Aleksandra a « tellement honte ». Honte de dire combien « il est difficile de vivre à 7 dans 70 m2 depuis quatre mois ». Agée de 34 ans, cette expatriée ukrainienne vit à Nice depuis quinze ans. Elle habite un trois-pièces avec son mari et sa fille dans le quartier populaire de Saint-Roch. Depuis le début mars, Aleksandra accueille sa mère ainsi que sa sœur et ses deux enfants. « C’est mon sang. Mais au quotidien, c’est dur. Dur financièrement avec les nouvelles charges matérielles que nous devons assumer. Dur pour l’équilibre de notre famille. Mon mari sature. » confie la jeune femme. Alors que, dans les Alpes-Maritimes, la communauté ukrainienne déjà installée est la plus importante de France, combien sont-ils à ressentir la même difficulté, malgré les liens familiaux ? Et que dire des familles françaises qui accueillent des réfugiés ukrainiens depuis le début de la guerre ?
Sur la Côte d’Azur, plus de 7 000 réfugiés ont trouvé un toit grâce à l’hospitalité des autochtones. Parmi eux, Xavier et Nathalie, propriétaires d’une coquette villa à quelques kilomètres de Nice. Dans le jardin, une blondinette danse pieds nus dans l’herbe, sous le regard de sa mère. Toutes deux sont accueillies ici depuis le 16 mars. « Nous nous sommes inscrits sur une plateforme pour pouvoir ouvrir notre maison à une famille dans le besoin. C’était notre devoir de citoyen », explique le couple. Mais Xavier et Nathalie, l’urgence maintenant passée, aimeraient que les institutions prennent le relais. Ils ont frappé à la porte de leur mairie, en vain. En avril, sentant venir le vent du boulet, le conseil municipal de cette ville de taille moyenne(1) a voté une subvention exceptionnelle de 50 000 € pour le centre communal d’action sociale. En vue, notamment, de « conduire des actions de soutien aux réfugiés ukrainiens ». Mais aucune solution durable n’a été dessinée.
« Nous nous sentons mal, et comme pris au piège. Nous avons logé et nourri ces deux personnes adorables. La petite a pu être scolarisée. Nous avons tendu la main, appliqué nos valeurs du mieux que nous le pouvions. Mais maintenant, l’été est là. Et nous avons l’habitude de louer notre maison pendant la saison, car c’est ce qui nous permet de partir en vacances. » Avoir bon cœur, oui, mais renoncer aux vacances, les valeurs ont leurs limites… D’autant que la moindre bicoque se loue en moyenne 700 € par semaine les mois de juillet et d’août.
Dans les services de la préfecture des Alpes-Maritimes, l’enjeu serait pris au sérieux, avec néanmoins un peu de retard à l’allumage. Des solutions pérennes seraient à l’étude, mais nul doute qu’il faille attendre septembre pour en savoir davantage. Il s’agirait de proposer des points de chute qui permettent l’intégration de ces familles à moyen ou à long terme. Pour les réfugiés, c’est donc un nouveau parcours du combattant qui s’annonce. « Je n’ose même pas imaginer comment nous aurions fait sans cet accueil. Aujourd’hui, rentrer chez nous est inimaginable. Et rester devient chaque jour de plus en plus compliqué. On nous a parlé de Marseille, mais je n’ai pas plus d’informations », s’inquiète une mère de famille originaire de Marioupol.
(1) La commune n’est pas nommée afin de préserver l’anonymat des personnes accueillantes.