Englobés dans le super ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, le logement et la politique de la Ville sont les parents pauvres du gouvernement « Borne 1 » et de ce début de second quinquennat « Macron ». Une absence de succession claire à des portefeuilles pourtant incontournables, tant le sans-abrisme et le mal-logement restent des phénomènes aussi aigus que structurels, dans une société où pauvreté et précarité augmentent. Alors que le Président marcheur appelait en 2017 à un « choc de l’offre », cinq ans après son arrivée à l’Elysée, on enregistre une baisse patente du nombre de nouveaux logements. Quant à son ambitieux plan baptisé « Logement d’abord », il a manqué de volontarisme, amoindri entre autres par des coupes budgétaires dans les aides personnalisées au logement (APL) et le logement social. Le prix du locatif flambe, pénalisant toujours davantage les plus modestes, et pourtant le nombre de personnes en attente d’une habitation à loyer modéré (HLM) progresse. Il atteindrait actuellement 2,2 millions de ménages.
Si les lois énergie et climat (2019) puis climat et résilience (2021) ont posé un cadre positif pour mieux lutter contre la précarité énergétique, les chiffres de l’accès réel à un habitat digne restent trop bas. Selon le rapport 2022 de la Fondation Abbé-Pierre, la France compte 4 millions de personnes mal logées, dont 300 000 sans domicile, qu’ils vivent dans la rue, dans des bidonvilles ou en hébergement.
Mais la situation est bien plus préoccupante encore, si l’on considère l’ensemble des personnes fragilisées par rapport au logement. En tout, elles sont 12 millions, lorsqu’on prend en compte les locataires dans l’incapacité de payer leurs charges, les ménages modestes vivant en situation de surpeuplement ou ceux qui se retrouvent surendettés en raison du niveau des loyers. Dans le détail, ils sont près de 3 millions à vivre dans des conditions de logement très difficiles, plus de 9 millions à se contenter d’un logement trop petit et 20 000 à supporter un habitat mobile dégradé.
Un bilan médiocre, encore aggravé par les conséquences de la crise sanitaire et du contexte géopolitique. L’augmentation du prix du gaz, inhérente aux sanctions européennes prises contre la Russie, a un impact supplémentaire sur le budget des plus démunis. Et notamment sur les personnes bénéficiant du logement accompagné (résidences sociales, foyers de jeunes travailleurs ou de travailleurs migrants, pensions de famille, etc.), dont le nombre croissant illustre bien la paupérisation de l’ensemble de la société ainsi que l’explosion des prix de l’immobilier.
Véritable fantassin de la philosophie du « Logement d’abord », l’Unafo (Union professionnelle du logement accompagné) a permis à 10 000 personnes – sortant de la rue ou d’un centre d’hébergement – d’accéder à un logement en 2020. Plus largement, 42 % des personnes ayant emménagé dans un logement accompagné vivaient une situation de précarité (fin du bail, expulsion, fin d’hébergement chez un tiers ou rupture familiale). Ses quelque 161 adhérents s’organisent autour des trois piliers de la gestion locative sociale : accueillir les publics en difficulté, leur permettre de se loger et les accompagner pour se maintenir dans ce logement.
Estimant que la feuille de route gouvernementale pour développer la production des résidences sociales, annoncée sous le précédent mandat d’Emmanuel Macron, n’allait pas assez loin, l’Unafo a défini qu’il fallait construire 20 000 logements en résidences sociales, 10 000 en pensions de famille et 80 000 pour les jeunes (foyers de jeunes travailleurs, étudiants, résidences jeunes actifs) d’ici à 2027. Sans oublier d’accélérer le plan de traitement des foyers de travailleurs migrants (PTFTM) au même horizon.
L’union professionnelle attend également un meilleur accès au logement accompagné pour tous, que l’on soit jeune travailleur, travailleur migrant, accidenté de la vie, famille monoparentale, femme victime de violences conjugales ou encore personne âgée autonome à faibles ressources. Pour atteindre cet objectif, il faudrait, selon l’organisation, renforcer les liens entre le logement accompagné et les services intégrés de l’accueil et de l’orientation (SIAO) et promouvoir la place du logement accompagné pour un public vieillissant, de plus en plus dépendant. Estimant que « les professionnels n’ont pas été entendus », Arnaud de Broca, délégué général de l’Unafo, tire la sonnette d’alarme (voir page 11).
L’Unafo a également décidé de donner une visibilité médiatique à cette problématique à travers le « Prix Média Unafo 2022 », un concours primé consacré au logement accompagné et destiné aux journalistes débutants ou étudiants en fin de cycle, âgés de 18 à 25 ans. Partenaires de la première édition, les ASH publient un reportage consacré à la Maison des Thermopyles, à Paris, qui a reçu le premier prix dans la catégorie presse écrite. Cette pension de famille située dans le XIVe arrondissement a permis à Daisy, Sreto et les autres de poser leurs valises dans un logement pérenne après des années de très grande précarité (voir page 8).
Direction Marseille, avec le podcast (à écouter sur notre site) qui a remporté la première place du concours. Il raconte l’histoire des Chibanis, ces travailleurs immigrés – en général d’origine maghrébine – ayant choisi de rester en France au moment de la retraite. Dans les quartiers nord, la résidence sociale Alotra illustre bien la logique du « provisoire qui dure » : certains « cheveux blancs » y vivent depuis plus de vingt ans.
Les lauréats nous font également voyager entre une colocation intergénérationnelle à Metz, où des étudiants bénéficient d’un loyer très modéré en échange de quelques heures de bénévolat auprès de résidents isolés vivant en Ehpad, et une résidence à Savigny-le-Temple (Seine-et-Marne) dans laquelle une médiatrice sociale facilite la transition vers un logement stable pour des jeunes issus de la rue ou demandeurs d’asile.