Alors que l’heure des « grandes vacances » a sonné, beaucoup de salariés vont pouvoir profiter de l’été grâce à leurs semaines de congés payés. C’est la loi du 20 juin 1936 qui, pour la première fois, instaure 14 jours de congés payés aux Françaises et aux Français liés à un employeur par un contrat de travail. Mesure emblématique du nouveau gouvernement de gauche, installé à la suite de la victoire du Front populaire aux élections législatives, décidée en même temps que la semaine des 40 heures et les conventions collectives, elle n’est pourtant pas une pure invention de Léon Blum et de ses ministres. Lorsque la France célèbre avec enthousiasme cette avancée, elle rattrape plutôt ses voisins européens qui l’ont déjà mise en place depuis le début du siècle, notamment les pays d’Europe du Nord. La loi de 1936 généralise en outre une pratique déjà ancienne pour certaines catégories de travailleurs : les fonctionnaires bénéficient déjà de congés payés depuis 1853 ! La nouveauté réside donc bien dans la possibilité ouverte à toutes et tous, surtout les plus modestes, d’avoir accès aux loisirs et au repos. Certaines entreprises françaises s’étaient ainsi inspirées du système existant pour les fonctionnaires, à l’instar des employés du métro parisien qui obtiennent 10 jours dès 1900, ou encore de ceux du secteur de la couture dans les années 1920, mais seuls 5 % des ouvriers parisiens des entreprises privées en bénéficient.
Dans l’entre-deux-guerres, les organisations syndicales commencent à faire des congés payés un objet de revendications. Une première grève portant exclusivement sur ce thème est d’ailleurs déclenchée à Paris en 1925, année où un projet de loi sur les congés payés est déposé à la Chambre des députés, sans succès. La question ne retient guère l’attention et peine à s’imposer, surtout au début des années 1930 dans un contexte économique troublé. Culturellement, en outre, il ne rejoint pas complètement les préoccupations des principaux représentants des ouvriers, principalement communistes, pour qui la lutte contre le capitalisme apparaît alors comme un enjeu primordial, tandis que la bourgeoisie craint que les vacances donnent le goût de la paresse et de l’oisiveté aux classes populaires.
Mais le discours médical sur la fatigue, liée à l’essor de la mécanisation et du salariat, rend de plus en plus audible la nécessité de se reposer pour l’hygiène du corps et de l’esprit. Favorisée par le contexte de réformes de 1936, l’apparition des congés payés permet donc aux plus modestes de connaître le plaisir du temps libre, qui donne souvent l’occasion de se retrouver en famille, entre amis, et parfois de retourner pour quelques jours dans sa région d’origine. Après 1936, les octrois d’une troisième (1956), d’une quatrième (1969) puis d’une cinquième semaine de congés payés (1982) complètent l’édifice actuel. Bon été à toutes et tous !