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Des professionnels sur la brèche

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En Loire-Atlantique, des éducateurs chargés depuis plus de dix ans d’accompagner des mesures intensives en milieu ouvert, inspirées des placements à domicile, voient peu à peu leur spécificité se gommer face aux orientations prises par le département.

À quelques dizaines de kilomètres de Nantes, des éducateurs du service d’interventions soutenues à domicile (ISD) de l’établissement public Félix-Guilloux s’interrogent. La raison en est la décision prise par le conseil départemental de Loire-Atlantique de transformer cette année le dispositif des interventions à domicile en généralisant une mesure d’accompagnement unique, appelée « mesure éducative personnalisée ». Les orientations en AEMO (action éducative en milieu ouvert) classique et renforcée seront ainsi fusionnées sur un socle commun.

« L’objectif est d’avoir un travail partenarial et une coordination soutenue avec les équipes de l’aide sociale à l’enfance sur les territoires, explique Claire Tramier, vice-présidente “enfance et famille” au conseil départemental. L’avantage est la continuité du parcours d’accompagnement des familles : l’équipe professionnelle à laquelle sera confiée une situation fera une évaluation et déterminera son mode d’intervention. » En pratique, chaque éducateur suivra 21 familles. Soit une réduction du nombre de mesures pour les professionnels d’AEMO, à qui seront confiées quelques situations plus complexes, et une augmentation des cas pour les équipes d’ISD. « Avec cette réorganisation, notre accompagnement singulier risque d’être mis à mal. Avec autant de situations, nous n’allons plus travailler de la même façon. Etre aux plus près des besoins des enfants et des familles va devenir difficile », s’inquiète Marie-Pierre Vrigneau, l’une des éducatrices du service ISD, qui soutient actuellement dix familles. Un tracas qui fait écho au changement de ratio déjà survenu en 2017, lorsque les professionnels d’ISD ont été contraints de suivre dix familles au lieu de six. La fréquence de leurs interventions à domicile est alors passée à une visite hebdomadaire en moyenne, contre deux auparavant.

Plusieurs centaines de mesures en attente

Inspirées des modalités d’intervention des placements à domicile (PAD), les ISD sont des mesures d’AEMO « intensives » mises en place voilà plus d’une dizaine d’années en Loire-Atlantique, dans un département historiquement réticent à l’idée du placement. « Au début, quand nous avions six mesures par agent, environ trois à quatre places de repli étaient disponibles sur chacun des groupes d’âge. Cette mise à l’abri fonctionnait pour deux fois sept jours. Aujourd’hui, nous n’avons plus de places pour protéger les jeunes », explique Patrick Quaireau, délégué syndical. Selon lui, la situation s’est dégradée au point que plusieurs centaines de jeunes du département attendent l’exécution de leur mesure en milieu ouvert ou en foyer : « Nos deux services de mesures intensives et classiques sont embolisés par des placements classiques qui ne se réalisent pas avant plusieurs mois, voire plusieurs années. On maintient des mesures éducatives auprès d’enfants et d’adolescents alors que le juge des enfants a ordonné un placement. Les professionnels sont dans une tension folle, avec des situations qui deviennent de plus en plus complexes. »

Paradoxalement, outre la généralisation de la « mesure éducative personnalisée » et la création de places pour tenter de résorber les files d’attente, le nouveau schéma départemental « enfance-familles » 2023-2028 prévoit de développer le PAD en le dédiant spécifiquement à l’accueil d’urgence. Cette proposition fait suite à une expérimentation lancée début 2022 auprès de jeunes enfants en pouponnière. Ayant vocation à s’étendre à d’autres tranches d’âge, cette expérimentation démontre ses effets, selon Claire Tramier. « Cet accompagnement permet à beaucoup d’enfants de retourner dans leur famille, avec un professionnel présent tous les jours ou tous les deux jours, et d’éviter ainsi la séparation. » Et d’ajouter que, jusqu’en 2021, le département n’effectuait pas de placement à domicile. « Un certain nombre de dispositifs pouvaient éventuellement s’y apparenter, mais ils relevaient bien du champ de l’accompagnement en milieu ouvert. Juridiquement, ce n’était pas du placement, nous n’étions pas du tout dans la même souplesse. Et par rapport à l’ISD, le PAD compte un travailleur social pour cinq situations, le taux d’accompagnement est tout de même plus important », assure la vice-présidente. Reste que, pour les professionnels qui exercent depuis plusieurs années en ISD, les besoins en suivi de proximité, similaires à ceux existant en PAD, n’ont pas disparu. « Il est regrettable que l’on ne nous demande pas notre avis. Nous ne sommes pas du tout consultés pour le référentiel en train de se mettre en place avec le département, alors que nous sommes au cœur du terrain et les premiers concernés », regrette Marie-Pierre Vrigneau.

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