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L’hébergement d’urgence, une liberté fondamentale

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La situation de particulière vulnérabilité d’une famille, couplée à l’absence d’hébergement, peut faire apparaître une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, justifiant ainsi l’intervention du juge des référés, rappelle le Conseil d’Etat dans une décision rendue le 10 janvier 2022.

Dans cette affaire, une réfugiée ivoirienne et ses trois enfants étaient sans domicile. Logée quelques nuits, la famille ne parvenait pourtant pas à obtenir un logement stable. La mère forma alors un recours en référé devant le tribunal administratif de Paris, afin qu’il puisse enjoindre à l’Etat de prendre en charge l’ensemble de la famille dans le cadre du dispositif d’hébergement d’urgence.

Dans son ordonnance, le juge des référés estima que la famille n’établissait pas une « situation d’urgence extrême », l’une des conditions de saisine, et rejeta la requête. Pourtant, le cadet était atteint d’une pathologie longue nécessitant un traitement et un suivi rigoureux de son état de santé. Le juge ne prit pas en compte, non plus, le léger handicap de la mère. Le juge releva enfin la présence du père en région parisienne, qui maintenait des liens avec le plus jeune des enfants.

Dans sa décision, le Conseil d’Etat rappelle qu’il « appartient aux autorités de l’Etat […] de mettre en œuvre le droit à l’hébergement d’urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique ou sociale ». Et d’ajouter qu’une « carence caractérisée dans l’accomplissement de cette mission peut faire apparaître, pour l’application de l’article L. 521-2 du code de justice administrative [qui prévoit l’action en référé-liberté, ndlr], une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu’elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée ». Cela étant posé, reste donc, pour le Conseil d’Etat, à vérifier si, en l’espèce, la situation de la famille justifiait son action en référé.

La Haute Juridiction administrative constate qu’en Ile-de-France « l’ensemble des besoins les plus urgents, en constante augmentation, ne peut être satisfait », notamment pour les familles avec des enfants. Ce malgré des capacités d’hébergement en hausse dans la région (près de 27 000 places créées entre 2017 et 2022). De surcroît, elle relève que l’état de santé du cadet, qui devra subir une nouvelle opération fin janvier, place la famille sans abri dans une situation de détresse sociale. Eu égard à la situation de santé de cet enfant, le juge estime que cela place la famille « parmi les plus vulnérables ». Il conclut enfin que la situation, en l’espèce, « fait ainsi apparaître […] une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ». Le juge des référés aurait donc dû traiter le fond de la demande.

En 2012, le Conseil d’Etat avait déjà eu l’occasion de consacrer l’hébergement d’urgence comme liberté fondamentale, ouvrant ainsi la possibilité d’un recours en référé-liberté en cas de carence de l’Etat (CE, 10 février 2012, n° 356456). La décision rendue ce 10 janvier confirme cette position.

Conseil d’Etat, 10 janvier 2022, n° 470122.

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