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La réduction des risques au cœur du métier

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L’association Eole, spécialisée dans l’hébergement et l’accompagnement des personnes en difficulté sociale, expérimente une démarche de réduction des risques et des dommages liés à l’alcool (RdRDA) au sein de deux de ses centres pour homme seul. Un « changement de paradigme ».

« Il va y avoir un excès de consommation, les gens vont être ivres tout le temps. » A Lille, le directeur adjoint du pôle inclusion sociale, Denis Parmentier, se souvient des inquiétudes formulées par les équipes, les résidents et la direction, lorsque son organisation s’est engagée dans une démarche de réduction des risques et des dommages liés à l’alcool (RdRDA). Le sujet était alors encore très nouveau, les approches d’accompagnement autour de l’alcool, en dehors des démarches « abstinentielles », n’ayant été reconnues par la loi qu’en 2016. « Nous n’avions pas de politique institutionnelle claire sur le sujet. Pourtant, dans certains établissements, 40 % à 50 % des publics hébergés rencontraient des difficultés avec l’alcool. Ces situations pouvaient générer des isolements importants, des problèmes de comportement et même des violences conduisant à des fins d’hébergement. Parfois, nous nous disions : “C’est comme si les personnes étaient accueillies à l’hôpital puis mises dehors parce qu’elles étaient malades” », se rappelle Denis Parmentier.

Accueillir et mettre en sécurité

Eole s’est ainsi lancée dès 2018 dans un travail de recherche intitulé « Addictions, parlons-en ». Une réflexion qui a mis en lumière la position « paradoxale » des équipes vis-à-vis des résidents, face à l’interdiction de consommer des substances psycho-actives. L’association a alors choisi de concentrer ses efforts sur deux de ses établissements les plus en difficulté en la matière, un CHU (centre hospitalier universitaire) et un CHRS (centre d’hébergement et de réinsertion sociale). Trois ans plus tard, de nouveaux financements publics assurent la pérennisation du dispositif. Au-delà d’autoriser la consommation d’alcool dans les chambres – accélérée par la crise sanitaire –, il s’agit « d’accueillir, de mettre en sécurité et de faire en sorte que les personnes puissent, en fonction de leurs besoins, de leurs envies et de leur rythme, envisager ou pas un changement de leur mode de consommation », précise Sylvie Gadeyne, chargée de mission.

Epaulée l’association marseillaise Santé !, qui accompagne les organisations dans leur approche, Eole a fait progressivement évoluer son fonctionnement, pour inscrire « l’esprit et la philosophie » de la RdRDA au cœur de son accompagnement. Des formations, séminaires et groupes d’analyse de la pratique ont été organisés pour les équipes. L’alcool est désormais permis dans les cours extérieures des établissements. Depuis 2021, quelque 26 temps collectifs (anniversaires, barbecues, fêtes de fin d’année…) ont été organisés, encadrés par l’équipe éducative. Les résidents peuvent y boire trois verres d’alcool en parallèle de boissons non alcoolisées. Des « temps conviviaux », pour créer « du lien social », décrit Sylvie Gadeyne. « Contrairement aux craintes, il n’y a pas eu de débordement, la consommation devient même parfois secondaire par rapport à l’intérêt de l’animation », ajoute-t-elle. Des fontaines à eau ont même été installées pour éviter les risques de déshydratation. De nouvelles chartes et la réécriture des règlements sont également en cours d’élaboration, pour que les « changements dans les pratiques viennent aussi s’inscrire dans les documents de fonctionnement ».

De lourds investissements

Mais, en ces temps de crise, Sylvie Gadeyne le reconnaît, de tels changements nécessitent un fort investissement. « La direction doit en faire une priorité, car cela représente beaucoup de temps d’accompagnement au changement », souligne-t-elle. D’autant qu’à ce jour, il n’existe pas encore de référentiel de pratique. « On essaie et on réajuste », précise la chargée de mission. Un rapport commandé par le ministère des Solidarités et de la Santé paru en 2021 autour des expériences menées en matière de réduction des risques et des dommages liés à l’alcool en France, déplorait, pour sa part, le « peu d’évaluations scientifiques réalisées autour des dispositifs ». L’un des objectifs du nouveau financement perçu par Eole sera ainsi justement d’évaluer la démarche. L’enjeu pour les autorités : parvenir à une modélisation des pratiques et construire une expertise. « Pour pouvoir plus facilement la transférer », conclut Denis Parmentier.

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