Restant jusqu’ici l’une des conditions de libération sous caution des seuls migrants sortant de détention, voilà le « marquage GPS » et le port du bracelet électronique imposés aux demandeurs d’asile présents sur le sol britannique. Si leur nombre augmente de manière exponentielle, les dégâts sur leur santé psychique suivent le même chemin, dénoncent trois ONG dans un rapport publié à la fin du mois d’octobre. Le BID (Bail for Immigration Detainees), Medical Justice, et Public Law Project ont recueilli de nombreux témoignages de demandeurs d’asile décrivant leur isolement croissant, les angoisses et les stigmatisations provoquées par un dispositif censé enregistrer tous leurs faits et gestes, et les rendre géo-localisables à chaque instant.
Un « flicage » qui s’inscrit dans une tendance lourde, rappelle l’étude : « Au cours des dernières années, (…) les Etats ont eu recours à diverses formes de technologies pour le contrôle des migrations et des frontières. Cette surveillance n’a cessé de s’étendre, à Calais et dans la Manche, à grand renfort d’avions, de véhicules aériens sans pilote et de drones gérés par intelligence artificielle. Le contrôle par satellite et les caméras CCTV de haute technologie sont désormais opérationnels », note ainsi Monish Bhatia, chercheuse à l’université de Londres.
« Qu’il s’agisse de demandeurs d’asile qui ont effectué des voyages périlleux et sont arrivés sur nos côtes en cherchant la sécurité et la protection, ou de ressortissants étrangers qui ont purgé leurs peines et sont libérés par le système de justice pénale, personne ne devrait être soumis à des pratiques perpétuelles, dégradantes, déshumanisantes et coercitives déguisées en mesures administratives. Ce rapport démontre clairement que le marquage GPS est vécu comme une forme de torture et agit tel un rappel constant du risque d’une expulsion et de séparation d’êtres chers », ajoute-elle. « Le bracelet est en permanence sur ma jambe et dès que je le vois, il me rappelle que je pourrais être enlevé à ma famille. Il faut le recharger, cela me réveille tout le temps. Je pense juste qu’ils vont m’arracher à ma fille d’une minute à l’autre, ça me torture », a ainsi déclaré un demandeur d’asile à l’équipe d’enquêteurs.
Le ministère de l’Intérieur britannique n’a cessé de durcir la législation pour généraliser le port de ces bracelets. En novembre 2020, le « Home Office » a abandonné la radio surveillance électronique de fréquence pour le système GPS, beaucoup plus intrusif, et réservé aux migrants libérés sous caution. En août 2021, la procédure a été élargie à ceux faisant l’objet d’une procédure d’expulsion, puis étendue un an plus tard à l’Ecosse et à l’Irlande du Nord. Au mois de juin, les autorités ont même commencé à généraliser le port des bracelets à certains demandeurs d’asile dont le dossier est en attente de traitement.
Pour mettre fin à ces pratiques illégales sur le plan du droit européen, les trois ONG plaident pour une limite stricte à l’utilisation du marquage GPS, et l’arrêt du caractère obligatoire de cette surveillance électronique pour les personnes étrangères libérées sous caution. Celle-ci « ne doit pas être utilisée lorsqu’elle interfère avec la réadaptation d’un individu, ni être utilisée lorsqu’un individu a été identifié comme vulnérable », écrit l’équipe de chercheurs. Laquelle demande également la mise en place d’un réel support des autorités pour les personnes équipées de balises, après avoir recensé d’innombrables cas de déclenchements d’alarme intempestifs.