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Le revenu de solidarité active

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Le revenu de solidarité active

Les critères de participation à l’expérimentation de la recentralisation du revenu de solidarité active ont été fixés par un décret du 26 octobre dernier. Présentation des expérimentations en cours ou annoncées ainsi que des règles actuelles attachées au dispositif.

Le revenu de solidarité active (RSA) a pour objet d’« assurer à ses bénéficiaires des moyens convenables d’existence, de lutter contre la pauvreté et de favoriser l’insertion sociale et professionnelle » (CASF, art. L. 262-1). Ce dispositif est la cible de nombreux questionnements : les enjeux portant sur son financement (répartition Etat-départements), l’accès aux droits et les « devoirs » de ses bénéficiaires.

Présentation des trois expérimentations en cours ou annoncées : « solidarité à la source » avec un versement dit « automatique » ; engagements des bénéficiaires à exercer une activité ; recentralisation du RSA. Ce dossier fait également un point sur les règles actuelles, avec les éclairages de la jurisprudence.

I. Expérimentations

A. La « solidarité à la source »

Annoncée pour début 2023, la « solidarité à la source » consisterait à verser automatiquement le RSA. En pratique, cela passerait par le recoupement de fichiers : mise en œuvre du dispositif de ressources mensuelles (DRM), au sein des organismes de sécurité sociale, et fichier du prélèvement à la source. Les premières explications traduisent une volonté de contrôler et d’automatiser l’actualisation, pour, le cas échéant, mettre fin au droit. « Les aides quérables resteraient quérables », selon le ministre du Travail. Et ce, alors même qu’il a de nouveau été établi récemment que le non-recours concerne environ un tiers des allocataires potentiels du RSA(1).

B. RSA conditionné

Des discours politiques et institutionnels mettent de manière récurrente en avant l’insertion professionnelle(2) et appuient la nécessité d’inciter à la reprise d’activité, voire de créer une « obligation ». Une réforme, dont les contours restent flous, a été annoncée. La volonté politique est d’inscrire ces évolutions dans le cadre du guichet « France travail », ce qui suscite la méfiance de certains acteurs de terrain. Le versement du RSA serait conditionné à la réalisation de 15 à 20 heures d’activité sur la base du volontariat. Les termes « accompagnement intensif » ou « renforcé » sont maintenant avancés, à l’instar du contrat d’engagement jeune. Ainsi les déclarations récentes ne font-elles pas explicitement référence à une obligation de travail non rémunéré.

Reste à connaître le contenu précis du texte à venir et les marges de manœuvre laissées aux départements se portant volontaires, au risque de créer d’autres inégalités territoriales.

C. Financement et « recentralisation »

Cette expérimentation est liée aux difficultés rencontrées par des départements pour faire face à la hausse du coût du financement du dispositif. En limitant ce coût par le transfert à l’Etat, l’objectif est de renforcer le volet « insertion ».

1. Transfert à l’Etat et compétences déléguées

L’expérimentation conduite sous la forme d’une recentralisation a été initialement appliquée à Mayotte et en Guyane, à partir du janvier 2019 (loi de finances pour 2019 ; décret n° 2018-1321, 28 décembre 2018). Elle a ensuite été effective à La Réunion à compter du 1er janvier 2020 (loi de finances pour 2020 ; décret n° 2019-1485, 28 décembre 2019).

Le législateur a franchi une nouvelle étape en prévoyant la recentralisation, à compter du 1er janvier 2022, à titre expérimental, et ce, dans le but de « renforcer les politiques d’insertion, dans le ressort des départements qui en font la demande ». Dans ce nouveau cadre juridique, sont assurés par l’Etat (loi de finances pour 2022 ; décret n° 2022-130, 5 février 2022) :

• l’instruction administrative et la décision d’attribution du RSA et du revenu de solidarité (RSO) mentionné à l’article L. 522-14 du code de l’action sociale et des familles (CASF), ainsi que l’examen des éventuels réclamations et recours contentieux relatifs à ces prestations ;

• le contrôle administratif et le recouvrement des indus portant sur le versement de ces prestations ;

• le financement de ces prestations.

Les caisses d’allocations familiales (CAF) ou de la mutualité sociale agricole (CMSA) reprennent, pour le compte de l’Etat, des compétences dévolues au président du conseil départemental. Les frais de gestion supplémentaires qui en découlent sont financés par l’Etat.

L’expérimentation prendra fin au plus tard le 31 décembre 2026.

2. Territoires concernés

La liste des candidats est établie par décret. Ont été retenus pour l’expérimentation (décret n° 2022-322, 4 mars 2022) :

• le conseil départemental des Pyrénées-Orientales ;

• le conseil départemental de la Seine-Saint-Denis.

D’autres territoires pouvaient se porter candidats jusqu’au 30 juin 2022 (loi n° 2022-217, 21 février 2022, art. 132) pour une application au 1er janvier 2023. Ils doivent remplir des critères d’éligibilité et avoir signé une convention entre le président du conseil départemental et le représentant de l’Etat avant le 1er novembre 2022, dérogeant au cadre juridique national et conventionnel. Un décret devra préciser les territoires retenus.

3. Critères d’éligibilité

Paru tardivement, le décret n° 2022-1358 du 26 octobre 2022 indique les critères cumulatifs nécessaires auxquels doivent répondre les départements souhaitant participer au dispositif :

• le reste à charge des dépenses du RSA par habitant du département doit être supérieur à 1,2 fois le reste à charge national moyen par habitant ;

• la proportion de bénéficiaires du RSA dans la population du département et, le cas échéant, du RSO doit être supérieure à 1,2 fois cette même proportion dans l’ensemble des départements ;

• le revenu moyen par habitant du département doit être inférieur à 0,9 fois le revenu moyen par habitant de l’ensemble des départements ; Pour déterminer la proportion de bénéficiaires et le revenu moyen par habitant de l’ensemble des départements, sont exclus ceux dont la compétence d’attribution et de financement a été transférée à l’Etat. Les bénéficiaires et le revenu pris en compte sont ceux constatés au 31 décembre 2020.

II. Cadre juridique actuel

A. Caractéristiques du RSA

Le revenu de solidarité active a un caractère subsidiaire, ce qui signifie que le demandeur doit au préalable faire valoir ses droits aux prestations légales, sociales, législatives, réglementaires et conventionnelles, sauf exceptions, énumérées à l’article L. 262-10 du CASF.

Il est nécessaire également qu’il fasse valoir ses créances alimentaires telles que celles liées aux devoirs des époux ou nées de l’obligation des parents envers les enfants ou les pensions alimentaires (CASF, art. L. 262-10, R. 262-46 à R. 246-49).

Le foyer peut demander à être dispensé de satisfaire aux obligations de faire valoir ses créances (CASF, art. L. 262-12). Le président du conseil départemental statue sur cette demande (sauf dans le cas de la « recentralisation », voir ci-contre).

Le RSA est, d’autre part, une allocation différentielle, ce qui signifie qu’il n’est pas à montant fixe. Il garantit un revenu minimal dont montant est déterminé en fonction des revenus déjà perçus dans le foyer. Il vient compléter ces revenus pour que le seuil garanti soit atteint.

B. Mise en œuvre

La mise en œuvre du RSA relève de la responsabilité des départements. Les autres collectivités territoriales, Pôle emploi, les maisons de l’emploi ou, à défaut, les personnes morales gestionnaires des plans locaux pluriannuels pour l’insertion et l’emploi, les établissements publics, les organismes de sécurité sociale ainsi que les employeurs y apportent leur concours (CASF, art. L. 115-2).

Le RSA est financé par le département dans lequel le demandeur réside ou a élu domicile (CASF, art. L. 262-24). Par exception, l’Etat finance l’allocation de RSA versée aux personnes de moins de 25 ans. Il prend également en charge ses frais de gestion.

C. Allocation sous conditions

Dans le régime actuel, les bénéficiaires du RSA doivent répondre à des conditions d’âge et de résidence que nous rappelons ici succinctement.

1. Condition d’âge

Le bénéfice du revenu de solidarité active est réservé (CASF, art. L. 262-4) :

• aux personnes âgées de plus de 25 ans ; le droit s’ouvre le mois du 25e anniversaire ;

• ou, sans condition d’âge, aux personnes qui assument la charge d’un ou de plusieurs enfants nés ou à naître (sous réserve de déclaration de grossesse).

A noter : La condition d’âge ne s’applique pas au conjoint, concubin, pacsé (CASF, art. L. 262-5).

Par dérogation, une personne âgée de 18 ans au moins et de 25 ans au plus bénéficie du RSA sous réserve d’avoir exercé une activité professionnelle pendant un nombre déterminé d’heures de travail au cours d’une période de référence précédant la date de la demande (CASF, art. L. 262-7-1, D. 262-5-1 et D. 261-25-4). En pratique, les conditions sont très restrictives, rendant l’accès au RSA pour les jeunes actifs très limité.

Un autre dispositif s’inscrivant dans la continuité du plan « 1 jeune, 1 solution » est mis en œuvre : le contrat d’engagement jeune(1), avec une volonté de mettre l’accent sur le volet « insertion professionnelle ».

2. Conditions de résidence

Le droit au RSA est ouvert aux personnes qui résident effectivement et de façon stable en France (CASF, art. L. 262-2). Est considérée comme résidant en France la personne qui y vit de façon permanente ou qui accomplit hors de France un ou plusieurs séjours dont la durée de date à date ou la durée totale par année civile n’excède pas 3 mois (CASF, art. R. 262-5). La condition de résidence est remplie si le séjour hors de France de plus de 3 mois s’inscrit dans le cadre d’un contrat d’engagements réciproques en matière d’insertion professionnelle (CASF, art. L. 262-34 et L. 262-35) ou du projet personnalisé d’accès à l’emploi (C. trav., art. L. 5411-6-1). Le Conseil d’Etat a souligné en 2017 que sont visés par ce texte les séjours s’inscrivant seulement dans le cadre du volet professionnel (CE, 28 décembre 2017, n° 406374).

A noter : Les personnes sans résidence stable doivent élire domicile soit auprès d’un centre communal ou intercommunal d’action sociale, soit auprès d’un organisme agréé à cet effet. L’élection de domicile est accordée pour une durée de 1 an (CASF, art. L. 264–1 et s., D. 264-1 et s.).

3. Les ressortissants étrangers

Le revenu de solidarité active est ouvert à toutes les personnes de nationalité française. Pour les étrangers, tout dépend s’ils sont originaires d’un pays de l’Union européenne ou non.

• Les ressortissants européens doivent :

– justifier d’un droit de séjour en France ;

– vivre sur le territoire français depuis au moins 3 mois :

– ou avoir eu un travail déclaré en France et être inscrit à Pôle emploi ;

– ou avoir un travail déclaré en France et être en arrêt maladie ;

– ou avoir un travail déclaré en France et être en formation professionnelle.

S’ils sont entrés en France pour y chercher un emploi et qui s’y maintiennent à ce titre, ils n’ont pas droit au RSA (CASF, art. L. 262-6).

• Les ressortissants étrangers hors Union européenne doivent :

– être titulaires depuis au moins 5 ans d’un titre de séjour attestant de la stabilité et de la régularité de la résidence (CASF, art. L. 262-4) ;

– avoir une carte de résident ou un titre de séjour équivalent ;

– avoir le statut de réfugié ou être reconnu apatride ;

– être sous protection subsidiaire.

Concernant les membres du foyer, des conditions de résidence et de régularité de séjour s’appliquent (CASF, art. L. 262-5).

III. Détermination du montant du RSA

A. Ressources

1. Principaux textes

Le droit au RSA est ouvert lorsque les ressources du foyer sont inférieures au revenu garanti (CASF, art. L. 262-2).

Pour le calcul de l’allocation, l’ensemble des ressources des personnes composant le foyer, quelle que soit leur nature, sont prises en compte (CASF, art. L. 262-3), à savoir :

• les revenus professionnels (CASF, art. R. 262-12) ;

• les avantages en nature, étant précisé que l’avantage en nature lié à la disposition d’un logement à titre gratuit est déterminé de manière forfaitaire (CASF, article R. 262-9) ;

• les avantages en nature procurés par un jardin exploité à titre privatif ne sont pas pris en compte ;

• les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers et par des capitaux (CASF, art. L. 262-3, R. 262-6). La valeur en capital des biens non productifs de revenus est appréciée de la manière suivante : les biens immobiliers (autres que ceux qui constituent l’habitation principale du demandeur) sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à 50 % de leur valeur locative s’il s’agit d’immeubles bâtis, et à 80 % de cette valeur s’il s’agit de terrains non bâtis. Les capitaux sont considérés apporter à leur propriétaire un revenu annuel équivalent à 3 % de leur montant.

Les ressources prises en compte sont égales à la moyenne mensuelle des ressources perçues au cours des 3 derniers mois précédant la demande ou la révision (CASF, art. R. 262-7).

2. Ressources exclues ou neutralisées

Ne sont pas incluses dans le calcul des ressources les prestations et aides sociales à raison de leur finalité sociale particulière (CASF, art. L. 262-3, CASF, art. R. 262-11). C’est le cas notamment de certaines prestations familiales. Plus récemment, la liste exhaustive établie à l’article R. 262-11 du CASF, a été complétée. Ne sont pas pris en compte :

• les sommes perçues au titre de dédommagement par l’aidant familial (ce qui n’était pas le cas avant) ;

• l’allocation journalière du proche aidant ;

• l’allocation forfaitaire versée en cas de décès d’un enfant.

Par ailleurs, il n’est pas tenu compte (totalement ou partiellement) ni des ressources ayant le caractère de revenus professionnels, ni des allocations aux travailleurs privés d’emploi, lorsqu’il est justifié que la perception de ces revenus est interrompue de manière certaine et que l’intéressé ne peut prétendre à un revenu de substitution (CASF, art. R. 262-13).

3. Jurisprudence

Les juridictions ont apporté des précisions sur certaines situations.

• La prise en compte des ressources. Les termes « quelle que soit leur nature » ont une visée très large : par exemple, en cas de sous-location d’une partie du bien immobilier qu’il occupe lui-même en qualité de locataire, les bénéfices que l’allocataire retire le cas échéant de cette sous-location doivent être pris en compte au titre de ses ressources (Conseil d’Etat, 12 avril 2022, n° 440736).

• L’aide de proches. Les aides apportées par des proches ne sauraient être assimilées ni à des « aides et secours financiers dont le montant et la périodicité n’ont pas de caractère régulier », ni à des « aides et secours affectés à des dépenses concourant à l’insertion du bénéficiaire et de sa famille, notamment dans les domaines du logement, des transports, de l’éducation et de la formation » (Conseil d’Etat, 31 juillet 2015, n° 382371). Elles sont donc prises en compte, sauf si le président du conseil départemental décide, en fonction de la situation exceptionnelle du demandeur au regard de son insertion sociale et professionnelle, de ne pas tenir compte de ces libéralités (CASF, art. R. 262-14).

• Les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers et par des capitaux (CASF, art. R. 132-1 et R. 262-6). Le Conseil d’Etat a précisé que « les intérêts produits par un placement financier doivent être intégralement pris en compte au titre des ressources du mois au cours duquel ils sont perçus, sans qu’il y ait lieu, pour les autres mois, de traiter le capital placé comme un bien non productif de revenus » (CE, 11 février 2022, n° 449400).

La Cour de cassation, dans une affaire pénale opposant la Métropole de Lyon à une personne bénéficiaire du RSA, par ailleurs, associée et titulaire de parts d’une société civile immobilière, a précisé que seuls les bénéfices effectivement distribués doivent être pris en compte dans le calcul du RSA. A défaut de bénéfices distribués, les ressources doivent être évaluées sur la base forfaitaire de 3 % de la valeur des parts, applicable aux capitaux non productifs de revenus (Cass. crim., 8 septembre 2020, n° 19-84021 ; dans le même sens, CE, 26 février 2020, n° 424379).

B. Montant

Le montant de l’allocation dépend de la composition du foyer. Le montant forfaitaire applicable pour une personne seule est majoré de (CASF, art. R. 262-1 et R. 262-3) :

• 50 % lorsque le foyer se compose de 2 personnes (ex. : un couple sans enfants) ;

• 30 % pour chaque personne supplémentaire présente au foyer, et à charge de l’intéressé ;

• 40 % à partir du 3e enfant ou de la 3e personne à charge lorsque le foyer comporte plus de 2 enfants ou personnes de moins de 25 ans à charge, à l’exception du conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin de l’intéressé.

Une majoration pour isolement s’applique pour les personnes isolées assumant la charge d’un ou de plusieurs enfants ou les femmes isolées enceintes, ayant effectué la déclaration de grossesse et les examens prénataux (CASF, art. L. 262-9, R. 262-1).

IV. Versement de l’allocation, révision et radiation

A. Le paiement

Le revenu de solidarité active est ouvert à compter du dépôt de la demande, sous réserve de remplir les conditions. Le versement est effectué mensuellement par la CAF (ou la CMSA) (CASF, art. L. 262-16, L. 262-18, R. 262-32).

A noter : Un seuil minimal de versement est fixé (CASF, art. L. 262-20, R. 262-36 et R. 262-39).

B. Révision périodique, changement de situation et fin de droit

Une révision périodique du montant du RSA est effectuée en fonction de l’évolution des ressources du foyer, trimestriellement (CASF, art. L. 262-21 et R. 262-4). Le réexamen est immédiat en cas de changement de situation : perception de certaines ressources interrompue, interruption de la vie commune, situation d’isolement.

Les changements de situation de nature à réviser les droits au RSA prennent effet à compter du premier jour du mois civil au cours duquel s’est produit l’événement modifiant la situation de l’allocataire (CASF, art. R. 262-4-1).

En cas de décès d’un enfant mineur à la charge du foyer, la prise en compte de cet enfant au titre des droits du foyer est maintenue, à compter de la date du décès et, le cas échéant, jusqu’au 4e réexamen périodique suivant (CASF, art. L. 262-21).

Le RSA cesse d’être dû à compter du premier jour du mois civil au cours duquel les conditions d’ouverture du droit cessent d’être réunies. Toutefois, en cas de décès du bénéficiaire, d’un enfant ou d’un autre membre du foyer, l’allocation ou la majoration d’allocation cesse d’être due au premier jour du mois civil qui suit celui du décès (CASF, art. R. 262-35).

Pour certaines situations, la fin du droit est reportée au terme de 4 mois de non-versement de l’allocation (CASF, art. R. 262-40).

C. Suspension et radiation

La logique renforcée des droits et devoirs attachés au RSA conduit à sanctionner les personnes qui n’accomplissent pas les démarches en vue de leur insertion. Ces sanctions peuvent consister en une suspension ou une réduction de l’allocation, voire une radiation de la liste des bénéficiaires, à l’issue d’une procédure contradictoire. C’est en principe le président du conseil départemental qui procède à la radiation (sauf territoire concerné par la « recentralisation ») (CASF, art. L. 262-37, L. 262-38, R. 262-40, R. 262-68, R. 262-69).

Le Conseil d’Etat a apporté des précisions importantes sur les droits des allocataires. Le président du conseil départemental ne peut légalement réviser de façon rétroactive les droits au RSA d’un bénéficiaire, au motif que ce dernier n’a pas accompli, durant la période en cause, les démarches visant à son insertion professionnelle (CE, 26 avril 2022, n° 453176). La réclamation d’un indu est subordonnée au fait que des conditions ne seraient pas remplies (ex. : résidence, ressources).

A noter : Des conditions de réduction ou de suspension du RSA sont prévues lorsqu’un membre du foyer est hospitalisé ou incarcéré pour une certaine durée (CASF, art. L. 262-19, R. 262-43 à R. 262-45).

V. Contrôles et contentieux

A. Modalités du contrôle, échanges d’informations, justificatifs

Des mesures de contrôle sont mises en place – échanges d’informations entre les différents acteurs et institutions –, des vérifications peuvent être faites et des justificatifs demandés (CASF, R. 262-82 et R. 262-83).

La gestion des échanges a été placée depuis plus de 10 ans au cœur de la politique de lutte contre les fraudes avec différents traitements automatisés. Sont-ils utilisés pour renforcer les droits ou destinés à contrôler, voire à sanctionner ? Une ambiguïté est soulignée par la défenseure des droits, qui relève dans son dernier rapport d’activité pour 2021 qu’« à ces difficultés (liées au tout numérique) s’ajoute, dans certaines situations, la crainte du contrôle et de la sanction, au moment de faire valoir ses droits auprès d’un service public » …

Pour mémoire, avec des finalités diverses, citons le traitement « @RSA » (CASF art R. 262-102 à R. 262-109 ; décret. n° 2022-565, 15 avril 2022), le traitement « Listes transmises aux présidents des conseils départementaux » créé par Pôle emploi (CASF, art R. 262-111 à R. 262-116), le traitement Eniacrams (échantillon national interrégimes d’allocataires de compléments de revenus d’activité et de minima sociaux) (arrêté du 24 février 2020).

B. Évaluation du train de vie

Lorsqu’il est constaté, à l’occasion de l’instruction d’une demande ou lors d’un contrôle, une disproportion marquée entre, d’une part, le train de vie du foyer et, d’autre part, les ressources qu’il déclare, une évaluation forfaitaire des éléments de train de vie est effectuée et prise en compte pour la détermination du droit au RSA. Elle comprend les éléments de train de vie dont le foyer a disposé, en quelque lieu que ce soit, en France ou à l’étranger, et à quelque titre que ce soit (CASF, art. L. 262-41, R. 262-74, R. 262-75, R. 262-79 et R. 262-80, D. 262-77).

C. Distinction entre droit à l’erreur et fraudes

1. Une confusion soulignée par la défenseure des droits

Le principe d’un droit à l’erreur a été instauré (loi « Essoc » du 10 août 2018, pour un Etat au service d’une société de confiance ; code des relations entre le public et l’administration [CRPA], art. L. 123-1 et L. 123-2). Les bénéficiaires du RSA se trompant dans leurs déclarations effectuées à l’administration n’encourent pas de sanction lors de leur première erreur si celle-ci est de bonne foi. Il appartient à l’administration de démontrer l’éventuelle mauvaise foi.

Dans un avis, la défenseure des droits a souligné que, malgré le principe du droit à l’erreur inscrit dans la loi « Essoc », les saisines reçues révèlent que c’est souvent la fraude qui est présumée (avis du 30 avril 2021, n° 21-04).

2. Un arsenal de sanctions

Des pénalités sont prévues, notamment en cas de fausse déclaration ou omission de déclaration (CASF, art. L. 262-52 ; CSS, art. L. 114-17).

Pour prononcer une sanction pénale pour fraude au RSA, en l’espèce au titre de l’article 441-6 du code pénal, le juge doit notamment rechercher si le bénéficiaire avait conscience que les ressources qu’il a omis de déclarer, en l’occurrence des prêts familiaux ou amicaux, devaient l’être (Cass. crim., 13 janv. 2021, n° 19-86982).

D. Le recouvrement des indus

Le régime de récupération des indus permet la « fongibilité » des prestations.

Ainsi, les indus de RSA peuvent être récupérés sur d’autres prestations (prestations familiales, allocation aux adultes handicapés, aides au logement) et inversement (CASF, art. L. 262-46, R. 262-92, 1 ; CSS, art. D. 553-1).

La CAF est chargée de recouvrer la créance en utilisant, le cas échéant, la procédure de contrainte (CSS, art. L. 161-1-5 ; CASF, art. R. 262-94-1 et D. 262-94-2 ; CSS, art. R. 133-9-2, R. 133-3).

Une prescription de 2 ans est applicable, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration, à l’action intentée par l’organisme chargé du service du RSA ou le département en recouvrement des sommes indûment payées (CASF, art. L. 262-45). L’envoi d’un courrier avec accusé de réception, « quels qu’en aient été les modes de délivrance » (cas où la personne ne retire pas le courrier), interrompt la prescription.

Toute réclamation dirigée contre une décision de récupération de l’indu, le dépôt d’une demande de remise ou de réduction de créance ainsi que les recours administratifs et contentieux, y compris en appel, contre les décisions prises sur ces réclamations et demandes ont un caractère suspensif.

La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil départemental en cas de bonne foi ou de précarité de la situation du débiteur, sauf si cette créance résulte d’une manœuvre frauduleuse ou d’une fausse déclaration (CASF, art. L. 262-46).

A noter : Le RSA est incessible et insaisissable (CASF, art. L. 262-48). Par ailleurs, les sommes versées au titre du RSA ne peuvent faire l’objet d’un recours de l’Etat ou du département en vue de leur récupération contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre ses héritiers, donataires ou légataires (CASF, art. L. 262-49). Cette « non-récupération » ne prive pas pour autant de demander la restitution de montants, y compris auprès d’héritiers, si des sommes ont été indûment versées.

VI. Accompagnement et engagement d’insertion

A. Accompagnement : personnes concernées

Le RSA « garantit à toute personne, qu’elle soit ou non en capacité de travailler, de disposer d’un revenu minimum ». L’affirmation d’un « droit à un accompagnement social et professionnel destiné à faciliter l’insertion durable du bénéficiaire » figure dans le CASF au nombre des principes généraux de lutte contre la pauvreté et l’exclusion (CASF, art. L. 115-2).

Ce droit, qui se décline en droits et devoirs, avec la formalisation d’engagements réciproques, est « adapté aux besoins » du bénéficiaire du RSA. Les mêmes droits et devoirs s’appliquent au « bénéficiaire et à son conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité » (CASF, art. L. 262-27).

B. Deux orientations possibles

Une première orientation est considérée comme « prioritaire », tendant à diriger les bénéficiaires vers les organismes chargés de l’insertion professionnelle aux fins de créer leur propre activité ou d’occuper un emploi (CASF, art. L. 262-29).

Une seconde orientation s’effectue vers les organismes d’insertion sociale, lorsque des difficultés tenant notamment aux conditions de logement, à l’absence de logement ou à l’état de santé font temporairement obstacle à un engagement dans une démarche de recherche d’emploi (CASF, art. L. 262-29 et L. 262-31). L’orientation vers un parcours social n’est donc que provisoire. Et si cette réorientation vers des organismes d’insertion dans l’emploi n’a pu intervenir au terme d’un délai de 6 mois, pouvant aller jusqu’à 12 mois, la situation de l’allocataire doit être examinée par une équipe pluridisciplinaire (CASF, art. L. 262-31 et L. 262-39).

C. Périmètre des « devoirs »

Le bénéficiaire du RSA est tenu de rechercher un emploi, d’entreprendre les démarches nécessaires à la création de sa propre activité ou les actions nécessaires à une meilleure insertion sociale ou professionnelle (CASF, art. L. 262-28 et D. 262-65).

Cette obligation s’impose sous deux conditions cumulatives :

• les ressources du foyer doivent être inférieures au montant forfaitaire du RSA. Les obligations auxquelles sont tenus les parents isolés – bénéficiaires du montant forfaitaire majoré – doivent prendre en compte leurs « sujétions particulières, notamment en matière de garde d’enfants » ;

• l’intéressé doit être sans emploi ou ses revenus professionnels doivent être inférieurs à 500 € en moyenne mensuelle calculée sur le trimestre de référence.

D. Jurisprudence

Tout d’abord, rappelons que la distinction faite entre insertion sociale et insertion professionnelle peut avoir des incidences pour l’appréciation de la condition de séjour hors de France (voir page 20 ; CE, 28 décembre 2017, n° 406374).

Ensuite, s’agissant d’un bénéficiaire du RSA, tenu de rechercher un emploi, le président du conseil départemental est en droit de suspendre, en tout ou partie, le versement de l’allocation et de procéder, sous certaines conditions, à la radiation. Toutefois, la révision des droits ne peut pas être rétroactive au seul motif que la personne n’a pas accompli des démarches (CE, 26 avril 2022 n° 453176). Dans cette même décision, le Conseil d’Etat considère que la réouverture de droit, prévue à l’article L. 262-38 du CASF, ne peut être refusée en se fondant sur ce même motif, sauf à ce que le demandeur ait fait l’objet d’une décision préalable de suspension de ses droits et n’ait pas signé un projet personnalisé d’accès à l’emploi ou l’un des contrats d’engagements réciproques.

Enfin, au sujet du RSA conditionné à des heures de bénévolat, le Conseil d’Etat a été appelé à se prononcer sur la légalité d’une délibération du conseil départemental du Haut-Rhin instaurant un dispositif de service individuel bénévole à effectuer par les bénéficiaires du RSA, une obligation conditionnant le versement de la prestation. Selon la Haute Juridiction, « les dispositions de l’article L. 262-35 du CASF ne font pas obstacle à ce que, dans certains cas, le contrat, élaboré de façon personnalisée, prévoie des actions de bénévolat » (CE, 15 juin 2018, n° 411630, département du Haut-Rhin). Cela n’est possible qu’à condition que ces actions puissent contribuer à une meilleure insertion professionnelle du bénéficiaire et qu’elles restent compatibles avec la recherche d’un emploi à laquelle il est tenu.

Personnes exclues du champ du RSA

Les élèves, étudiants, stagiaires sont exclus du champ du RSA (CASF, art. L. 262-4). Lorsque la situation exceptionnelle du demandeur au regard de son insertion sociale et professionnelle le justifie, le président du conseil départemental peut déroger, par une décision individuelle, à ces exclusions (CASF, art. L. 262-8). Sont également exclues les personnes en congé parental, sabbatique, sans solde ou en disponibilité (CASF, art. L. 262-4). Cette condition s’applique au conjoint, concubin, partenaire pacsé (CASF, art. L. 262-5).

Les exclusions ne s’appliquent pas aux personnes ayant droit à la majoration pour isolement (CASF, art. L. 262-9).

Bénéficiaires du RSA et prime d’activité

Le RSA est mis en œuvre afin de compléter les revenus du travail ou les supplée pour les foyers dont les membres ne tirent que des ressources limitées de leur travail et des droits qu’ils ont acquis en travaillant ou sont privés d’emploi (CASF, art. L. 115-2).

Au RSA s’ajoute la prime d’activité, qui a remplacé le RSA « activité » et la prime pour l’emploi. « La prime d’activité a pour objet d’inciter les travailleurs aux ressources modestes, qu’ils soient salariés ou non salariés, à l’exercice ou à la reprise d’une activité professionnelle et de soutenir leur pouvoir d’achat » (CSS, art. L. 841-1). Cette prime est versée sous conditions notamment d’âge (plus de 18 ans), de résidence stable et de ressources (CSS, art. L. 841-2 et s., L. 842-4, R. 842-1 à R. 842-5, R. 844-1 à R. 844-5).

Lorsqu’il exerce, prend ou reprend une activité professionnelle, le bénéficiaire du RSA est réputé avoir formulé une demande de prime d’activité, sauf mention contraire de sa part (CASF, art. L. 262-27-1 ; CSS, art. R. 846-1).

La formule de calcul de la prime d’activité est la suivante :

[montant forfaitaire éventuellement majoré + 61 % des revenus professionnels + bonifications individuelles] – [ressources prises en compte du foyer]

A noter que la prime d’activité peut également être versée aux personnes indemnisées au titre du chômage partiel ou technique.

Notes

(1) C. Hannafi, R. Le Gall, L. Omalek et C. Marc – « Mesurer régulièrement le non-recours au RSA » – Les Dossiers de la Drees, n° 92, février 2022.

(2) Voir notamment Cour des comptes, janvier 2022 – www.ccomptes.fr/fr/publications/le-revenu-de-solidarite-active-rsa.

(1) Voir ASH n° 3251 du 18-03-22, p. 16.

Dossier juridique

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