Dans un arrêt rendu le 8 septembre dernier, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) sanctionne la France pour avoir collecté et conservé abusivement une donnée relative à l’orientation sexuelle d’une personne qui souhaitait donner son sang.
C’était en novembre 2004. L’homme se rend dans un site de collecte de l’Etablissement français du sang (EFS). Lors de l’entretien médical préalable, refusant de dire s’il a déjà eu un rapport sexuel avec un autre homme, sa candidature au don est rejetée. L’EFS compile les données dans un fichier en renseignant une contre-indication au nom de code « FR08 », qui, à l’époque, s’appliquait aux hommes ayant eu une relation homosexuelle.
Deux ans plus tard, en août 2006, l’intéressé revient au site de collecte, mais il est à nouveau exclu du don : le code « FR08 » lui est, en effet, encore attaché. Il dépose plainte pour discrimination, dénonçant non seulement les refus à ses deux candidatures au don de sang, mais également le référencement par l’EFS de ses supposées pratiques homosexuelles. Il ira jusqu’à la Cour de cassation mais la justice française le déboute en tous points. En mai 2016, il tente une nouvelle fois, en vain, de donner son sang(1).
Devant la CEDH, l’intéressé invoque notamment l’article 8 de la Convention, qui garantit le droit au respect de la vie privée et familiale. Il soutient que la collecte et la conservation des données relatives à son orientation sexuelle ont été contraires aux exigences posées par cet article.
La Cour souligne d’abord que le requérant s’est vu appliquer une contre-indication propre aux hommes ayant eu une relation homosexuelle, alors qu’il avait refusé de répondre à la question relative à sa sexualité. Pour la Cour, ces données « se fondaient sur de simples spéculations et ne reposaient sur aucune base factuelle avérée ». En fait, l’Etablissement français du sang aurait pu simplement garder la trace du refus de répondre aux questions. Cet élément aurait pu justifier, à lui seul, un refus de candidature au don du sang, précise la CEDH.
La Cour souligne ensuite qu’aucune disposition n’encadrait suffisamment, à l’époque, la durée de conservation des données relatives à l’orientation sexuelle. Au moment de la collecte, l’outil informatique de l’établissement prévoyait une conservation jusqu’en 2278. Une durée manifestement excessive sanctionnée par la CEDH.
La France a été condamnée à verser 12 000 € au requérant, dont 9 000 € pour frais et dépens, et 3 000 € pour dommage moral.
(1) Les homosexuels sont autorisés à donner leur sang, sans période d’abstinence, depuis le 16 mars 2022 (arrêté du 11 janvier 2022, NOR : SSAP2201186A, J.O. du 13-01-22).
CEDH, 8 septembre 2022, nos 3153/16 et 27758/18, Drelon c/ France.