Les enfants nés en Syrie de parents français n’ont pas de droit au rapatriement, juge la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), dans un arrêt rendu le 14 septembre 2022. La juridiction était saisie par quatre parents de jeunes femmes qui s’étaient rendues avec leurs conjoints en Syrie sur le territoire contrôlé par l’Etat islamique. Sur place, ces familles avaient donné naissance à des enfants, et depuis des mois, les grands-parents demandaient aux autorités françaises leur rapatriement. Face au silence du ministère chargé des affaires étrangères et des juridictions administratives, ils avaient saisi la CEDH.
Dans son arrêt d’une centaine de pages, la Cour commence par refuser de consacrer un droit général au rapatriement. Cela étant posé, elle s’octroie toutefois le droit de vérifier si, en cas de circonstances exceptionnelles, l’Etat offre suffisamment de garanties contre les décisions arbitraires. Un principe qu’elle déduit du droit d’entrée des nationaux dans leur pays, garanti par le protocole n° 4.
En l’espèce, la Cour conclut à l’existence de circonstances exceptionnelles, du fait de « l’existence d’un risque d’atteinte à l’intégrité physique et à la vie des proches des requérants, en particulier celles de leurs petits-enfants ». Une démonstration en six points, qui prend notamment en compte les conditions de vie dans les camps en Syrie.
La Cour considère ensuite que « le rejet d’une demande de retour présentée dans le contexte litigieux doit pouvoir faire l’objet d’un examen individuel approprié, par un organe indépendant et détaché des autorités exécutives de l’Etat, sans pour autant qu’il doive s’agir d’un organe juridictionnel ». Or en l’espèce, l’exécutif a notamment manqué de transparence dans le processus décisionnel, relève la Cour. Et même devant les juridictions, le recours a été impossible. La CEDH en conclut que « l’examen des demandes de retour effectuées par les requérants au nom de leurs proches n’a pas été entouré de garanties appropriées contre l’arbitraire ».
L’Etat est condamné à verser 31 200 € requérants et devra organiser méticuleusement l’examen administratif des demandes de rapatriement. En lire plus sur ash.tm.fr.
CEDH, 14 septembre 2022, nos 24384/19 et 44234/20, H.F. et autres c/ France.