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Quand l’élite descend dans les quartiers

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Depuis 2010, le projet Démos initie gratuitement des enfants de familles défavorisées à la musique classique. L’idée : rompre avec le déterminisme social.

La musique classique et symphonique ne s’adresse pas uniquement à un public de milieu aisé prédéfini. C’est le leitmotiv du dispositif d’éducation musicale et orchestrale à vocation sociale (Démos), initié en 2010 par la Philharmonie de Paris. Encadrés par des professionnels de la musique et du social, des enfants de 7 à 12 ans n’ayant jamais pratiqué d’un instrument et issus de quartiers relevant de la politique de la ville (QVP) ou de zones de revitalisation rurale (ZRR) suivent des ateliers hebdo­madaires et intègrent un orchestre durant trois années. Mis en place au départ en Ile-de-France, le projet s’est étendu depuis à une cinquantaine de dispositifs déployés sur tout le territoire, et 10 000 bénéficiaires y ont déjà eu accès.

« Dans la plupart des projets de démocratisation culturelle, les initiateurs ont le sentiment d’apporter de l’instruction à des personnes qui n’en ont pas. Ils négligent leur culture propre. C’est une erreur car ils passent ainsi à côté de beaucoup de choses », pointe Gilles Delebarre, directeur de Démos. En se saisissant du travail qu’ils opèrent avec les enfants, les travailleurs sociaux des 200 structures engagées visent aussi à inclure les familles dans le projet pour le voir rayonner sur le quartier, et participer ainsi au sentiment de fierté des habitants, parfois inexistant. Une ambition qui tient à l’implication des professionnels, dont la liberté d’agir à l’échelle locale s’avère assez large.

Par exemple, à Clermont-Ferrand, les musiciens du conservatoire et de l’orchestre national d’Auvergne se déplacent. Chaque semaine, les répétitions ont lieu dans les maisons de quartiers et une réunion au conservatoire est prévue toutes les six semaines. « Pour travailler sur les patrimoines culturels, nous incluons les familles, qui nous font découvrir des chants. Depuis l’automne dernier, nous avons produit quatre chansons avec les musiciens du conservatoire et les parents des enfants », indique Rachid Boumlassa, coordinateur du programme de réussite éducative (PRE) de la ville de Clermont-Ferrand, qui travaille avec Démos depuis six ans. Cerise sur le gâteau, au mois de juin dernier, 23 familles ont pu partir en séjour à l’océan et leurs enfants se produire au conservatoire des Sables-d’Olonne.

Autre exemple : en Seine-et-Marne, les six premiers mois, les enfants ne disposent pas d’instrument et ne sont pas obligés d’apprendre le solfège, ce qui évite les blocages. « Ils découvrent d’abord le chant, la danse, leur corps et le rythme. Ils choisissent ensuite un instrument, qui leur est remis lors d’une cérémonie pour une durée de trois ans. Les élèves ramènent donc l’instrument à domicile, et cela les responsabilise », témoigne Alice Pretzner, référente sociale pour les villes de Mitry-Mory et de Villeparisis dans l’orchestre Démos Roissy Pays de France.

Des bénéfices tangibles

Les effets du dispositif interviennent rapidement : médiations culturelles et sociales facilitées, inclusion, confiance en soi, meilleure concentration et mieux vivre ensemble. « Une étude sur les enfants ayant participé au projet il y a dix ans montre que Démos a fait exploser les frontières sociales. Ils acquièrent une forme d’aisance qui les rend beaucoup plus souples et agiles sur la place qu’ils occupent dans la société », précise Gilles Delebarre. Côté budget, les dotations sont partagées entre les ministères de la Culture et de l’Education nationale, celui chargé de la Ville, les collectivités territoriales, les caisses d’allocations familiales et les mécènes. L’expertise de terrain des travailleurs sociaux s’avère indispensable pour repérer et recruter les jeunes candidats. « Le contact passe par un directeur d’école sensible à la musique, des travailleurs sociaux, des associations d’aide à la parentalité ou encore un club de boxe. Les démarches diffèrent selon les quartiers », constate Rachid Boumlassa. Si, dans certains territoires, les enfants intègrent les conservatoires locaux dès leur entrée dans le dispositif, des passerelles sont également prévues afin qu’ils puissent, au terme des trois ans, y poursuivre un cursus sans accompagnement social.

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