Le petit faisait du bruit, et sa mère essayait désespérément de le faire taire. Lui, il était excédé, il fronçait les sourcils et faisait de grands gestes. C’était important, ce coup de fil, il y avait peut-être un contrat à la clé. Il leur avait demandé pourtant, cinq minutes, juste cinq minutes de calme. Mais le gamin voulait jouer aux petites voitures, il les faisait rouler par terre, sur la chaise, sur la table, à grands coups de « vroum » et de « bim bam boum ». Il lui a demandé du calme, une fois, deux fois, trois fois. Il n’y a pas eu de quatrième. La gifle est partie, il a continué son appel dans le calme. « Une gifle, c’est éducatif », c’est ce que lui a toujours répété son père. Chez eux, c’est presque une tradition familiale.
Il était fatigué. Il avait travaillé non-stop depuis ce matin, et elle, qu’avait-elle fait de sa journée ? A part s’occuper des enfants, faire un peu de ménage et préparer le repas, elle ne devait pas être débordée. Ah ça, elle avait la belle vie ! Elle avait du temps libre, une grande maison, un bon mari et des enfants pas trop pénibles. Et elle osait encore se plaindre ? Il n’était pas d’humeur à l’écouter geindre, il avait juste envie de manger dans le calme et de se caler devant une série, et ses atermoiements sur les enfants à coucher, la vaisselle à finir et le reste, non merci, pas pour lui ! Il lui a demandé de se taire, une fois, deux fois. Il n’y a pas eu de troisième. Le coup est parti, elle s’est tue, et il s’est installé devant la télé. « Une p’tite mandale, ça fait pas d’mal », et ça ne sort pas de la maison.
Le repas était bien arrosé. Et comme à chaque fois qu’ils avaient bu, ils se disputaient. Souvent, ça partait de presque rien. Une parole déplacée, un regard de travers. Et puis l’escalade, les insultes, les cris, le poing qui tape sur la table, son regard effrayé, encore des insultes. Lui qui se lève, imposant, et elle qui recule, apeurée. Il a menacé, une fois.
Il n’y a eu pas de deuxième. Le coup est parti. Une torgnole pour une bricole. « Oui, mais elle me cherche aussi, elle me fait sortir de mes gonds », s’est-il justifié auprès de son frère. Qui a acquiescé.
C’était un homme important, avec des responsabilités et une certaine notoriété. Bien né et bien entouré, il avait su se faire une place auprès des grands, des hommes qui lui ressemblaient et qui partageaient la même insouciance de ceux qui ne craignent rien. Mais dans l’intimité du foyer, il était un autre. Des gifles, des mandales, mais sa femme se taisait. Jusqu’au coup de trop.
Sa femme a parlé, mais les hommes ont fait bouclier. « C’est un bon fils, un bon frère, un bon collègue. C’est quelqu’un de bien et de respectable. C’est une histoire privée qui n’a rien à faire dans le débat public. Cette histoire va nuire à sa carrière. Sa femme veut forcément obtenir de l’argent. Et puis elle n’avait qu’à porter plainte… »
Parfois, l’épouse se tait et le silence s’installe. Parfois, non.