La question des retraites est au cœur de l’actualité : la Première ministre a reçu les chefs des groupes parlementaires, son ministre du Travail a entamé des concertations avec les organisations syndicales. Une réforme d’ampleur des retraites est envisagée, avec pour horizon l’été 2023, intégrant notamment la volonté de relever l’âge légal de départ à la retraite et de supprimer les régimes spéciaux.
Le dossier reviendra sur les notions de départ à la retraite et de mise à la retraite en analysant notamment les conditions, les formalités et les indemnités de rupture inhérentes à ces deux mécanismes. Des règles applicables actuellement, avant toute réforme.
Un salarié peut choisir de partir volontairement à la retraite lorsqu’il est en droit de bénéficier d’une pension de retraite. A ce jour, l’âge légal à partir duquel un salarié peut prendre sa retraite est fixé à 62 ans pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1955 (code de la sécurité sociale [CSS], art. L. 161-17-2).
Toutefois, en l’état des dispositions actuelles, il existe des exceptions permettant à certains salariés se trouvant dans des situations spécifiques de partir à la retraite avant l’âge de 62 ans. C’est le cas :
• des salariés bénéficiant d’une carrière longue, c’est-à-dire ceux ayant commencé à travailler et à cotiser avant l’âge de 20 ans. Ils doivent avoir cotisé un nombre minimal de trimestres fixé en fonction de leur année de naissance, et avoir acquis en début de carrière un nombre minimal de trimestres d’assurance (CSS, art. L. 351-1-1 et D. 351-1-1 à 351-1-13) (voir tableau ci-contre) ;
• des salariés en situation de handicap pour lesquels des aménagements spécifiques sont prévus (CSS, art. L. 351-1-3). Ils peuvent partir à la retraite de façon anticipée à condition d’avoir acquis un nombre minimal de trimestres d’assurance retraite dont un nombre minimal de trimestres cotisés fixé en fonction de leur année de naissance) (voir tableau 16).
De surcroît, pendant toute la durée d’assurance et toute la durée cotisée, le salarié doit être atteint d’un taux d’incapacité permanente d’au moins 50 % ou bénéficier de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) pour les années antérieures à l’année 2016 ;
• des salariés atteints d’une incapacité permanente au minimum égale à 10 % à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle (CSS, art. L. 351-1-4).
A noter : Le départ à la retraite résulte de la volonté claire et non équivoque des salariés. En d’autres termes, ils ne doivent pas avoir été contraints notamment par leur employeur. Dans le cas contraire, la rupture du contrat de travail s’analyserait comme un licenciement et pourrait être contestée devant la juridiction compétente.
L’employeur a la possibilité de mettre un salarié à la retraite :
• à partir de l’âge à compter duquel il peut bénéficier d’une retraite à taux plein et jusqu’à son 69e anniversaire. L’accord du salarié est obligatoire.
• à compter de son 70e anniversaire sans avoir besoin d’obtenir préalablement son accord.
Lorsque le départ à la retraite est à l’initiative du salarié, il n’y a pas de formalisme particulier. Toutefois, il convient d’être extrêmement vigilant et de vérifier si des conditions particulières sont fixées par la convention collective applicable dans la structure. En l’absence de dispositions conventionnelles précises, il est vivement recommandé au salarié d’exprimer par écrit sa volonté de partir à la retraite.
Ce courrier permet, d’une part, d’acter de l’initiative du salarié et, d’autre part, de la date de départ envisagée. En effet, le salarié qui demande à partir à la retraite est tenu de respecter un préavis dont la durée est identique à celui prévu pour le licenciement (code du travail [C. trav.], art. L. 1237-10).
Pour mémoire, la durée du préavis est fixée conformément aux dispositions figurant dans le contrat de travail, la convention collective ou, à défaut, les dispositions légales. Le salarié doit prévenir son employeur suffisamment tôt afin de pouvoir réaliser son préavis.
A noter : Lorsqu’un salarié décide de partir à la retraite de façon volontaire, il est également tenu de prévenir les administrations. Il doit informer Pôle emploi et se déclarer auprès de l’assurance retraite de la sécurité sociale, mais aussi auprès du système de retraite Agirc-Arrco via un formulaire unique sur le site « info-retraite.fr ».
Lorsqu’un salarié a atteint 67 ans ou 65 ans dans certains cas extrêmement particuliers, par exemple dans l’hypothèse d’une personne en situation de handicap, l’employeur peut l’interroger, 3 mois avant la date de son anniversaire, sur son intention de quitter volontairement la structure pour bénéficier d’une pension de retraite (C. trav., art. L. 1237-5).
Pour des questions de preuve, la demande doit être réalisée par écrit et adressée par lettre recommandée avec accusé de réception. Le salarié dispose ensuite d’un délai de 1 mois pour faire connaître sa décision à son employeur (C. trav., art. L. 1237-5 et D. 1237-2-1).
En cas de réponse positive du salarié, l’employeur est en droit de prononcer une mise à la retraite du salarié. Si le salarié répond négativement, l’employeur ne peut prononcer une mise à la retraite mais est en droit de renouveler sa demande jusqu’au 69e anniversaire du salarié dans les conditions précitées (notamment respect du délai de 1 mois et demande écrite).
A noter : Les stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail et d’un contrat de travail prévoyant une rupture de plein droit du contrat de travail d’un salarié en raison de son âge ou du fait qu’il serait en droit de bénéficier d’une pension de vieillesse, également appelées clauses « couperet », sont nulles (C. trav., art. L. 1237-4).
Par ailleurs, le législateur n’impose pas à l’employeur de notifier la mise à la retraite par lettre recommandée avec accusé de réception comme tel est le cas pour un licenciement individuel. Toutefois, pour des questions de preuve et afin d’éviter toute difficulté ultérieure, il est conseillé de notifier une mise à la retraite du salarié dans un courrier écrit expédié par lettre recommandée avec accusé de réception. Pour mémoire, il convient d’être extrêmement vigilant avec la procédure et de bien vérifier l’existence ou non de dispositions conventionnelles spécifiques. En effet, une convention collective nationale pourrait prévoir des modalités spécifiques de mise en œuvre et notamment l’envoi d’un courrier recommandé.
Lorsqu’un salarié décide de partir à la retraite ou lorsqu’il est mis à la retraite par son employeur, il est tenu de respecter un préavis (C. trav., art. L. 1237-6 et L. 1237-10).
Pour le départ à la retraite, comme la mise à la retraite, la durée du préavis est égale, sauf disposition conventionnelle plus favorable, au préavis applicable en cas de licenciement.
Pour mémoire, les dispositions légales inhérentes au préavis sont les suivantes (C. trav., art. L. 1234-1) :
• si le salarié justifie d’une ancienneté comprise entre 6 mois et moins de 2 ans, le préavis est égal à 1 mois ;
• si le salarié justifie d’une ancienneté d’au moins 2 ans, le préavis est de 2 mois.
Ces dispositions légales ne sont applicables que si la convention ou l’accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d’ancienneté plus favorable pour le salarié (C. trav., art. L. 1234-1).
Conformément aux dispositions légales, tout salarié qui quitte volontairement la structure dans laquelle il exerce afin de bénéficier d’une pension de vieillesse peut prétendre à une indemnité de départ à la retraite (C. trav., art. L. 1237-9). Le montant de l’indemnité est au moins égal à (C. trav., art. D. 1237-1) :
• 0,5 mois de salaire après 10 ans d’ancienneté ;
• 1 mois de salaire après 15 ans d’ancienneté ;
• 1,5 mois de salaire après 20 ans d’ancienneté ;
• 2 mois de salaire après 30 ans d’ancienneté.
Afin de calculer l’indemnité de départ à la retraite, il convient de prendre en considération, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, la moyenne des salaires des 12 derniers mois précédant le départ à la retraite ou la moyenne des 3 derniers mois. Dans cette dernière hypothèse, toute prime ou autre élément de salaire annuel ou exceptionnel qui aura été versé au salarié pendant cette période est pris en compte à due proportion (C. trav., art. D. 1237-2).
L’indemnité fixée par le code du travail est une indemnité minimale, ce qui signifie que si des dispositions conventionnelles particulières prévoient une indemnité supérieure, l’employeur sera tenu de verser au minimum l’indemnité conventionnelle.
A titre d’exemple, la convention collective nationale de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile prévoit des dispositions spécifiques supérieures aux indemnités légales. Ainsi, le montant de l’indemnité de départ à la retraite est fixé dans les conditions suivantes :
• 0,5 mois de salaire après 5 ans d’ancienneté ;
• 1 mois de salaire après 10 ans d’ancienneté ;
• 1,5 mois de salaire après 15 ans d’ancienneté ;
• 2 mois de salaire après 20 ans d’ancienneté ;
• 2,5 mois de salaire après 25 ans d’ancienneté ;
• 3 mois de salaire après 30 ans d’ancienneté.
Les salariés mis à la retraite bénéficient également d’une indemnité (C. trav., art. L. 1237-7). Son montant est au moins égal à l’indemnité de licenciement (C. trav., art. L. 1237-7).
Pour mémoire, l’indemnité de licenciement légale ne peut être inférieure à (C. trav., art. R. 1234-2) :
• 1/4 mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à 10 ans ;
• 1/3 mois de salaire par année d’ancienneté pour les années à partir de 10 ans.
Le salaire à prendre en compte pour le calcul de l’indemnité est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, soit la moyenne des 12 derniers mois, soit la moyenne des 3 derniers mois. Dans cette dernière hypothèse, il convient de prendre en compte toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période dans la limite d’un montant calculé à due proportion (C. trav., art. R. 1234-4).
A noter : Pour les salariés ayant occupé un poste à temps complet et à temps partiel au sein d’une même structure, les indemnités de départ à la retraite et de mise à la retraite doivent être calculées proportionnellement aux périodes d’emploi accomplies selon l’une et l’autre de ces deux modalités depuis l’entrée du salarié dans la structure (C. trav., art. L. 3123-5). Il convient donc de proratiser les périodes travaillées à temps plein et les périodes travaillées à temps partiel afin de reconstituer l’indemnité due.
L’indemnité de mise à la retraite prévue par les dispositions légales est une indemnité minimale, des dispositions conventionnelles peuvent être plus favorables au salarié. Dans cette hypothèse, l’employeur devra, au minimum, verser l’indemnité prévue par les dispositions conventionnelles.
Le code du travail protège certains salariés investis d’un mandat contre la rupture de leur contrat de travail (C. trav., art. L. 2411-1 et suivants). La liste des salariés protégés est fixée par le législateur et comprend notamment les membres élus à la délégation du personnel du comité social et économique (CSE), les délégués syndicaux ou encore les représentants de proximité.
De jurisprudence constante, la Cour de cassation rappelle que la procédure spécifique et protectrice en cas de rupture du contrat de travail est une procédure exorbitante du droit commun et s’applique à tout type de rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur.
A noter : La Cour de cassation estime que lorsque le salarié dispose d’un mandat extérieur à l’entreprise (ex. : un mandat de conseiller prud’homal), le salarié bénéficie d’une protection uniquement si ce mandat a préalablement été porté à la connaissance de l’employeur. S’il n’est pas averti, le salarié ne peut se prévaloir du statut protecteur attaché à ce mandat (Cass. soc., 14 septembre 2012, n° 11-21307).
Un employeur qui souhaite mettre à la retraite un salarié protégé est tenu de respecter la procédure spécifique de rupture du contrat de travail et de le convoquer à un entretien préalable (CE, 4e et 5e sous-sections réunies, 17 juin 2009, n° 304027). Les modalités de convocation à l’entretien préalable doivent respecter les dispositions légales, à savoir un délai minimal de 5 jours entre la réception de la convocation et la date de l’entretien. De surcroît, l’employeur est tenu de soumettre la rupture du contrat de travail du salarié protégé à l’avis du CSE lorsque ce dernier est requis. Pour mémoire, la consultation du CSE s’impose uniquement dans les structures de 50 salariés et plus, sauf si elle est prévue par un accord collectif, comme l’a confirmé le Conseil d’Etat dans un avis du 29 décembre 2021. En revanche, la consultation du CSE n’est pas nécessaire lorsque le projet de rupture du contrat de travail concerne un délégué syndical ou un représentant de la section syndicale. Par ailleurs, le Conseil d’Etat est venu préciser que l’employeur n’est pas tenu de respecter les règles spécifiques de procédure issues d’un accord collectif si ce dernier ne précise pas expressément que la procédure est applicable à la mise à la retraite (CE, 13 février 2019, n° 403890).
Après avoir mené l’entretien préalable et, lorsque cela est nécessaire, avoir consulté le CSE, l’employeur peut ensuite solliciter l’autorisation de l’inspection du travail. Le rôle de l’inspecteur du travail est de vérifier que les conditions légales inhérentes à la mise à la retraite ont été respectées et que la procédure de mise à la retraite ne présente aucun lien avec le ou les mandats détenus par le salarié. L’inspecteur du travail procède alors à une enquête contradictoire au cours de laquelle il entend de façon individuelle l’employeur comme le salarié (C. trav., art. R. 2421-4). L’inspecteur du travail dispose d’un délai de 2 mois à compter de la réception de la demande pour formuler sa décision. A défaut de réponse au-delà de ce délai, sa décision vaut rejet (C. trav., art. R. 2421-4).
La mise à la retraite du salarié protégé ne peut intervenir qu’après autorisation expresse de l’inspecteur du travail. A défaut, la Cour de cassation considère que la mise à la retraite s’analyse comme un licenciement nul.
A noter : Cette procédure spécifique n’est applicable qu’en cas de mise à la retraite. Lorsqu’un salarié choisit de partir volontairement à la retraite, soit de sa propre initiative, il n’est pas nécessaire de solliciter l’autorisation de l’inspecteur du travail.