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Sur la route d’une auxiliaire de vie

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En poste depuis cinq ans à l’ADMR de l’Essonne, Angélique Blaise accompagne des personnes en perte d’autonomie dans leur maintien à domicile. Si le lien qu’elle tisse avec elles la motive au quotidien, la dégradation de ses conditions de travail s’accentue dans le contexte économique actuel. Nous avons partagé une journée avec elle.

Alors qu’au dehors le soleil entame sa course à l’horizon, dans la cuisine, le poste de radio entonne les premières nouvelles de la journée. Il est à peine 8 heures lorsque Angélique Blaise arrive au domicile de Josette, 87 ans, la première bénéficiaire à qui elle rend visite ce jeudi. « On se croirait vraiment au mois de mars, lance l’auxiliaire de vie en ouvrant les volets du rez-de-chaussée. Qu’est-ce que cela va être cet hiver ? » Au rythme des différentes tâches ménagères, de l’aide à la toilette et de l’habillage, les sujets de conversation s’enchaînent entre l’octogénaire et la professionnelle. Voilà près de vingt ans maintenant qu’Angélique Blaise est « dans le métier » et cinq ans qu’elle travaille à l’ADMR (Aide à domicile en milieu rural) de l’Essonne. « Je ne me verrais pas faire autre chose, assure-t-elle. Nous apportons beaucoup aux personnes accompagnées et elles nous le rendent par leurs leçons de vie et les échanges que nous avons. Nous sommes le lien le plus social de la chaîne de professionnels. Les infirmières ne s’assoient pas quinze minutes pour discuter avec les bénéficiaires, peu de kinés se déplacent à domicile… » Pourtant, l’auxiliaire de vie constate que sa profession se situe « tout en bas » de l’équipe pluridisciplinaire.

« C’est un métier ingrat, nous ne sommes pas reconnues, expose-t-elle au volant de sa 207 bleue, sillonnant les routes entourées de champs. Il faut que ça remue au niveau de nos conditions salariales. Même avec l’avenant 43 [en vigueur depuis le 1er octobre 2021, il a procédé à la revalorisation des rémunérations des aides à domicile, ndlr], notre convention collective reste en dessous du Smic pour une professionnelle sans expérience. Après on se demande pourquoi on n’arrive pas à recruter… Cherchez l’erreur ! Financièrement, c’est compliqué bien sûr, poursuit-elle. Mais moi, je suis une privilégiée car j’ai mon diplôme. »

« Aide morale et physique »

Le manque de reconnaissance pointé par la professionnelle passe aussi par la méconnaissance de son métier et de ses conditions de travail au sein de la société. « Lorsqu’on demande aux gens ce que font les auxiliaires de vie, ils vont généralement répondre : le ménage. » Alors, immanquablement, la professionnelle les reprend : elles sont aussi là pour les papiers administratifs, les prises de rendez-vous chez le médecin, les courses, effectuer le lever, le coucher, maintenir une stimulation par des jeux de société, prendre le temps de parler avec la personne… « Parfois, je n’ai pas l’envie de sortir, mais Angélique m’encourage. Elle me pousse à marcher et ça me fait du bien », s’enthousiasme Elisabeth qui a recours aux services de l’ADMR depuis deux ans. « C’est autant de l’aide morale que physique. Je me sens moins seule avec les auxiliaires de vie, même si j’ai plus d’affinités avec certaines », rapporte quant à elle Monique. Attablé dans son salon, après avoir bénéficié du soutien d’Angélique pour sa toilette, Fernand, 101 ans, confirme : « Ce qui est intéressant dans leur travail, c’est le côté humain. Quand Angélique vient, je trouve de la joie à la maison et après son départ, il reste quelque chose de sa personne. Et puis, cela m’apporte une sécurité de savoir que les dames de l’ADMR passent régulièrement. Si je fais un malaise, elles me trouveront et sauront comment intervenir. »

Autre difficulté de taille pour Angélique Blaise : l’utilisation de sa voiture personnelle comme véhicule professionnel. A l’instar de la plupart des auxiliaires de vie, elle est indemnisée 38 centimes du kilomètre. Ces frais, fixés par la convention collective de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile, ont été revalorisés en octobre après une quinzaine d’années de statu quo. Ils comprennent le prix de l’essence, mais aussi les réparations et l’entretien du véhicule. « Est-ce que c’est à la hauteur ? Bien sûr que non, déplore l’auxiliaire de vie qui attend avec impatience d’obtenir une voiture de fonction. Début septembre, j’ai déposé ma 207 au garage pour effectuer la vidange, j’en ai finalement eu pour 260 €. Il y avait tout un tas de problèmes, pas étonnant vu les kilomètres accumulés. » Ces derniers temps, la hausse des prix à la pompe et la pénurie de carburant n’ont pas arrangé son quotidien. « J’ai fait la queue quarante-cinq minutes à la station-service pendant mon jour de repos. Comme tous mes collègues, j’ai aussi prêté attention à la vitesse à laquelle je roulais. » Malgré le contexte, les professionnelles du domicile n’ont (presque) pas été prioritaires pour couper les files d’attente dans le département. « Le préfet de l’Essonne a refusé. Pourtant, nous étions en première ligne pour aller bosser au moment du Covid. Plus tard, nous avons eu un document nous permettant un accès prioritaire entre 10 heures et midi… Un créneau pendant lequel on travaille. »

Des kilomètres au compteur

L’Essonnienne s’estime chanceuse car elle réside près de son secteur de prestations et effectue d’ordinaire des trajets assez courts. Mais ses consœurs sont loin d’être toutes logées à la même enseigne. « En moyenne, chez nous à l’ADMR, une fille parcourt 500 km par mois, certaines en ont pour vingt-cinq minutes de leur domicile au lieu de leur première prestation. Pareil pour repartir le soir. Et le midi, comme elles ne peuvent retourner chez elles, elles mangent dans leur voiture ou avec les bénéficiaires, détaille-t-elle. Dans la structure où j’étais avant, ils n’étaient pas attentifs aux temps de trajet. Parfois, je roulais 35 km entre deux prestations. Il m’est arrivé d’enregistrer 180 km en un jour. » Lorsqu’Angélique Blaise doit se rendre en ville, le stationnement représente également un problème. « Nous n’avons pas de carte prioritaire. De temps en temps, quand je vais dans le secteur de Dourdan, je tourne avant de pouvoir me garer. Parfois, ce sont plusieurs kilomètres de détour sur notre temps personnel, non rémunéré. »

Plannings instables

Le manque de personnel est ressenti par les personnes accompagnées, pour qui les roulements ne sont pas toujours évidents à gérer. « J’ai eu sept auxiliaires différentes ce mois-ci. J’aurais préféré n’en avoir que deux, mais bon, le service n’a certainement pas le choix », constate Josette. « J’aimerais que ce soit toujours la même personne qui vienne aux mêmes heures, je ne suis pas très contente », proteste cette autre bénéficiaire de 96 ans. « Ne serait-ce que pour leur intimité ce n’est pas évident, renchérit Angélique Blaise. Si nous étions plus nombreuses, il serait plus facile d’assurer une continuité, mais dès qu’il y a un arrêt, ça vient tout chambouler. »

En actualisant son planning à l’heure du déjeuner, l’auxiliaire de vie s’aperçoit que ses horaires ont changé pour la semaine suivante. « Mince, souffle-telle. Je devais aller chez une amie lundi, ça ne sera pas possible. » Elle terminera finalement à 19 h 45, avec deux heures de pause le midi. « Ça fait partie des mauvaises surprises. » Si les emplois du temps sont communiqués un mois à l’avance, les modifications sont fréquentes. En cause : les remplacements dus aux arrêts maladie, les entrées en urgence de nouveaux dossiers, les décès de personnes accompagnées… L’amplitude horaire des auxiliaires court de 8 heures à 20 heures, avec un minimum légal de 45 minutes pour la pause du déjeuner. « C’est un point négatif de la profession de ne pas avoir deux journées qui se ressemblent. En établissement, il est possible de savoir si l’on est du matin ou du soir, pour planifier un rendez-vous médical ou autre, c’est moins compliqué. » Ce jeudi d’octobre, Angélique Blaise aura au total parcouru près de 80 km et accompagné huit bénéficiaires.

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