Prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022(1), la réforme des services de l’aide à domicile vise à simplifier et à améliorer l’accès à ces services des usagers comme des aidants.
Il s’agit de restructurer, au moyen de rapprochements ou de fusions, l’ensemble des différents types de services intervenant au domicile. Sont concernés les services d’aide à domicile (Saad), les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) ainsi que les services polyvalents d’aide et de soins à domicile (Spasad).
Le dossier fait le point sur cette réforme à peine entamée et qui devrait s’achever en 2025.
A l’issue de la réforme qui donnera naissance des « services autonomie », demeureront deux catégories de structures :
• celles dispensant à la fois de l’aide et des soins ;
• et celles ne dispensant que de l’aide. Ces dernières devront organiser une réponse aux besoins en soins afin d’assurer la fluidité du parcours des personnes accompagnées.
La réforme intervient au regard de trois principaux axes et vise à améliorer la lisibilité de l’offre actuelle pour les usagers et les aidants :
• elle va fixer une unique porte d’entrée tant pour les bénéficiaires que pour les aidants s’agissant de l’aide et des soins nécessités par les personnes vulnérables. L’idée générale est que la charge des démarches et la coordination doivent peser sur les structures et non plus sur les bénéficiaires et les aidants ;
• deuxième axe : améliorer la qualité de l’accompagnement du bénéficiaire et de l’aidant grâce à une coordination au sein d’une même structure. C’est pourquoi les services d’aide et de soins intégrés sont privilégiés dans la réforme ;
• enfin, il s’agit de permettre à l’ensemble des personnels des structures de construire des parcours professionnels plus riches et d’améliorer la qualité de vie au travail.
Afin de faciliter la mise en place des nouveaux services autonomie à domicile, l’article 44 de la loi de financement de sécurité sociale pour 2022 prévoit que les Spasad expérimentaux et les Spasad intégrés, tout comme les services d’aide à domicile qui choisiront de continuer à ne dispenser que de l’aide, obtiennent une transformation automatique pour réaliser des services conservant le même périmètre d’activité sans aucune démarche spécifique à réaliser.
De surcroît, une dotation de coordination d’aide-soins sera versée par les agences régionales de santé (ARS) à l’ensemble des services qui dispenseront les activités de soins et d’aide.
Cette dotation doit être perçue comme un levier d’accompagnement à la transformation, d’après la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), mais elle vise également à permettre d’inciter les structures à proposer de manière intégrée du soin et de l’aide à domicile.
Enfin, une période de transition d’une durée de 2 ans est fixée de juillet 2023 à juillet 2025, afin de permettre aux Ssiad de modifier leur organisation et aux services qui auront bénéficié d’une transformation automatique de se conformer au nouveau cahier des charges.
Le cahier des charges – élaboré par la DGCS, en partenariat avec les fédérations du secteur du domicile, les conseils départementaux et les ARS – qui prévoira les modalités de constitution des services autonomie devra quant à lui être pris par décret simple avant le 30 juin 2023.
La réforme portant promotion des services autonomie vise à modifier totalement le paysage des services à domicile actuels. Ainsi, les dispositions du code de l’action sociale et des familles, précisément celles de l’article L. 313-1-3 doivent être remplacées par un article créant les services autonomie. Ces services remplaceront les Saad, les Ssiad et les Spasad. L’ensemble de ces services doivent être remplacés par deux catégories de services autonomie au domicile des particuliers intégrant des services dispensant de l’aide et des soins et des services ne dispensant que de l’aide.
Les services actuels ne dispensant que des soins vont en conséquence être amenés à disparaître et devront nécessairement s’adjoindre un service accompagnement pour subsister. A défaut, le texte ne prévoit plus l’existence de services centrés uniquement sur les soins.
Les services actuels d’aide et d’accompagnement à domicile auront la faculté quant à eux de décider s’ils souhaitent demeurer sur un volet « aide » et externaliser la partie « soins » en recourant à la mise en place de partenariats avec des professionnels du soin.
Enfin, les Spasad connaîtront quant à eu un mode de fonctionnement relativement identique à celui actuellement en vigueur dans la mesure où ces derniers proposent d’ores et déjà de l’aide et des soins à domicile articulés dans la même structure.
A noter : Les services autonomie à domicile qui décideront de ne dispenser que de l’aide sans internaliser l’activité de soins ne sont pas favorisés par la réforme qui prévoit, dans le 1° de l’article 44 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, un centrage sur les services dispensant de l’aide et des soins. Les services ne dispensant que de l’aide ne sont mentionnés qu’au 2°. On relèvera également que la notice explicative produite par le ministère des Solidarités et de la Santé prévoit expressément la valorisation des modèles d’intervention intégrée.
En pratique, pour les services ne dispensant que de l’aide, il est prévu une obligation d’organiser une réponse aux besoins en soins des personnes qu’ils accompagnent lorsque cela apparaîtra nécessaire. La réforme ne fait pas mention de manière expresse des modalités selon lesquelles le partenariat devra être envisagé, mais la notice précise d’ores et déjà qu’une convention de partenariat avec un ou plusieurs services, structures ou professionnels devra être élaborée et que les modalités de l’organisation seront précisées dans le cahier des charges des services autonomie.
Les services du domicile étant totalement réformés, les cahiers des charges actuels sont amenés à disparaître. La transformation des Saad, Ssiad et Spasad en services autonomie pourra entrer en vigueur au moment de la publication d’un décret – au plus tard le 30 juin 2023 – qui définira le cahier des charges de l’ensemble de ces nouveaux services.
Aussi, à la date de publication du décret, l’ensemble des autorisations actuelles ne seront plus valables, remplacées par les nouvelles autorisations des services autonomie. Les services bénéficieront d’une période transitoire :
• les Saad seront réputés autorisés comme services autonomie pour la durée restant à courir de l’autorisation en cours. Ils n’auront pas à déposer de nouvelles demandes d’autorisation et disposerons d’un délai de 2 ans à compter de la publication du décret pour mise en conformité avec le cahier des charges.
Les services ne dispensant que des prestations d’aide et d’accompagnement qui voudront dispenser du soin devront demander l’autorisation conjointe à l’ARS et au conseil départemental à compter de la publication du cahier des charges ;
• les Ssiad auront un délai de 2 ans à compter de la publication du décret pour fusionner avec un Saad ou s’adjoindre une activité d’aide et demander une autorisation conjointe comme services autonomie auprès de l’ARS et du conseil départemental ;
• les Spasad (autorisés et expérimentaux) seront réputés autorisés comme services autonomie pour la durée de l’autorisation restant à courir. Il auront un délai de 2 ans à compter de la publication du décret pour se mettre en conformité avec le nouveau cahier des charges.
La question du périmètre des autorisations délivrées aux nouveaux services autonomie interroge sur le périmètre territorial des autorisations à venir. En effet, les autorisations des Ssiad sont délivrées par les ARS et couvrent habituellement un territoire plutôt restreint, alors que celles des Saad sont délivrées par les conseils départementaux et portent sur des territoires très étendus. La DGCS, dans un « Questions-Réponses » publié au mois de février dernier, aborde cette problématique.
• S’agissant des anciens Ssiad, la réforme fixe une demande d’autorisation en dehors de toute procédure d’appel à projets. L’autorité compétente devra définir la capacité en nombre de places et la zone géographique d’intervention. Il est précisé que cette dernière devra être commune à celui de l’ancien Saad.
• Les anciens Saad qui souhaiteraient se transformer en services autonomie « aide et soins », la zone géographique d’intervention de la partie « soins » devra être déterminée au moment de la modification de l’autorisation permettant d’intégrer l’activité de soins. Il est prévu que l’autorisation délivrée au service autonomie précise le nombre de places autorisées pour l’activité de soins et un territoire d’intervention du service pour les activités d’aide et de soins. Ce territoire devra être identique pour les deux activités.
• Pour les anciens Spasad, le territoire d’intervention devra être délimité à une zone commune aux anciens Ssiad et Saad. Le document « Questions-Réponses » précise que ce territoire d’intervention devra répondre à un objectif de fonctionnement intégré de l’aide et du soin, sauf accord de l’ensemble des parties sur un territoire différent, à savoir l’ARS, le conseil départemental et les gestionnaires.
Les gestionnaires qui détiennent une autorisation pour un service autonomie aide et soins ayant une autorisation Saad et Ssiad en dehors de la zone commune délimitée par le nouveau service autonomie, ces derniers disposeront de la faculté de solliciter une modification de leurs autorisations afin qu’elles intègrent les territoires couverts par les anciens Saad et Ssiad. Les anciens Saad et Ssiad qui souhaitent dispenser une activité d’aide et de soins ont l’obligation de déposer une demande d’autorisation auprès de l’ARS et du conseil Départemental. La procédure applicable pour les autorités compétentes sera celle relative aux procédures d’autorisation exonérées d’appel à projets, c’est-à-dire conforme aux dispositions de l’article L. 313-2 du code de l’action sociale et des familles.
Ainsi, le directeur général de l’ARS et le président du conseil départementale bénéficieront d’un délai de 6 mois pour répondre aux demandes d’autorisation présentées par les anciens Ssiad et Saad.
A noter : L’absence de réponse dans un délai de 6 mois à compter de la date de dépôt de la demande vaut rejet.
Le demandeur a cependant la faculté de solliciter dans les 2 mois qui suivent la décision explicite ou implicite de rejet une notification des motifs ayant justifié ce dernier. A défaut de notification par l’autorité des motifs dans un délai de 1 mois, l’autorisation sera alors réputée acquise.
Pour les Ssiad, comme précédemment évoqué, la réforme des services autonomie prévoit leur disparition s’ils ne s’adjoignent pas à une activité relative à l’aide et à l’accompagnement. Ils disposeront d’un délai de 2 ans à partir de la publication du cahier des charges pour déposer la nouvelle demande d’autorisation.
A noter : Le Ssiad pourra continuer à être autorisé et bénéficier des anciennes dispositions du code de l’action sociale et des familles jusqu’au moment de la réponse de l’ARS et du conseil départemental, même si elle intervient postérieurement à la date butoir des 2 ans.
Pour les Ssiad dont l’autorisation arriverait à échéance dans les 6 mois après publication du cahier des charges, ils bénéficient d’une prorogation de 3 mois pour se mettre en conformité.
S’agissant des autorisations qui arriveraient à échéance avant l’entrée en vigueur des nouveaux services autonomie, un renouvellement tacite pour une durée de 15 ans est prévu à titre transitoire. Pour les Saad et Spasad actuels qui verraient leurs autorisations arriver à échéance avant la publication du cahier des charges, les autorisations pourront être renouvelées selon la procédure actuellement en vigueur pour une durée de 15 ans.
Dans cette hypothèse, les anciens Saad et Spasad seront réputés autorisés comme services autonomie à domicile pour la durée qui restera de l’autorisation et devront se mettre en conformité avec le nouveau cahier des charges à son terme.
En matière de droit social, les impacts des restructurations des services existants en services autonomie ne manquent pas d’interpeller.
En effet, les restructurations doivent intervenir au moyen de rapprochements ou de fusions, comme le prévoit la loi de financement de sécurité sociale pour 2022 et la notice explicative du mois de février 2022. Cependant, les enjeux juridiques sont importants et doivent être clairement identifiés.
En premier lieu, la problématique des fusions entre deux services peut poser la question de l’applicabilité exacte des conventions collectives. En effet, les services d’aide à domicile actuels peuvent être constitués en tant qu’entreprises et soumis à ce titre à la convention collective nationale des entreprises de services à la personne.
Les Ssiad sont quant à eux soumis à d’autres conventions collectives. Ce peut être la convention de la branche de l’aide à domicile ou encore celle des établissements privés d’hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif, dite « CCN 51 ».
Les services souhaitant fusionner sont soumis, pour la partie « aide », à la convention collective des entreprises de services à la personne et, pour la partie « soins », à la convention collective de la branche de l’aide à domicile à titre d’exemple. Les conventions collectives étant différentes, les impacts en matière sociale sont indéniables.
De surcroît, il conviendra de rappeler que la convention collective des entreprises de services à la personne ne permet en aucun cas d’exercer des missions relevant du soin, il sera alors impossible d’envisager un service autonomie intégrant soins et aide à domicile qui applique la convention collective des entreprises de services à la personne.
Or, en cas de fusion entre deux structures, la convention collective applicable à l’ensemble du personnel doit être celle de l’activité principale. Elle entraîne alors le transfert automatique des contrats de travail au cessionnaire, tout comme les contrats commerciaux en cours ou encore les dettes qui ont pu être contractées.
Lors de la restructuration, il est nécessaire de gérer la question des représentants du personnel en fonction du caractère d’établissement distinct ou non de la structure rachetée dans la structure d’accueil.
Par exception, une structure ayant deux activités nettement différenciées a la possibilité de conserver les personnels et les conventions collectives applicables dans l’hypothèse où les deux activités seraient nettement différenciées et non permutables.
Il ne s’agit toutefois en aucun cas de l’état d’esprit des textes, lesquels favorisent une fusion totale des services se rapprochant, prônant dans le même temps la possibilité pour les salariés d’avoir des parcours professionnels plus riches et de favoriser la qualité de vie au travail.
Au-delà des fusions, une seconde hypothèse est envisagée par le regroupement de structures sans nécessité d’un transfert d’entreprise ou d’association.
Il s’agirait de la création de groupements de type « groupe de coopération sociale et médico-sociale » (GCSMS). Sont prévues ici les conditions d’un regroupement de deux services au sein d’une nouvelle structure qui développerait des règles communes mais aurait la faculté de conserver une certaine autonomie en limitant les impacts en matière de droit du travail pour chacune des deux structures.
Toutefois, si le GCSMS doit permettre d’éviter la fusion des structures et du personnel ainsi que du statut collectif et des conventions collectives, il demeure que la direction générale de la cohésion sociale a fixé à ce stade le GCSMS comme porteur de l’autorisation du service à domicile.
Gageons que la réforme puisse être précisée rapidement dans ses modalités pratiques d’application afin que les structures concernées puissent, sereinement, enclencher le processus de transformation en services autonomie.