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Travailleurs sociaux et précaires

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Paradoxe ultime, alors que la pauvreté s’accroît, les professionnels du secteur social et médico-social, qui assurent le bon fonctionnement des missions de solidarité nationale, se trouvent eux-mêmes dans des situations précaires. Si la paupérisation de ces métiers n’est pas nouvelle, elle s’accentue et inquiète fortement.

« Récemment, nous avons aidé une professionnelle qui dormait dans sa voiture sur le parking de l’Ehpad. » Cette phrase prononcée par Sophie Péron, directrice générale de l’association Hovia et coprésidente du Groupement national des directeurs généraux d’associations (GNDA), lors d’une conférence en octobre 2021 sur l’attractivité des métiers, est toujours empreinte de la même gravité un an plus tard. « Malheureusement, la situation qui était déjà préoccupante ne va pas en s’améliorant, rapporte aujourd’hui la directrice générale. Nous avions identifié cette jeune femme par hasard, mais je pense que beaucoup de personnes dans la précarité le cachent. On ne vient pas de façon spontanée dire à son employeur : “Je n’y arrive plus”. » Preuve s’il en fallait que le contexte est alarmant, la partie émergée de l’iceberg devient pourtant de plus en plus visible. La coprésidente du GNDA est loin d’être la seule à apporter ce type de témoignages, particulièrement dans les grandes métropoles. « Les responsables de secteur nous remontent des cas d’auxiliaires de vie dormant dans leur voiture », révèle Anne Lauseig, présidente du collectif national La Force invisible des aides à domicile. « Certains de nos professionnels vivent en camping ou dans un camping-car, explique de son côté Julien Bernet, directeur général d’Hapogys, une association girondine spécialisée dans l’accompagnement des personnes en situation de paralysie cérébrale. Des directions d’établissement se transforment en agences immobilières. Elles passent des coups de fil, tentent de trouver des réseaux pour aider nos salariés à trouver des logements. »

Autres indicateurs, les saisies sur salaire sont plus fréquentes et le nombre de demandes d’acompte observé par les directions augmente. « Ce type d’avance sur salaire est très courant dans notre champ, constate Anne Lauseig, soulignant qu’il s’agit d’un “système pervers”. Lorsque quelqu’un demande un acompte, cela devient ensuite récurrent. On n’en sort difficilement. » Les salariés souhaitent par ailleurs que leurs heures supplémentaires soient rémunérées plus rapidement. « Avec les syndicats, nous avons trouvé une organisation évitant le système de modulation à l’année, indique Claude Guittin, directeur du champ “soin et handicap” à la Sauvegarde des Yvelines. Un chef de service peut désormais décider que les heures supplémentaires sont payées au mois le mois et pas seulement à la fin de l’année. »

Plusieurs emplois

Pour parvenir à joindre les deux bouts, de plus en plus de professionnels cumulent les emplois. En dépassant parfois la durée légale de travail, ils tentent d’exercer leur profession dans d’autres structures la nuit ou les week-ends, avec à la clé épuisement et arrêts. L’intérim et l’auto-entrepreneuriat, en proposant des conditions de travail plus flexibles et de meilleures conditions de rémunération, créent un appel d’air important. « Pour essayer de mieux gagner leur vie, un certain nombre de nos éducateurs renoncent au salariat, témoigne Claude Guittin. Cela met en péril nos projets associatifs, car ces personnes, en passant par le statut d’auto-entrepreneur ou par l’intérim, ne font pas équipe de la même façon. »

Depuis plusieurs années, le secteur pointe un décalage entre le contexte économique et les conventions collectives qui régissent les droits des salariés. Ces textes prévoient en effet des grilles de rémunération dont les premiers échelons sont parfois devancés par le salaire minimum. « Le Smic brut a augmenté de 63,5 % entre 2000 et 2021 alors que dans le même temps la valeur du point de la convention 66 n’a augmenté que de 12,35 %, illustre Julien Bernet. Il est important de contextualiser, car souvent on parle des derniers mois, mais cela fait plus de vingt ans que l’on constate une dégradation des conditions salariales. »

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