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Oui, mais…

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Il lui a dit : « Viens, on compte sur toi, c’est notre première réunion. » Elle a demandé : « Oui, mais est-ce que ce sera accessible ? » Il lui a assuré que oui, il avait tout bien vérifié avant, et puis il y avait déjà croisé des clients en fauteuil. Rassurée, elle y est allée. Un repas militant entre amis, ça ne se refuse pas. Si l’établissement était bien estampillé « PMR » (« personne à mobilité réduite »), l’accès, lui, ne l’était pas. Une bordure insurmontable, une voiture garée sur le seul passage accessible à sa gauche, et des travaux de voirie à sa droite. Elle a essayé d’un côté, puis de l’autre, tournant et retournant à chaque bout de rue, rageant silencieusement. Ses amis ont proposé de la porter, oui mais le fauteuil ? Alors elle a renoncé et rebroussé chemin. Une autre fois, peut-être. Une autre fois, dans un autre lieu.

Elle lui a dit : « Viens, tu verras, ça te fera du bien. » Elle a demandé : « Oui, mais est-ce qu’il y aura un espace de non-mixité ? » Elle lui a répondu qu’il n’y avait pas à s’en faire, qu’elles seraient entre personnes sûres, qu’il n’y avait aucun risque.

Moyennement rassurée, elle y est allée. Une manif féministe, ça ne se refuse pas. Autour d’elle, il y avait plein de femmes. Et, à côté d’elles, quelques hommes. Celui-là, avec ses cheveux coupés très court et sa démarche très assurée, ressemblait à celui qui… Elle a sursauté, tressailli, détourné le regard. Ce n’était pas lui, ça ne pouvait pas être lui… Mais trop tard, la pensée l’envahissait, elle suffoquait, elle ne pouvait plus avancer. Elle est restée plantée là, noyée par la masse qui défilait, pancartes brandies et slogans déclamés. Elle est restée seule, perdue dans la foule indifférente, submergée par ses souvenirs.

Il lui a dit : « Tu viens à la réunion d’équipe ? C’est important qu’on soit tous là. » Elle a répondu : « Oui, mais tu sais, quand tout le monde parle en même temps, je ne peux pas suivre, ça fait comme un brouhaha inaudible. » Il a souri gentiment, pris un air de celui qui comprend bien, et lui a promis qu’ils feraient attention. Elle y est allée. Une réunion, c’est important.

Il y avait beaucoup de monde, l’équipe du matin et celle de l’après-midi, la cadre et le médecin. Tous voulaient parler, le sujet était grave, les arguments fusaient. Elle tournait la tête à droite, à gauche, tentant vainement d’attraper un mot dans la confusion de leurs voix. Au bout d’une heure, elle s’est levée et est partie.

Elle lui a dit : « Pourquoi tu ne fais jamais rien avec nous ? On a l’impression que tu ne te sens pas concernée par ce qui se passe. Pourtant, je suis sûre que tu as autant de choses à dire que nous, sinon plus. » Elle a soupiré, hésité, commencé une phrase. « Oui, mais… », puis elle s’est ravisée.

Oui, mais la bordure, la foule, le bruit… Oui, mais ce dehors qui lui rentre dedans, et qui la laisse dehors…

La minute de Flo

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