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Panique

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Son mari l’a quittée. Un jour, comme ça. La crise de la quarantaine peut-être, une envie de tout changer, le boulot, la cravate, les gamins, et sa femme en passant. Il est parti sans rien prendre avec lui, et elle est restée là, dans cette maison trop grande avec ses enfants trop petits. Panique. Elle a consacré tant d’années à son mari et à leurs enfants qu’elle peine à remplir son CV, mais le conseiller Pôle emploi a su lui redonner de l’espoir.

« Vous vous êtes occupée de vos enfants, et le premier est encore suivi pour son TDAH (trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité). Vous avez donc une expérience qui peut être largement valorisable pour prétendre à un poste d’AESH (accompagnant des élèves en situation de handicap) ».

Petit contrat, petit salaire. Alors elle compte et recompte, rogne un peu sur ceci et beaucoup sur cela. Le caddie premier prix, moins de viande et plus de sauce, et des pâtes, plein, parce que ça va avec tout. Des pâtes au beurre, des pâtes au fromage et des pâtes à l’eau. Du richement au chichement, la chute est rude, mais elle ne se résigne pas. Et pourtant, elle le sait, c’est bien la fin de l’abondance.

Il pensait son avenir tout tracé. Son diplôme en poche, il trouverait très vite un emploi, on manquait de monde dans son secteur, on le lui avait assez dit. Un CDD pour commencer, un deuxième peut-être pour gagner en expérience, et bientôt le précieux sésame, le CDI. Il se voyait déjà, avec sa douce, dans leur petit chez-eux, se racontant leur journée de travail. Il lui parlerait de ses élèves, des progrès de l’un et de la découverte de l’autre, et les profs. Aaaaah ! les profs, et les réunions qui n’en finissaient pas, mais il y avait tant de choses à dire, tant de choses à faire. Elle lui raconterait l’autre côté de la rue, la boulangerie en face de l’école, les parents pressés du matin et les enfants joyeux du soir. Tout lui semblait si simple, si évident. Mais rien ne se passe comme prévu. Panique. Les contrats se suivent et les enfants ne se ressemblent pas, quelques heures ici et là, une deux trois écoles, quatre cinq six élèves. Il apprend, s’adapte, s’épuise, recommence, encore et encore, toujours plus pour presque rien, et ses rêves de sérénité sont loin, si loin, trop loin. Aujourd’hui, il le devine, c’est la fin des évidences.

Il n’était pas vraiment inquiet. Il y a une solution à tout, lui répétait toujours son père, et s’il n’y a pas de solution, c’est qu’il n’y a pas de problème. Et en effet, il y avait toujours eu une solution. Parfois en dernière minute, in extremis, un peu bancale mais potable. Mais cette année, rien ne se passe comme prévu. Pas d’AESH à la rentrée, pas assez d’heures pour la semaine, et aucune solution pour les temps périscolaires. « Pas de personnel, pas de budget », lui répètent inlassablement le directeur, ses parents et la voisine. « Pas de bras, pas de chocolat », lui susurre la petite voix moqueuse de son imagination. Panique. Comment fera-t-il en cours, tous les jours ? Et pour la cantine ? Et pour tout le reste ? Un problème sans solution, ça n’existe pas dirait son père, et pourtant… Cette année, il le pressent, c’est la fin de l’insouciance.

Et de circonstances en conséquences, triste mouvance d’une rentrée sans confiance.

La minute de Flo

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