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« En Ehpad, les équipes sont parfois démunies »

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Face au manque de réflexion autour des troubles liés à l’alcool dans les établissements accueillant des personnes âgées, le gériatre et addictologue Pascal Menecier recommande d’ouvrir le dialogue et d’intégrer cette question, comme toutes les autres, dans le projet de vie personnalisé des résidents.
Pourquoi les problèmes liés à l’alcool chez les personnes âgées restent-ils peu abordés ?

Les freins et les barrières sont liés à plusieurs éléments. Nous travaillons surtout sur des impressions. Nous avons très peu de connaissances sur le sujet, de recherche épidémiologique, de travail quantitatif ou qualitatif pour connaître véritablement l’ampleur du problème. Cette problématique n’attire pas les chercheurs. Ensuite, la question demeure vraiment taboue, avec une représentation négative de la vieillesse, qui tend à considérer que plus on est vieux, plus on s’approche de la mort et moins on embête « ceux qui vont mourir ». Les plus jeunes peuvent aussi être mis en difficulté pour aborder ce sujet considéré comme intime. A 30 ou 40 ans, aller parler de consommation d’alcool avec quelqu’un de 80 ans n’est pas complètement banal. Les professionnels ne se sentent pas toujours à l’aise avec cette image de respectabilité de la vieillesse.

En quoi ce sujet mérite-t-il d’être traité ?

On confond souvent consommation d’alcool et plaisir. On oublie alors que, dans ce qu’on appelle le « trouble de l’usage de l’alcool », il y a plus de souffrance, d’inconfort et de dommages que de plaisir dans la consommation. En termes de qualité de vie, ce n’est pas neutre, notamment pour les femmes. Celles-ci sont de plus en plus nombreuses à développer des problèmes d’alcool tardivement dans leur vie. Et les dispositifs en addictologie tels que les Csapa ne sont pas toujours complètement adaptés à la vieillesse.

Actuellement, quelle est la situation dans les Ehpad ?

Il suffit de discuter avec les équipes. Toutes sont confrontées à des problématiques de résidents qui boivent et tentent de mettre en place une gestion de la situation. Avec plus ou moins de difficultés face à l’absence de référentiels ou de relais. Les quelques études à notre disposition montrent que les troubles de l’usage de l’alcool visent plus de 10 % des personnes résidant en Ehpad, mais c’est très variable d’un endroit à un autre. Des entrées se font de manière plus ou moins dissimulées pour tenter de contrôler ou de juguler un problème d’alcool à domicile, qui n’était alors pas gérable. Inversement, il y a des troubles de l’usage d’alcool non visibles de l’extérieur avant l’entrée en structure peuvent apparaître après 65 ou 75 ans, y compris après une admission en établissement.

Que peuvent faire les professionnels ?

Un raisonnement quantitatif ne prend pas en compte les vulnérabilités ou les maladies liées au vieillissement. Les pathologies neuropsychiatriques au sens large, par exemple, augmentent la fragilité et les conséquences apparentes de l’alcool. Même de toutes petites quantités peuvent avoir leurs conséquences. Dans certains Ehpad, l’alcool est interdit. Mais pour un lieu de vie, cette interdiction ressemble à de la prohibition. Cela se justifie-t-il ? A l’heure actuelle, il existe autant d’Ehpad que d’organisations et de réponses. Le projet de vie individualisé permet cependant de donner un cadre afin que cette question soit pensée. Mais il faut l’anticiper pour qu’une position soit déterminée et construite avec l’équipe puis confrontée aux souhaits des résidents et de leur entourage. Le mésusage de l’alcool doit faire partie intégrante de la routine des préoccupations des établissements. A défaut, les équipes sont parfois démunies, notamment dans les moments les plus fragiles de la journée, en fin d’après-midi ou lors des week-ends, lorsqu’il y a moins de personnel. Or c’est souvent à ces instants-là que doivent se gérer l’alcoolisation aiguë, la chute, le malaise, les troubles du comportement. Aujourd’hui, les objectifs de soins en addictologie évoluent. On est sorti du seul sevrage en intégrant les approches d’éducation du patient, de réduction des risques… Tous ces éléments peuvent être pris en compte pour des personnes âgées qui sont potentiellement rassurées quand l’environnement permet une limitation d’accès à l’alcool.

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