Dans un avis rendu le 27 octobre dernier, le Conseil d’Etat précise le sort des refus opposés aux demandes d’asile en procédure normale, dans une affaire où un « dubliné » ayant déposé une demande avait fait l’objet d’une prolongation du délai de transfert.
Pour rappel, le règlement européen n° 604/2013/UE du 6 juin 2013, dit règlement « Dublin », prévoit en principe qu’un ressortissant étranger qui arrive dans un Etat membre de l’Union européenne doit déposer sa demande dans le premier pays d’arrivée. S’il se déplace en Europe sans avoir fait sa demande, le pays dans lequel il se trouve peut ordonner un transfert vers l’Etat membre responsable de sa demande d’asile.
Le règlement prévoit également qu’un Etat est dans la possibilité de ne pas demander le transfert et de traiter lui-même la demande d’asile. C’est le cas si l’Etat a de « sérieuses raisons de croire qu’il existe » dans l’Etat membre initialement désigné comme responsable de la demande « des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs » (art. 3 § 2). Un Etat peut également décider lui-même d’examiner une demande de protection en écartant l’application du règlement (art. 17 § 1). Pour le Conseil d’Etat, la décision de transfert équivaut au refus de faire application d’une de ces dispositions.
Après cette décision de transfert, il arrive que l’intéressé dépose une demande d’asile en procédure normale. Dans ce cas, précise le Conseil d’Etat dans son avis, « il doit être regardé comme demandant à cette autorité de reconnaître la compétence de la France pour examiner sa demande d’asile et de lui délivrer une attestation de dépôt de cette demande lui permettant de suivre la procédure devant l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ».
La haute juridiction administrative poursuit en indiquant que « le refus opposé à une telle demande constitue une décision susceptible de recours ». Elle précise à la suite les cas où les conclusions d’annulation dirigées contre cette décision doivent être déclarées irrecevables par les juridictions administratives.
Ainsi, en l’absence de circonstances de fait ou de considérations de droit nouvelles, pertinentes et postérieures à la décision de transfert, la demande d’annulation doit être rejetée si « le refus se borne à confirmer purement et simplement celui de faire application des dispositions » du règlement qui permettent à l’Etat de prendre en charge la demande (voir ci-dessus).
Le Conseil d’Etat ajoute enfin que l’irrecevabilité doit être opposée lorsque le demandeur soutient, sans l’établir, qu’il a été considéré à tort comme étant en fuite, que le délai de transfert de 6 mois n’a pas été prolongé et que la décision ne peut plus, de fait, être exécutée. L’article 29 du règlement « Dublin » prévoit en effet que le transfert des « dublinés » doit se faire dans les 6 mois. Au-delà de ce délai, qui peut être porté à 18 mois maximum en cas de fuite, l’Etat membre initialement responsable est libéré de son obligation de prise en charge.
Conseil d’Etat, 27 octobre 2022, n° 465885.