Recevoir la newsletter

« Une demi-heure de répit »

Article réservé aux abonnés

Elle arrive avec un petit quart d’heure de retard, comme d’habitude.

C’est la course habituelle, le gel hydroalcoolique sur ses mains puis celles de son fils. Toujours les mêmes gestes.

Puis la poussette conduite jusqu’en salle d’attente, dans un sentiment d’urgence et de stress. Il part en rééducation, elle va avoir une demi-heure de répit.

Alors elle vient me voir, pour discuter. Les poches sous ses yeux s’agrandissent de semaine en semaine, son ton varie entre excitation, rire presque hystérique et calme fatigué. Elle me raconte ses vacances, la vie avec ses filles et son fils.

J’ai du travail mais tant pis, les factures attendront. Je n’arrive pas à déterminer si elle va s’effondrer en pleurs ou si elle va prendre un fou-rire incontrôlable. Je revois ma mère, si forte et si faible, tous ces gens que j’ai vu lutter contre l’injustice de leur vie. Elle ne se rend pas compte mais je la couve d’un regard aimant. Comme beaucoup, elle a juste besoin de pouvoir parler et de s’entendre dire qu’elle n’est pas en train d’échouer, qu’elle va y arriver. Qu’elle n’est pas une erreur, pas plus que son fils d’ailleurs.

Je laisse échapper qu’il y a aussi dans ma famille une personne handicapée. La conversation devient plus personnelle. Enfin la conversation… Son flot de paroles interrompu parfois par quelques-uns de mes mots devient plus personnel. Elle me raconte comment elle est sortie en boîte avec sa fille. Puis elle évoque sa situation financière, critique. Je sens les sanglots monter quand elle me parle de son minuscule appartement. Nous ne nous connaissons pas beaucoup et ses mots prennent un air secret. Elle me dit qu’elle a pu se rappeler un peu sa jeunesse pendant ses vacances. Finalement la séance de son fils est terminée. Il est temps de partir.

Elle me remercie du temps que je lui ai accordé, et ma gorge se noue. Qui prend le temps de l’écouter ? Pourquoi me raconter à moi ces côtés si personnels et secrets de sa vie ? Qui prend encore la peine d’écouter ceux qui sombrent ? Je les garde ses secrets, je les chéris au fond de mon cœur, non pas pour ce qu’ils disent, je me préoccupe peu du contenu de ses vacances ou de sa fiche de paye. Mais pour ce qu’ils représentent. Un instant hors de la solitude, un moment de répit, quelques minutes sans jugements ni honte. Plus que ses secrets, c’est cet instant que je n’oublierai pas.

Côté terrain

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur