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Les mineures dans l’angle mort du système

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Au sein de la population carcérale, les mineures représentent une part infime. Si leur sort intéresse les autorités, les conditions ne sont pas toujours réunies pour leur permettre de recevoir un accompagnement spécifique.

Depuis le 1er janvier dernier, 66 mineures ont fait un séjour en prison(1). Une goutte d’eau dans l’univers pénitentiaire, largement dominée par la présence masculine. « Le nombre de jeunes filles détenues est tellement microscopique que nous disposons globalement de très peu d’informations sur elles. C’est un problème parce que cela ne permet pas d’organiser une prise en charge spécifique, même si je comprends la difficulté des autorités à pouvoir proposer un accompagnement sur mesure pour un si petit nombre d’individus », concède Kim Reuflet, présidente du Syndicat de la magistrature. Individus qui, dans les faits, pâtissent en premier lieu d’une répartition très inégale de structures dédiées pouvant les accueillir.

Une mixité difficile à gérer

Car si les sept établissements pour mineurs (EPM) sont en théorie habilités à le faire, seuls trois s’y conforment en pratique. Motif avancé : la complexité à gérer la mixité. « S’ils sont pensés comme tels, la configuration des locaux ne permet pas toujours d’assurer leur sécurité, notamment la journée, quand les filles doivent se déplacer,, observe Candice Daghestani, magistrate détachée auprès du CGLPL (Contrôleur général des lieux de privation de liberté). Dans les faits, on se rend compte qu’elles peuvent vraiment être importunées » De même qu’elles peuvent l’être quand elles sont affectées au sein de l’une des quatre unités spéciales d’un établissement pour femmes majeures. Et ce, bien que la loi fixe un principe de stricte séparation entre majeures et mineures afin de garantir un nombre minimal d’interactions. « A Nantes, où j’ai exercé comme juge pour enfants pendant dix ans, lorsque les filles sont envoyées en détention, elles partent en direction du centre de détention pour femmes de Rennes, où la séparation mineures-majeures n’est pas toujours assurée, affirme la présidente du Syndicat de la magistrature. C’est très ennuyeux non seulement en termes d’accès limité aux activités, mais aussi face au risque important d’influences défavorables ou de violences physiques et morales qu’elles pourraient subir de la part d’adultes. »

Le constat est le même du côté du CGLPL qui, à travers ses rapports et ses comptes rendus de visites, fait régulièrement remonter des dysfonctionnements de ce type aux autorités. « Il est vrai que cela demande aux structures plus d’aménagements particuliers dans l’organisation des emplois du temps, mais nous ne pouvons pas admettre que ces mineures ne puissent pas bénéficier d’un accès à des activités et à un enseignement adapté, tel que le reçoivent ceux qui sont détenus dans les EPM, s’offusque Candice Daghestani. Pour ces jeunes filles, en l’occurrence, c’est la double peine. »

L’éloignement des proches

Dans les EPM, en effet, l’intervention conjointe des équipes de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et de l’Education nationale favorise, du moins sur le papier, « une prise en charge pluridisciplinaire et un emploi du temps construit et individualisé, dans une perspective de réinsertion et de prévention de la récidive ». Par ailleurs, des propositions visant à tenir compte des besoins spécifiques des jeunes filles leur sont aussi faites, avec un accès, par exemple, à des consultations gynécologiques ou à des activités en matière de bien-être physique et psychique, de prévention du risque prostitutionnel ou en lien avec la maternité.

« Dans les EPM, les filles sont largement bien prises en charge, confirme Stéphanie Candela, éducatrice pendant huit ans à l’EPM de Meyzieu (Rhône). La principale difficulté demeure néanmoins l’éloignement d’avec leurs proches qui rend complexe le maintien des attaches familiales. » Pour la résoudre, des initiatives existent. En Rhône-Alpes-Auvergne, par exemple, l’EPM s’est doté il y a quelques années d’une maison des familles où sont réalisés les entretiens avec les éducateurs. « Le travail avec les proches en a grandement été amélioré. Ceux-ci peuvent désormais décompresser avant et après le parloir avant de repartir chez eux, parfois à plusieurs centaines de kilomètres », se réjouit Stéphanie Candela. Se généralisent également des parloirs en visioconférence, ainsi qu’une réflexion plus globale autour de nouvelles modalités d’accueil des familles telles que la mise en place de temps de parloir plus longs.

Le ministère de la Justice, quant à lui, indique avoir intégré cette problématique dans les futures constructions d’établissements. Reste à savoir si ces derniers seront disposés à accueillir des jeunes filles, aussi peu nombreuses soient-elles.

Notes

(1) Source : ministère de la Justice.

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