchent autant ce petit Etat insulaire anglophone que le Royaume-Uni, les Etats-Unis ou le Canada.
Mis sur la sellette, le gouvernement maltais se défend cependant de recruter à bas coût, et vante les salaires « pas mauvais » de ces travailleurs sociaux non qualifiés et « qui sont là pour aider », selon Michael Falzon, ministre de la Famille. Mais avec 1 200 € brut versés pour une trentaine d’heures hebdomadaires, c’est bien une dévalorisation de la profession que craignent les organisations syndicales, à l’heure où l’Etat tente de créer un statut de « professionnel du bien-être social » accessible à toutes les personnes ayant des qualifications en sciences humaines, et flexibles à merci pour pallier le manque d’effectifs.
Car si la rémunération correspond, selon les grilles de salaire de l’archipel, à celle d’un travailleur social expérimenté, c’est bien la faiblesse de la rémunération du secteur qui a été identifiée comme la première cause des difficultés à attirer des candidats. Un motif qui pousse les professionnels à se reconvertir. Le débat agite également la classe politique : « On peut devenir travailleur social par le biais d’un master ou d’une maîtrise en travail social (MSW). Pourquoi quelqu’un devrait-il perdre deux ans dans un cursus universitaire, quand le message donné par les agences gouvernementales consiste à dire que “tout le monde peut faire du travail social” ? », s’interroge ainsi la députée Graziella Attard Previ, citée par le quotidien The Malta Independant.
Selon cette élue, elle-même travailleuse sociale de formation, il s’agit d’un véritable bond en arrière : « La loi sur la profession de travailleur social est entrée en vigueur en 2004. Maintenant, nous sommes en train d’inverser l’histoire. La réglementation n’est plus nécessaire. » Pour éviter d’augmenter de manière significative les salaires, et tenter d’enrayer la fuite des travailleurs sociaux vers le secteur privé, le gouvernement a donc privilégié un processus de non-reconnaissance des diplômes au niveau local. A défaut de pouvoir importer une main-d’œuvre étrangère comme il le fait déjà pour les infirmières, profession elle aussi marquée par une grave pénurie, comme le décrypte encore la députée : « Bien qu’il existe certains domaines spécialisés qui peuvent employer des travailleurs sociaux qui ne parlent pas maltais, la plupart des services doivent encore être gérés par des travailleurs sociaux de langue maltaise. »