C’est la fin programmée d’une longue « guerre contre la drogue », en particulier contre le cannabis, qui avait été déclarée sous l’ère de la prohibition dans les années 1930. A New York, où l’ancien maire Rudolf Giuliani, artisan de la politique de la tolérance zéro avait envoyé des milliers de consommateurs et vendeurs de cannabis en prison, il s’agit même d’une véritable révolution. Eric Adams, le nouvel édile démocrate, a lancé mi-août le programme « Cannabis NYC », vantant une « initiative unique en son genre pour soutenir la croissance équitable de cette nouvelle industrie ».
Les autorités new-yorkaises entendent ainsi favoriser la réinsertion sociale et économique en accordant la priorité d’accès aux licences d’exploitation et de vente de cannabis à des anciens détenus, de préférence issus des minorités noires ou hispaniques. Soit une discrimination positive poussée à son paroxysme, et censée réparer une partie des ravages sociaux provoqués par cette même « guerre contre la drogue ».
« Cannabis NYC plantera les graines de l’économie de demain en aidant les New-Yorkais à obtenir des licences et à comprendre comment ouvrir et gérer avec succès une entreprise », s’est encore réjoui Eric Adams, avant d’ajouter : « Il s’agit de créer de bons emplois, de réussir dans les petites entreprises, et enfin d’assurer l’équité dans les communautés lésées par les erreurs du passé. » Soit une approche largement axée sur le « business », influencée par le « capitalisme diversitaire » aujourd’hui défendu par la plupart des grandes entreprises aux Etats-Unis. Car les bénéfices de cette nouvelle « industrie » pourraient financer des programmes sociaux, notamment dans l’aide et le soutien aux toxicomanes.
Le changement constant de législation – laquelle peut varier d’un Etat à l’autre mais aussi différer en fonction des villes ou des comtés – représente un sérieux défi pour les travailleurs sociaux dans l’accompagnement des usagers de cannabis. « Pour compliquer encore la situation, certains employeurs, entreprises et organismes sociaux interdisent à leurs employés de consommer de la marijuana », même prescrite pour un usage médical, relève Allan Barsky, professeur en éthique du travail social, dans les colonnes du magazine The New Social Worker. « Du point de vue de l’éthique, comment les travailleurs sociaux peuvent-ils aider les usagers à naviguer dans les différents systèmes et législations, lorsque l’usage médical du cannabis peut être interdit par les lois fédérales, celles d’autres Etats et pays, et même être interdit par les organisations pour lesquelles ils travaillent ou les écoles où ils se rendent ? », s’interroge-t-il.
La réponse courte est le « consentement éclairé », explique le professeur en s’appuyant sur le code de déontologie publié par l’Association nationale des travailleurs sociaux (NASW) : « Comme pour toute forme d’aide, [ils] doivent s’assurer que les usagers soient informés des avantages et des risques potentiels (physiques, psychologiques, juridiques et sociaux), ainsi que des problèmes susceptibles de survenir au sein de leur famille et sur leur lieu de travail. […] Bien que les travailleurs sociaux ne prescrivent pas de cannabis à usage médical, ils peuvent être impliqués dans l’aide à la prise de décision sur son utilisation et sur la façon de maximiser les avantages de la marijuana tout en réduisant les risques. »