Extrait tiré du hors-série des ASH n° 9 de Septembre 2021
Aide à domicile depuis 17 ans, j’ai découvert progressivement l’enjeu de la relation de confiance avec l’usager qui passe par le secret professionnel. C’est une clé de voûte qui permet de protéger son intimité. Je suis tenu au secret professionnel et à l’obligation de discrétion professionnelle pour tout ce qui touche à la maladie, aux faits confiés, appris et même compris ou déduits. Toutefois, je dois informer le service (et donc ma hiérarchie) de tout ce qui pourrait l’alerter concernant le bénéficiaire ou la relation avec ce dernier. En entrant dans son appartement ou sa maison, je pénètre dans la sphère de l’intimité de la personne âgée ou en situation de handicap. Je dois donc le faire en respectant sa vie privée. Comment procéder ? En préservant son intimité, sa dignité, en s’abstenant de porter des jugements de valeur sur ses choix et ses habitudes de vie ou ceux de son entourage. J’ai toujours respecté ses règles, par conviction et par éducation. A mes débuts, ces principes ne figuraient pas dans le programme des formations et étaient encore moins rappelés par ma direction ; le seul document qui faisait état de cette conduite à tenir était le règlement intérieur remis par la direction lors de l’embauche. Ces principes sont pourtant essentiels pour créer un lien avec le bénéficiaire. J’ai pu constater au tout début de ma carrière, que la personne ne se sentait plus chez elle et/ou était perdue simplement en ne rangeant pas ses effets à leur place du fait de notre présence. On doit en avoir conscience en intervenant et en étant discret.
J’ai la responsabilité de partager des informations utiles pour protéger l’usager ; par exemple, pour prévenir des situations d’isolement ou des dégradations de l’état physique ou psychique qui pourraient le mettre en danger. Dans ces cas précis, j’informe ma hiérarchie. Il m’est arrivé à maintes reprises d’avertir mon employeur de tout changement de situation et/ou de la dégradation de l’état de santé de la personne fragilisée afin de modifier et d’adapter sa prise en charge. Par exemple, en cas d’incapacité de se lever seule, il sera nécessaire de mettre en place un service pour le lever, le petit-déjeuner, les repas et le coucher, pour un accompagnement en adéquation avec les besoins de la personne. Et cela en coordination avec toute l’équipe du domicile – médecin traitant, aides-soignants, aides à domicile, sans oublier les aidants familiaux. Ce partage d’informations est rendu possible par l’intermédiaire du cahier de liaison, sachant que les observations que je mentionne doivent concerner uniquement le quotidien et la situation de la personne ; elles doivent être factuelles et objectives. Elles ne doivent pas comporter de jugements. Ce cahier pose parfois problème. On peut y trouver des règlements de comptes assez virulents entre les intervenants qui n’ont pas lieu d’être, notamment pendant mes congés. Quelle surprise de découvrir des échanges inappropriés entre collègues : « Tu n’as pas fait la vaisselle ! Tu n’as pas fait le lit ! Tu n’as pas vidé les poubelles ! Qu’as-tu fait pendant ton intervention ? » Ou plus grave encore, concernant le bénéficiaire : « Attention, mamie s’est mal réveillée. Elle ronchonne ! » Autant de mots blessants non professionnels qui peuvent être lus par des collègues mais aussi par l’usager ou sa famille.
La discrétion professionnelle sur les usagers est souvent oubliée, voire peu respectée. Et pourtant, nous savons tous qu’il ne faut pas divulguer ce qui se passe chez les autres bénéficiaires. La discrétion sur soi, sur sa vie privée, n’a pas de limites pour certains et très peu pour d’autres. Or il est dangereux d’exposer ses problèmes familiaux ou sa réussite, suscitant de la compassion ou de la jalousie chez la personne aidée. Un jour, j’ai dû changer de voiture. En intervention chez Mme X, cette dernière s’est exclamée en me voyant arriver par la fenêtre : « Ben ça gagne bien une AVS ! » Une réflexion qui a duré pas mal de temps. Pas méchant, mais lassant et créant potentiellement un sentiment d’agacement.
Se plaindre de ses conditions de travail et du travail de ses collègues fait partie des mauvaises habitudes, mais attention au retour de bâton ! Quand je travaillais en binôme, il m’est arrivé d’avoir systématiquement un compte-rendu du bénéficiaire sur les confidences de certains salariés se plaignant de leurs conditions de travail, leurs rémunérations, leurs altercations avec la hiérarchie, jusqu’à prendre position. Un jeu qui s’avère dangereux et inacceptable d’autant plus que la personne aidée, comme le nom l’indique, doit être soutenue et protégée.