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Un secteur en « lente » transition

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Alimentation, énergie, mobilités… Loin d’avoir généralisé des pratiques respectueuses de l’environnement, le secteur social et médico-social s’organise pour amorcer sa transition. Tour d’horizon – non exhaustif – des prémices d’un changement inéluctable.

Le 30 septembre dernier, ils étaient 4 600 inscrits à une webconférence sur la réduction des factures d’énergie organisée par l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap). C’est dire l’inquiétude du secteur face à la crise énergétique. C’est dire aussi l’opportunité que celle-ci recèle : installer, durablement, des pratiques vertes. Car, il faut le reconnaître, les professionnels, mobilisés sur bien des fronts, ont jusqu’à présent relégué le défi environnemental au second plan. En témoigne la convention relative au développement durable, signée en 2017 par l’Etat et une dizaine de fédérations. Le texte, non contraignant, a été peu suivi d’effets.

En attestent aussi les autodiagnostics « Mon observatoire du développement durable » (Modd), qui ont été créés dans le cadre de cette même convention par l’Anap, chargée de conseiller le secteur médico-social et sanitaire, notamment en matière de responsabilité sociétale des entreprises (RSE). « Autant les structures sont matures sur le volet social, autant il reste du travail sur la question environnementale », analyse Olivier Penaud, expert en développement durable. Si la photographie n’a rien d’exhaustif – elle concerne 2 000 structures, dont environ la moitié pour le seul secteur médico-social –, elle donne une indication du chemin à parcourir…

« La question environnementale était peu présente jusqu’à maintenant, reconnaît Jérôme Voiturier, directeur de l’Uniopss. Elle devient aujourd’hui une évidence pour tous. » Pour la première fois, l’union a prévu d’inscrire l’écologie dans le projet associatif qu’elle devrait voter dans quelques semaines. En juin dernier, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) l’avait devancée en votant son projet 2022-2027 lors de son congrès de Rennes. « On va réfléchir, au sein d’un espace de travail collaboratif, à la manière dont le secteur peut modifier ses pratiques et contribuer à la transformation de la société, grâce à des mobilisations en lien avec le champ environnemental, souligne sa directrice, Nathalie Latour. Cela passera par une phase pragmatique de modélisation d’expériences pour créer des ponts entre différents secteurs d’intervention. Mais aussi par une indispensable participation des publics. »

Plus que jamais, donc, l’heure est à l’action. Fin septembre, l’Etat a annoncé le financement de 150 conseillers en transition énergétique et écologique en santé (CTEES). Coordonnés par l’Anap, ils seront chargés d’accompagner 5 000 établissements sanitaires et médico-sociaux d’ici à 2024. Leur mission : réaliser des audits énergétiques et initier des plans d’action de réduction des consommations. Cette année, l’Anap a accompagné 250 établissements à travers un « appui terrain développement durable ». « Ce n’est pas de la formation, mais de la maïeutique. Les établissements expriment leurs besoins en fonction d’un contexte spécifique. Nous les aidons à élaborer leur stratégie et à mettre en place un plan d’action à moyen ou long terme, explique Olivier Penaud. Il s’agit de repérer les freins organisationnels pour “faire mieux avec autant”, de repenser avec l’ensemble des corps de métier les gestes professionnels pour qu’à sécurité égale, ils aient moins d’impacts sur l’environnement. »

Gaspillage et dénutrition

Pour épauler les structures, l’Anap met en ligne un ensemble de ressources adaptées aux besoins du secteur. On y apprend, entre autres, comment « verdir sa flotte automobile », comment « mettre en œuvre le décret tertiaire » qui impose de réduire de 40 % la consommation énergétique des bâtiments d’ici à 2030… Les professionnels peuvent également partager leurs expériences sur un forum décliné en diverses thématiques.

Signataire en septembre d’une convention de partenariat avec l’Anap, la Fnaqpa (Fédération nationale avenir et qualité de vie des personnes âgées) priorise cette année l’accompagnement autour du décret tertiaire et de la loi Egalim, visant à réduire le gaspillage alimentaire. Une thématique qu’elle a investie depuis plusieurs années déjà à travers son programme « Maison gourmande et responsable », co-porté avec Adef Résidences. De 2019 à 2021, la fédération a épaulé quelque 500 Ehpad pour lutter contre le gaspillage alimentaire et la dénutrition. « Sur l’ensemble du projet, on a constaté une réduction de 10 % du gaspillage, souligne Mélanie Leblay, responsable RSE. Ce qui représente une économie annuelle de 4 500 € par établissement. » Laquelle a été reversée, selon les engagements liés au projet, dans des stratégies de lutte contre la dénutrition, avec un travail sur l’approvisionnement responsable et sur la qualité de l’assiette. Le projet, qui a fait l’objet d’une boîte à outils accessible sur le site de la Fnaqpa, a eu le mérite de s’inscrire dans une dynamique collaborative. D’abord, au sein des établissements, où ont été associées autour de la direction les équipes « cuisine », « soin » et « hôtellerie ». Ensuite, entre les établissements où sont nées des communautés de bonnes pratiques. Au-delà du programme, la fédération, qui s’était illustrée dès 2013 avec sa recherche action « Add’âge », encourage ses adhérents à porter une stratégie plus globale. « Ce n’est plus une prestation à part, souligne Mélanie Leblay. A chaque renouvellement de projet d’établissement, on travaille sur la vision de la structure et sur ses impacts. Et nous n’avons jamais eu de refus d’aucune direction. »

Susciter l’engagement d’un maximum d’établissements, c’est aussi le credo d’APF France handicap. L’association a inscrit l’écologie dans son projet associatif 2018-2023, avec l’idée d’intégrer ses enjeux dans toute prise de décision nationale tout en laissant l’initiative aux établissements. La pédagogie, en somme, plus que le bâton. « Nous offrons des outils et un cadre contractuel qui permet à nos structures de s’engager. Mais nous voulons éviter d’imposer des directives qui tombent d’en haut. L’enjeu, c’est d’abord de faire bouger les consciences », explique Alexis Hubert, directeur adjoint à la direction du développement et de l’offre de services. « Et pour parler RSE de façon plus simple et séduisante, on a cherché à structurer une démarche socle autour d’une identité et d’un message forts », complète Marie Condy, cheffe de projet RSE à la même direction. Objectif : impliquer l’ensemble des parties prenantes – salariés, usagers et bénévoles.

Inclusion

APF France handicap a porté ses efforts en particulier sur quatre thématiques de travail : les achats responsables, l’immobilier, la réduction du gaspillage alimentaire et non alimentaire et enfin, axe prioritaire, la mobilité. Cinq ans après, « la prise en compte des enjeux écologiques ne fait plus débat », selon Alexis Hubert. Dans son prochain projet, l’association entend progresser dans la mesure et la réduction de son empreinte carbone. Et continuer à placer l’écologie au service d’un projet inclusif. « Il existe un enjeu d’autodétermination très fort pour les personnes en situation de handicap. Grâce à la RSE, on s’ouvre à des acteurs du territoire pour engager la transition, poursuit Marie Condy. Par exemple, à Redon, en Ille-et-Vilaine, des résidents d’appartements autonomie ont travaillé avec Les Incroyables Comestibles, pour végétaliser les espaces urbains et installer des potagers au pied des logements. »

Un enjeu de participation des usagers que partage Don Bosco dans le Finistère. L’association a engagé sa transition dans des secteurs aussi divers que l’alimentation, la mobilité ou l’habitat. « On a éliminé le plastique qui sertit le linge des résidents, utilisé des barquettes recyclables pour les repas livrés, proposé des primes “mobilité” à nos salariés, utilisé des couches lavables dans nos écocrèches », énumère Alban Beaudouard, directeur du pôle de production et de services. Des innovations discutées notamment au sein de huit groupes thématiques de la commission « environnement » associant usagers, salariés et administrateurs des différents établissements. « Il faut que tout le monde ait sa place, résume Alban Beaudouard. On ne résout pas tout d’un coup, mais nous sommes en train de changer d’ère. » Osons le croire.

Dans le Jura, l’enjeu de l’habitat

Parce que l’immobilier est un dossier technique, fort d’enjeux financiers, Juralliance, qui regroupe sept associations spécialisées dans le handicap, a créé en 2017 une filiale chargée de réaliser les projets de ses membres. La société coopérative d’intérêt collectif, Scic Alliance, intervient pour le groupement et de plus en plus pour d’autres institutions médico-sociales. « On aide à formuler le projet et à pousser les maîtrises d’œuvre à respecter les demandes en termes d’habitat adapté et environnemental », explique le directeur général Stéphane Perrard. Dernier projet en date : la création d’un nouvel abattoir avicole doté de panneaux solaires pour l’un des Esat de Juralliance. « On accompagne l’établissement avec un dispositif de gestion de l’énergie centralisé et un autre décentralisé pour suivre les consommations poste par poste et ajuster les pratiques en fonction de l’usage, détaille Stéphane Perrard qui entend investir plus en amont, pour mieux gérer ensuite. Ne pas le faire serait une erreur de gestion. »

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