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Métier : couteau suisse

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Une nouvelle chronique dans les ASH ! Ceux qui nous prêtent leur plume sont travailleurs sociaux. Comme Flo avant eux, mais dans d’autres domaines, ils livrent des instants de leur quotidien. Merci à eux.

L’autre jour, Bénédicte, une dame que je croise dans le quartier de temps à autre, est venue se poser à côté de moi. Elle arrive essoufflée avec ses courses et s’assoit sur le banc, tout en grimaçant. « Ah, mon fils ! Tu as un téléphone, tu as WhatsApp ? », me demande-t-elle en se tenant le dos. Je lui réponds avec mon grand sourire : « Oui, j’ai tout cela. » « Fais-moi le numéro, tiens ! » Elle me tend alors un papier avec des lettres et des chiffres griffonnés. Je crois comprendre que c’est le numéro de sa sœur. « Appelle s’il te plaît, mon fils », poursuit-elle sans parvenir à reprendre son souffle. Le hautparleur de mon téléphone émet plusieurs tonalités, mais personne ne répond. Je vois Bénédicte se décomposer. Elle semble âgée, Bénédicte, et doit bien peser 100 kg.

« Mon fils, dit-elle, aide-moi à monter mes courses chez moi. » Je regarde autour de moi. Personne ! J’ai un court instant d’hésitation… Mais je reviens rapidement vers elle. « Oui, bien sûr. Vous venez du supermarché toute seule, Bénédicte ? Ça a l’air vraiment lourd. ». « Eh oui, ma sœur n’est pas là, j’ai des examens à faire, des courses, j’ai mal au dos, je suis fatiguée… » Je la prends alors par le bras pour l’aider à se relever. Nous prenons le chemin de sa tour, en face de nous. Une tour grise d’une vingtaine d’étages. Direction le 18e niveau. Arrivés à destination, l’ascenseur émet une légère secousse avant que les portes ne s’ouvrent. Bénédicte farfouille dans son sac et sort ses clefs. « Clic-clac-clic-clac », nous nous retrouvons dans son appartement. Elle referme ensuite la porte derrière moi, dans un couloir sans lumière. « Clic-clac-clic-clac », font de nouveau les clefs avant de retourner dans son sac. Je réfléchis… A-t-on déjà vu disparaïtre un éducateur dans de telles circonstances ? Je ne crois pas. Je joue la carte de l’humour. « Vous m’enfermez avec vous, Bénédicte ? » Elle ignore ma boutade – « Viens, mon fils », dit-elle – et s’affale sur son canapé.

Toujours haletante, Béné (on est intimes maintenant) poursuit : « Aide-moi à enlever mes chaussures ». Euh… Elle est sérieuse ? Elle porte des bottes fourrées intérieur moumoute et je galère à les lui retirer. Oui, parce que je le fais ! Je regarde par la fenêtre, j’ai quand même un peu hâte de retrouver mon banc et les petits jeunes du quartier. Mon téléphone sonne. C’est sa sœur. Je réponds et lui passe le téléphone. « Alllôôô ? Oui, c’est moi. Je t’ai appelée pour dire que j’étais en bas, mais c’est bon, j’ai mon éducateur qui est venu… Mmmmh…. Oui…… Non, j’ai mon éducateur… » C’est nouveau ! Après ma séquestration, je suis « son » éducateur maintenant. Elle poursuit : « Oui, Thomas… Nooooonnnn… Mon édu… Oui, mon éducateur, Thomas, qui m’a aidée… » Je fais les grands yeux et un signe avec mes deux mains pour lui signifier que je vais y aller. Bénédicte termine sa conversation, et me dit que sa sœur va arriver. Ouf !

Les courses sont dans la cuisine et Bénédicte est en pantoufles. Elle me remercie une nouvelle fois, et je me permets : « Je peux récupérer les clefs dans votre sac ? » Elle me salue : « Vas-y, mon fils et laisse les sur la porte. Merci ! ». C’est donc aussi cela, être l’éduc de service.

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