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Les droits familiaux des couples homosexuels

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Le 4 août dernier marquait le 40e anniversaire de la dépénalisation de l’homosexualité en France. Au fil des réformes, les couples homosexuels se sont vu reconnaître des droits accordés aux couples hétérosexuels. Les changements juridiques en la matière permettent d’organiser la vie à deux des couples d’hommes ou de femmes en leur donnant le droit de fonder une famille.

Grâce à l’évolution de la société, la situation des personnes lesbiennes ou gays a beaucoup changé. Des étapes importantes ont été franchies par la loi du 4 août 1982 visant la dépénalisation de l’homosexualité et par celle du 25 juillet 1985 dans le cadre de la lutte contre les discriminations liées à l’orientation sexuelle. Dans le même ordre d’idées, la transidentité n’a plus été considérée comme une maladie mentale depuis 2010(1).

Le droit de la famille a été réformé à de nombreuses reprises pour accorder aux couples de personnes de même sexe, avec ou sans enfant, une place de plus en plus conséquente.

En droit civil, l’accent a été mis sur la conjugalité et la vie familiale avec des réformes qui conduisent à la reconnaissance des couples de même sexe. Une importante avancée en la matière vise le droit accordé aux couples de femmes par la loi dite « bioéthique » du 2 août 2021 de faire ensemble des démarches pour devenir mères en recourant à l’assistance médicale à la procréation (AMP). Elle a ensuite été complétée par la loi du 21 février 2022 permettant aux personnes homosexuelles non mariées de devenir co-parents par la voie de l’adoption.

Grâce à ces réformes, les personnes de même sexe peuvent maintenant choisir de fonder une famille. Plus largement, dans le cadre de la lutte contre l’homophobie, leur liberté de vivre en couple – au départ hors mariage, puis en choisissant la voie du mariage – a été totalement reconnue. Fonder une famille, c’est aussi devenir parents, et là encore les textes ont été modernisés afin de permettre aux couples de même sexe d’élever des enfants commun, en organisant leurs droits et devoirs de manière équivalente, y compris lorsque l’enfant est procréé par un seul membre de ce couple.

I. Reconnaissance de la vie en couple des personnes homosexuelles

La loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité (Pacs) reconnaissait le couple formé par deux hommes ou deux femmes qui vivaient en concubinage (code civil [C. civ.], art. 515-8) ou décidaient de conclure un pacte civil de solidarité (Pacs) (C. civ., art. 515-1).

Pour autant, ni le concubinage ni le Pacs n’étaient fondateurs d’une famille au sens juridique du terme. Pour que la relation entre deux hommes ou deux femmes entraîne des liens familiaux, il a fallu attendre la loi dite « mariage pour tous » du 17 mai 2013.

A. Couples de personnes de même sexe non mariées

Jusqu’en 1999, si la situation des personnes homosexuelles avait évolué, leur vie à deux n’était nullement reconnue et, si elles vivaient sous un même toit en union libre, les droits accordés parfois aux concubins ne leur étaient pas transposés. Elles invoquaient leur vie maritale, mais faute pour elles d’avoir le droit de se marier, cette situation n’était pas reconnue en jurisprudence. Depuis la loi du 15 novembre 1999, visant spécialement les couples de même sexe, les lesbiennes et les gays ont la possibilité de voir reconnaître leur union civile, union sous forme de concubinage s’ils ne font aucune démarche spécifique ou grâce à la conclusion d’un Pacs.

1. Le concubinage

Le concubinage ou union libre se caractérise par une vie commune, stable et continue, qui n’entraîne d’engagement de la part des concubins, ni sur le plan juridique, ni sur le plan financier. Cette union de fait qui vise à la fois des personnes de sexe différent ou de même sexe (C. civ., art. 515-8) repose sur l’existence de relations sexuelles et d’une communauté de vie.

Les concubins restent totalement indépendants car ils ne sont soumis à aucune obligation réciproque et l’un et l’autre peuvent mettre fin à leur vie à deux à tout moment. En effet, le concubinage ne crée aucun lien juridique entre eux et chacun assume ses propres dettes.

De plus, si un seul des concubins est titulaire du bail d’habitation, l’autre n’a aucun droit. Il pourra juste, en cas de décès de son partenaire ou encore en cas d’abandon du domicile, demander au propriétaire le transfert du bail à son profit. Enfin, les concubins n’héritent jamais automatiquement l’un de l’autre car la loi ne les intègre pas dans les héritiers ab intestat. Pour transmettre leurs biens à leur compagnon, ils peuvent anticiper par des donations ou rédiger un testament qui peut être révoqué à tout moment.

Faisant entrer le concubinage dans le code civil et autorisant officiellement le concubinage homosexuel, la réforme de 1999 a permis de consolider ces couples non mariés. Avant ce changement législatif, en effet, en évoquant la vie maritale, on accordait certaines prérogatives à des concubins, mais précisément pas à ceux de même sexe. Pour bénéficier de certains avantages, il fallait que les concubins aient décidé de vivre comme des époux, mais puisqu’il était interdit aux couples de personnes de même sexe de se marier, ils étaient écartés : ils avaient ainsi été privés des avantages accordés au personnel d’Air France et du bénéfice des assurances maladie et maternité (Cass. soc., 11 juillet 1989, nos 85-46008 et 86-10665). La Cour de cassation précisait à l’époque que le concubinage ne pouvait résulter que d’une « relation stable et continue ayant l’apparence du mariage donc entre un homme et une femme » (Cass. civ. 3e, 17 décembre 1997, n° 95-20779). La loi du 15 novembre 1999 a donné aux concubins homosexuels les mêmes droits qu’aux concubins hétérosexuels.

2. Le Pacs

L’apport essentiel de la loi du 15 novembre 1999 est d’avoir instauré le pacte civil de solidarité. Elle a ainsi donné aux couples d’hommes ou de femmes le droit d’officialiser leur union en s’engageant par un contrat qui organise leur situation patrimoniale (C. civ., art. 515-1). En effet, s’ils sont majeurs (le concubinage, quant à lui, est possible avant 18 ans), ils peuvent se rendre à la mairie ou chez un notaire dans le but d’aménager leur vie commune en concluant un Pacs par une déclaration conjointe (C. civ., art. 515-3).

Contrairement au concubinage, le Pacs est mentionné sur les actes d’état civil.

Le contenu de la convention est libre, mais le Pacs crée certaines obligations entre les partenaires qui s’engagent à une vie commune ainsi qu’à une aide matérielle proportionnelle aux facultés respectives de chacun et à une assistance réciproque, obligations légales impératives qui peuvent être complétées à leur guise par les couples. A l’égard des tiers, ils sont solidaires des dettes contractées pour les besoins de la vie courante et cotitulaires du droit au bail. Le Pacs permet surtout aux partenaires d’opter pour le régime de leurs biens et de clarifier leur situation. Selon les cas, ils peuvent choisir le régime de la séparation des patrimoines, les biens acquis par l’un ou l’autre demeurant sa propriété exclusive, ou le régime de l’indivision visant tous les biens acquis pendant la vie commune.

En cas de décès de l’un d’entre eux, bénéficiant d’un droit temporaire au logement, le partenaire survivant peut habiter gratuitement pendant 1 an dans le logement commun, même s’il appartenait au défunt (si le bien est loué, les loyers sont mis à la charge de la succession). La loi prévoit aussi que s’il se retrouve en indivision avec les héritiers du défunt, le partenaire survivant peut demander l’attribution préférentielle du logement, c’est-à-dire la propriété exclusive, mais il lui revient alors d’indemniser les héritiers, notamment les descendants.

Comme les concubins, les partenaires ne sont pas héritiers l’un de l’autre mais, là encore, ils peuvent anticiper. Si les partenaires ne sont pas des héritiers ab intestat l’un de l’autre comme le sont les époux – depuis la loi du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant –, ils peuvent prévoir la transmission de leur patrimoine entre eux par un testament. En la matière, une avancée importante a été opérée par la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (loi Tepa), le régime fiscal du Pacs ayant été rapproché de celui du mariage : comme les époux, ils sont totalement exonérés de droits de succession.

Si le concubinage et le Pacs ouvraient des perspectives nouvelles aux personnes homosexuelles, ils ne leur donnaient pas le droit d’être parents, faute de pouvoir envisager une adoption conjointe ou l’adoption de l’enfant de leur partenaire avant la réforme mise en place pour tous les couples non mariés par la loi du 21 février 2022 visant à réformer l’adoption.

B. Mariage de personnes de même sexe

Depuis la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, ces époux fondent désormais une famille et entrent chacun dans la famille de l’autre.

1. Le droit à deux hommes ou deux femmes de se marier

Le mariage désignant l’union d’un homme et d’une femme selon une décision du Conseil constitutionnel du 28 janvier 2011 2011 (C. const., 28 janvier 2011, n° 2010-92 QPC), il a fallu attendre la loi dite « mariage pour tous » pour accorder à un couple homosexuel le droit de se marier.

La loi du 17 mai 2013 permet à deux personnes de même sexe de contracter mariage (C. civ., art. 143) et de fonder une famille. Le mariage peut être célébré en France même si l’un des deux partenaires est originaire d’un pays qui prohibe une telle union (C. civ., art. 202-1).

Les personnes lesbiennes ou gays qui font le choix du mariage accèdent au statut conjugal lié à l’union matrimoniale. Elles sont ainsi membres d’une même famille, peuvent porter le même nom si le conjoint opte pour le nom d’usage (C. civ., art. 225-1, modifié par la loi n° 2022-301 du 2 mars 2022), hériter l’un de l’autre en étant héritier réservataire si le couple n’a pas d’enfant et ce, sans droit de mutation à payer depuis 2007, bénéficier d’une pension de réversion en cas de décès du conjoint et de la protection du logement conjugal, entre autres.

2. Le droit de rester marié malgré un changement de sexe conduisant à créer un couple de deux femmes ou de deux hommes

La situation des personnes transsexuelles a également été affectée par l’évolution législative. Désormais, lorsque des personnes transgenres ont obtenu le droit de changer de sexe, elles peuvent demeurer mariées avec leur époux qui a conséquemment le même sexe qu’elles.

Lorsque, à la suite d’un traitement médico-chirurgical suivi dans un but thérapeutique, une personne présentant le syndrome du transsexualisme a pris une apparence physique la rapprochant d’un autre sexe que son sexe d’origine, elle peut obtenir le changement légal de son sexe, à savoir la modification de la mention de son sexe dans les actes d’état civil (C. civ., art. 61-5) et de son prénom. Le cadre juridique du changement de sexe a été assoupli par la loi du 18 novembre 2016 car la demande de réassignation sexuelle n’est pas réservée aux personnes qui ont subi une opération chirurgicale ou une stérilisation (C. civ., art. 61-6).

Le couple fondé par la personne transgenre n’est toutefois pas affecté par le changement de sexe. D’une part, l’intéressé peut parfaitement rester marié avec une personne de l’un ou l’autre sexe depuis que le mariage est possible entre des personnes homosexuelles (C. civ., art. 143), l’existence d’un mariage antérieur n’étant pas un obstacle à sa demande de changement de sexe. D’autre part, une fois la modification du sexe accueillie par les juges, la personne transgenre peut se marier avec une personne des deux sexes (CEDH, gde ch., 11 juill. 2002, aff. 28957/95, Goodwin c/ Royaume-Uni) ou se remarier si son premier conjoint a demandé le divorce.

A noter : Les fiancés doivent faire preuve de franchise à propos de leur identité sexuelle car, sinon, une action en nullité pour erreur sur les qualités essentielles de la personne pourrait être intentée ultérieurement (C. civ., art. 180, al. 2).

Avec la réforme de 2013, les couples de personnes de même sexe, y compris les couples au départ hétérosexuels mais affectés par le changement de sexe du conjoint ou concubin, sont autorisés à vivre librement à deux. Ils peuvent aussi envisager, d’une part, de fonder une famille en donnant naissance à des enfants ou en les adoptant et, d’autre part, de la conserver malgré un changement de sexe.

II. Reconnaissance de la vie familiale des personnes homosexuelles, parents d’un même enfant

Pendant longtemps, les familles homoparentales n’étaient pas reconnues et l’adoption homoparentale était interdite(1).

La loi du 17 mai 2013 a ouvert l’adoption aux couples de personnes de même sexe. Pour autant, ils ne pouvaient recourir à la procréation médicalement assistée (PMA), réservée aux couples hétérosexuels pouvant se prévaloir de raisons médicales. Dès lors, dans un couple de même sexe, l’un des membres ne pouvait pas faire une demande de manière isolée et, même en se mariant, les époux ne remplissaient pas les conditions pour obtenir une assistance médicale à la procréation (AMP) avec donneur. Ce point a évolué finalement :

• avec la loi du 2 août 2021 qui permet aux couples de femmes de devenir parents d’un même enfant grâce à l’AMP avec donneur. La gestation pour autrui étant interdite, les couples d’hommes ne sont pas concernés ;

• puis avec la loi du 21 février 2022 qui permet dorénavant aux couples non mariés d’adopter.

L’accès à cette homoparenté permet de reconnaître le statut juridique des parents homosexuels et de leur donner des droits effectifs et égaux par rapport à un enfant né d’un projet parental commun ou adopté, par le jeu de l’exercice de l’autorité parentale.

A. Devenir parents légaux

Les réformes successives ont permis de faire de la personne qui vivait aux côtés d’un enfant qui n’était pas le sien – appelé parent d’intention ou parent social – un parent légal. Si l’adoption est réservée aux couples homosexuels mariés, tous les couples de femmes vivant en concubinage ou ayant conclu un Pacs peuvent désormais porter un projet parental commun grâce aux techniques de procréation médicalement assistée.

1. L’adoption

Par principe, pour des raisons d’orientation sexuelle, il était impossible de songer à une procréation au sein des couples de même sexe, un enfant devant naître de la rencontre d’une gamète mâle et d’une gamète femelle.

Depuis 2013, la seule possibilité pour les personnes en couple de même sexe désirant devenir parents était l’adoption simple ou plénière, sous réserve d’être mariées. Selon les cas, elles optaient pour une demande d’adoption à deux ou, si l’un des deux membres était déjà parent, déposaient en justice une requête d’adoption de l’enfant du conjoint.

La loi du 17 mai 2013 avait expressément exclu qu’un lien de filiation puisse être établi à l’égard de deux personnes de même sexe, si ce n’est par l’adoption plénière ou simple (C. civ., art. 6-1). Le législateur ne prévoyait en effet ni jeu de la présomption de paternité en cas de mariage entre deux hommes, ni possibilité que deux femmes ou deux hommes reconnaissent le même enfant (C. civ., art. 320), ni recours à l’acte de notoriété établissant une possession d’état (Cass. civ. 1re, 7 mars 2018, n° 17-70039).

Loi du 21 février 2022 ouvre l’adoption aux couples non mariés, dont les couples de même sexe. Les couples en concubinage ou ayant conclu un Pacs sont autorisés désormais à adopter ensemble un enfant ou à adopter l’enfant de leur concubin ou partenaire (procréé ou adopté de manière isolée) (C. civ., art. 343, art. 356 et 357). Dans le dernier cas, le parent d’intention devienne un parent légal. Il pourra exercer l’autorité parentale conjointement avec son concubin ou son partenaire et l’enfant héritera de lui.

La nouvelle loi assouplit les conditions relatives aux adoptions simples et plénières (C. civ., art. 343) :

• elle a modifié les seuils d’âge. Pour mener à bien un projet adoptif, désormais, il suffit que les membres du couple aient chacun 26 ans (au lieu de 28 ans) ;

• elle a abaissé la durée de communauté de vie requise à 1 an (au lieu de 2 ans). La preuve de leur communauté de vie est à rapporter par tous moyens pour les concubins, quant aux partenaires ils peuvent présenter leurs actes de naissance sur lesquels est mentionnée la date du Pacs.

Après des démarches à l’étranger

Il n’y a pas suffisamment d’enfants adoptables en France et, à l’étranger, de nombreux Etats refusent l’homoparenté. Pour contourner ces difficultés, de nombreux couples de même sexe se sont longtemps tournés vers l’étranger pour obtenir soit un don de gamètes, soit une gestation pour autrui (GPA).

Pour tenir compte de l’intérêt de l’enfant né de ces démarches, la jurisprudence a évolué. Ainsi, même si la GPA reste interdite en France, la Cour de cassation a confirmé que si elle respecte le droit du pays dans lequel s’est rendu un couple, la transcription complète de l’acte de naissance indiquant les deux pères d’intention comme parents juridiques est possible (Cass. civ. 1re, 18 novembre 2020, n° 19-50043 ; Cass. civ. 1re, 13 janvier 2021, nos 19-17929 et 19-50046). La jurisprudence a aussi autorisé une procédure d’adoption lorsque des couples de femmes ont fait le choix d’une AMP avec tiers donneur à l’étranger ou lorsque des couples d’hommes ont obtenu la naissance d’un enfant en utilisant la GPA à l’étranger, dans un pays qui validait le processus (Cass. civ. 1re, 7 juillet 2021, nos 20-10721 et 20-10722 ; Cass. civ. 1re, 4 novembre 2020, nos 19-50042 et 19-15739).

Dans ce cas, l’époux du père biologique pouvait faire une demande d’adoption et une fois l’enfant né, l’épouse de la femme qui avait procréé pouvait tenter d’obtenir l’adoption de l’enfant mais cette voie n’était pas ouverte aux couples non mariés. Dès lors, leur seule alternative était de recourir à la délégation de l’autorité parentale au concubin ou au partenaire qui n’avait pas procréé l’enfant ou ne l’avait pas adopté (C. civ., art. 377).

La loi bioéthique du 2 août 2021 a ouvert, jusqu’au 3 août 2024 la possibilité aux couples de femmes ayant eu recours à une PMA avec donneur avant son entrée en vigueur de régulariser la situation en signant devant notaire une reconnaissance conjointe établissant le lien de filiation de l’enfant à l’égard de ses deux mères. Toutefois il peut arriver que le couple soit séparé ou soit en désaccord, si bien que la démarche ne peut pas être commune. La loi du 21 février 2022 relative à l’adoption (art. 9) permet à la femme qui a porté le projet parental avec celle qui accouché de devenir mère adoptive en ce cas, même sans son accord. Le tribunal prononcera l’adoption s’il estime que le refus de la reconnaissance conjointe est contraire à l’intérêt de l’enfant et si la protection de ce dernier l’exige. Néanmoins cette possibilité ne vise ni les femmes n’ayant pas suivi la voie de la procréation médicalement assistée ni les couples ayant eu recours à une gestation pour autrui.

2. L’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes

La nouvelle réforme bioéthique accorde aux couples de même sexe, mais uniquement aux femmes homosexuelles, la possibilité de devenir parents ensemble. La loi prévoit le remboursement par l’assurance maladie des frais liés à l’assistance médicale à la procréation, aux femmes célibataires et aux couples formés de deux femmes.

Ouvrant l’accès à l’AMP avec donneur aux couples de femmes, mariées ou non (CSP, art. L. 2141-2), tout en précisant qu’on ne saurait tenir compte « de l’orientation sexuelle des demandeurs », la loi leur offre la possibilité de devenir les mères d’un même enfant dès la naissance. Puisqu’on ne recourt plus à l’adoption, elle met les deux femmes à égalité alors qu’auparavant, il fallait que la mère biologique et légale autorise l’adoption par son épouse.

A noter : Cette dernière ne pourra plus changer d’avis par la suite, la filiation maternelle étant établie dès le projet parental.

Les femmes portant un projet d’AMP doivent établir devant notaire une reconnaissance conjointe de l’enfant avant sa naissance (C. civ., art. 342-10 et 342-11), si bien que la double maternité est établie immédiatement si l’enfant naît vivant et viable. La reconnaissance est remise à l’officier d’état civil et la double maternité est indiquée dans l’acte de naissance.

Pour les enfants issus d’une AMP à l’étranger avant la publication de la loi, l’article 6, IV du texte prévoit que durant les 3 années à venir, le couple de femmes est habilité à faire devant notaire « une reconnaissance conjointe de l’enfant dont la filiation n’est établie qu’à l’égard de la femme qui a accouché ». Il ne s’agit pas forcément de la mère biologique car la loi autorise le double don de gamètes (CSP, art. L. 2141-3).

B. Élever les enfants communs

Alors que la situation des parents d’intention était complexe, les réformes successives ont abouti à la consolidation des droits des parents de même sexe. En adoptant un enfant ou en obtenant le droit de faire une reconnaissance conjointe après un don de sperme, le membre du couple de même sexe qui n’a pas procréé devient un parent à part entière et se voit reconnaître les mêmes droits que l’autre, en se mariant ou hors mariage. Les réformes ont aussi consolidé l’existence des familles monoparentales, Marlène Schiappa, ministre déléguée à la citoyenneté, ayant fait savoir qu’à compter du 1er mars 2022, les formulaires d’état civil ne doivent plus faire référence aux « père et mère », afin d’inclure les familles homoparentales.

En outre, une fois la filiation établie, le fait que l’un des parents change de sexe ne vient plus modifier les droits des deux parents.

1. Les nouveautés concernant les couples de femmes

Avec la réforme de 2021, l’établissement de la filiation maternelle découle de la reconnaissance conjointe du couple de femmes devant un notaire (C. civ., art. 342-10), car lors d’un don de sperme, elles doivent lui donner préalablement leur consentement. Dès lors, une double filiation est établie par la mention dans l’acte de naissance du nom de la femme qui a accouché (C. civ., art. 311-25) et la reconnaissance conjointe pour la seconde mère (C. civ., art. 342-11).

Les deux mères sont à égalité, ayant les mêmes droits et les mêmes devoirs vis-à-vis de l’enfant issu de leur projet parental commun. Elles doivent notamment s’accorder sur le nom du nouveau-né (C. civ., art. 342-12 issu de la loi de 2021 et précisé par le décret n° 2022-290 du 1er mars 2022, J.O. du 2-03-22).

Une autre avancée notable pour les familles homoparentales découle d’un arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) à propos d’un couple de femmes, l’une de nationalité bulgare et l’autre britannique vivant en Espagne où elles se sont mariées en 2018 et qui ont eu une fille en 2019. Considérant que la Bulgarie a violé les droits fondamentaux de l’enfant né d’un couple de femmes en refusant de lui délivrer une carte d’identité, la Cour exige que les Etats membres de l’Union européenne reconnaissent le lien de filiation entre l’enfant et les deux membres du couple homosexuel (CJUE, 14 décembre 2021, n° C-490/20).

Par ailleurs, la seconde mère est à présent sécurisée, alors qu’auparavant elle avait souvent été écartée quand le couple de femmes se séparait. En effet, tant que l’adoption n’avait pas été prononcée, ce qui était impossible s’il n’y avait de mariage ou si l’on n’obtenait pas l’accord de la mère de naissance, de nombreuses femmes ayant porté à deux un projet parental et même élevé l’enfant ont été privées de droit de visite, les liens avec l’enfant étant coupés.

Précisément, quand la mère légale s’opposait au maintien des relations des enfants avec son ex-épouse ou ex-compagne, cette dernière n’avait aucun droit parental et il fallait tenter la piste de l’article 371-4 du code civil pour obtenir un droit de visite. Dans un tel contexte, le juge tenait compte de l’intérêt de l’enfant (voir en ce sens, CEDH, 12 novembre 2020, aff. 19511/16, Honner c/France). Il était souvent relevé que lui imposer des rencontres avec la femme en conflit avec sa mère risquait d’être fort déstabilisant pour lui et le droit de visite était refusé quand bien même la demanderesse avait porté le projet parental avec la femme qui avait accouché (Cass. civ. 1re, 7 juillet. 2021, n° 19-25515 : rejet du droit de visite pour un enfant élevé pendant 18 mois ; adde Cass. civ. 1re, 24 juin 2020, n° 19-15198). Elle n’était que parent d’intention ou parent social, sachant que le fait d’élever un enfant ne crée pas de droits et que l’autorité parentale n’appartient qu’aux parents légaux, si bien qu’une demande de délégation d’autorité parentale est aussi rejetée (Cass. civ. 1re, 31 mars 2021, n° 19-19275).

Désormais, lorsqu’un enfant sera né grâce à un don de sperme, les femmes en couple auront l’une et l’autre la qualité de mères, l’homoparenté découlant de la loi nouvelle, ce qui consolide les droits de l’épouse ou compagne de la parturiente. Cela évitera à la France d’être à nouveau condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme au vu de la place accordée par les juridictions françaises à une mère d’intention, privée du maintien de relations avec un enfant élevé par un couple de femmes (CEDH, 7 avril 2022, aff. 2338/20, Callamand c/France).

Lors de la séparation, aucune différence ne sera faite entre la mère biologique et l’autre femme et, en raison du maintien de la coparentalité (C. civ., art. 373-2), il faudra opter pour la résidence alternée ou habituelle chez l’une d’elles et organiser pour l’autre un droit de visite et d’hébergement, tout en prévoyant le versement d’une pension alimentaire. Il ne sera alors plus nécessaire de recourir à l’article 371-4 du code civil en cas de rupture du couple.

Par ailleurs, la loi sécurise la situation de l’enfant car, dans le droit antérieur, en pareil cas, le décès du parent légal de l’enfant était très problématique, le parent d’intention ou parent social, non titulaire de l’autorité parentale, n’avait aucune légitimité à élever le petit orphelin.

2. Le maintien des droits parentaux des parents transgenres

Un changement de sexe ne vaut que pour l’avenir et il est dépourvu d’effet sur les filiations déjà établies. Dès lors, comme l’a rappelé la Cour européenne des droits de l’Homme, il est discriminatoire de mettre fin au droit de visite d’une personne transgenre à l’égard de ses enfants et cela porte atteinte au droit de la requérante au respect de sa vie familiale. Elle a condamné la Russie car les juridictions russes se sont fondées sur l’identité de genre pour refuser à la requérante, homme devenu femme après sa réassignation sexuelle mentionnée à l’état civil, le droit de maintenir des relations avec ses enfants (CEDH, 6 juillet 2021, aff. 47220/19, A. M. et autres c/Russie).

Dans un couple composé de deux femmes, qu’il s’agisse dès le départ de deux femmes ou que l’homme ait changé de sexe, les parents sont à égalité et la coparentalité doit être maintenue en cas de séparation. En conséquence, les arguments de l’ex-épouse qui s’opposait aux visites de la requérante auprès de leurs enfants, affirmant que ces visites leur causaient un préjudice psychologique, ne peuvent pas être pris en compte car elle ne le démontre pas. Dans le même esprit, la CEDH a jugé que la transidentité n’oblige pas les Etats à modifier les actes de naissance (CEDH, 17 février 2022, aff. 74131/14, Y c/Pologne).

Les parents de même sexe ont des droits égaux, y compris si c’est parce que l’un d’entre eux a bénéficié d’une réassignation sexuelle (une mère transgenre a récemment obtenu le droit d’être désignée dans l’acte de naissance de son enfant : CA Toulouse, 9 février 2022, n° 20/03128). Ces différentes jurisprudences sont concordantes, elles tendent toutes à consolider les droits des couples de même sexe dans le but de fonder une famille ou de la conserver.

Repères juridiques

• Loi n° 82-683 du 4 août 1982 abrogeant les dispositions pénalisant les relations homosexuelles dans le code pénal, J.O. du 5-08-82.

• Loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre social (introduisant des dispositions protégeant les personnes contre les discriminations liées à leurs mœurs), J.O. du 26-07-85.

• Loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité, J.O. du 16-11-99.

• Loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, J.O. du 18-05-13.

• Loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique, J.O. du 3-08-21.

• Loi n° 2022-219 du 21 février 2022 visant à réformer l’adoption, J.O. du 22-02-22.

• Décret n° 2010-125, 8 février 2010 qui retire « les troubles précoces de l’identité de genre » de la liste des affections psychiatriques, J.O. du 10-02-10.

CEDH : protéger les couples homosexuels

La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), toujours très sensible au statut du couple homosexuel, a rappelé que chaque Etat reste libre de choisir la forme la plus appropriée pour enregistrer les unions homosexuelles mais qu’il faut accorder aux couples la possibilité de faire reconnaître officiellement leurs relations (CEDH, 13 juillet 2021, aff. n° 40792/10, Fedotova et autres c/ Russie). Elle a ainsi condamné la Russie pour ne pas avoir fourni aux intéressés « un cadre juridique leur permettant de faire reconnaître et protéger leurs relations », ce qui aboutit à ne pas assurer le respect de leur vie privée et familiale. Les Etats peuvent restreindre l’accès au mariage, mais les couples de même sexe doivent pouvoir bénéficier d’une reconnaissance légale et d’une protection de leur union.

Non retenus dans la loi « bioéthique »

Lors du vote de la loi bioéthique, toutes les revendications des couples de personnes de même sexe n’ont toutefois pas été entendues. Certaines femmes auraient aimé être impliquées ensemble dans la naissance et tel aurait été le cas si l’on avait prélevé l’ovocyte de l’une d’elles pour l’implanter dans l’utérus de l’autre. Le législateur a toutefois refusé que l’une porte l’enfant procréé avec l’ovocyte de l’autre, interdisant la réception de l’ovocyte par la partenaire (Ropa). Les couples d’hommes n’ont pas non plus été entendus car il aurait fallu accepter le recours à des mères porteuses, ce qui reste strictement interdit.

De plus, si les femmes seules peuvent aussi obtenir un don de sperme, les veuves ne peuvent pas devenir mères, la loi n’autorisant pas les inséminations artificielles ou les fécondations in vitro post mortem (C. civ., art. 342-10, al. 3).

Enfin, les femmes devenues hommes après un changement de sexe, tout en ayant conservé leurs capacités gestationnelles, ont été écartées par la loi du 2 août 2021, le point de vue du législateur ayant été conforté par le Conseil constitutionnel (C. const., 8 juillet 2022, n° 2022-1003 QPC), saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité le 16 mai 2022 par le Conseil d’Etat. Pour le Conseil constitutionnel, l’article L. 2141-2 du code de la santé publique excluant l’ouverture de la PMA aux hommes transgenres n’est pas contraire à la Constitution, le législateur pouvant régler autrement des situations différentes.

Notes

(1) Décret n° 2010-125 du 8 février 2010, J.O. du 10-02-10.

(1) La jurisprudence avait bien autorisé une personne homosexuelle à devenir parent adoptif (CE, 9 octobre 1996, n° 168342, Fretté). Mais, bien que vivant en couple, son partenaire n’avait aucun droit sur l’enfant, l’adoption étant prévue uniquement pour les époux et le mariage réservé aux couples hétérosexuels. Tout au plus les couples non mariés pouvaient-ils utiliser la voie de la délégation d’autorité parentale.

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