Le travailleur (social) doit-il se comporter en robot ? Toute relation amicale ou affective avec l’usager, a fortiori mineur, est-elle systématiquement bannie, et devrait donc rester dissimulée et secrète, le secret n’étant ici pas professionnel au sens juridique du terme ? « Pas vu, pas pris ! » Ces deux arrêts peuvent le laisser penser.
Une telle relation serait en effet contraire au devoir de loyauté et aux obligations éthiques d’un travailleur social, à plus forte raison si elle viole le règlement intérieur, quand bien même sa rigidité, voire sa légitimité pourrait faire débat.
Evidemment, la loi réprime certains comportements : conflits d’intérêts, abus de faiblesse ou d’autorité, détournement de mineur, harcèlement… Par ailleurs, on relève dans la jurisprudence une relative exigence d’exemplarité de certains professionnels, notamment dans les secteurs éducatif, judiciaire, social ou médico-social (licenciement d’un éducateur suite à un vol commis hors du champ du travail, exigence controversée de vaccination des soignants…). On peut même concevoir que les péripéties de la vie privée puissent nuire à la bonne marche d’une entreprise (licenciement pour cause réelle et sérieuse, mais non fautive, de l’adjoint du dirigeant, qui était l’amant de son épouse).
Dans les arrêts commentés ici, la relation entre les protagonistes (en particulier celle avec le mineur écarté des débats) était-elle réellement préjudiciable à l’usager, ou à l’employeur du travailleur social incriminé ? N’était-ce pas la réponse à cette question qui était d’abord attendue des juges ?
Notons que la déshumanisation guette aussi les relations entre collègues, alors que le lieu de travail est encore l’un de ceux où se crée du lien social, où parfois les collègues deviennent amis, où les couples se font et parfois se défont.