La loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale a créé le conseil de la vie sociale (CVS), instance visant à largement systématiser la participation des personnes accompagnées au fonctionnement des établissements et services sociaux et médico-sociaux dans une perspective d’un exercice effectif de droits fondamentaux – expression d’attentes, de besoins, prise en compte d’intérêts propres… – et d’une citoyenneté digne de ce nom.
Cette instance consultative, lieu d’échange et d’expression associant usagers, familles et professionnels, n’a plus connu de modification depuis 2005. Un signe que celle-ci a fait ses preuves et montré toute sa pertinence. Pour autant, des besoins de réforme se sont fait ressentir sous l’effet de plusieurs phénomènes contemporains qui se sont conjugués.
D’une part, la notion de « participation » – à l’image de celle d’« inclusion » – n’a de cesse d’avoir le vent en poupe, les exigences ayant monté d’un cran supplémentaire, notamment dans le secteur social et médico-social. D’autre part, il est devenu évident que la crise sanitaire liée au Covid-19 a fragilisé l’instance, que son rôle a alors été globalement exercé en dents de scie, exacerbant un légitime besoin des usagers de faire davantage entendre sa voix.
Enfin, le séisme provoqué par l’affaire « Orpea » a levé le voile sur de graves dysfonctionnements au sein d’établissements, au premier rang desquels les Ehpad, et entraîné débats et réflexions sur la nécessité de renforcer l’expression et une meilleure prise en compte des intérêts des personnes accompagnées.
En réaction, le gouvernement, en lien avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées, vient de réformer l’instance dans le sens d’un renforcement de l’effectivité des droits fondamentaux par le décret n° 2022-688 du 25 avril 2022 portant modification du CVS et autres formes de participation, modifiant le code de l’action sociale et des familles (CASF, art. D. 311-3 à D. 311-32-1). L’entrée en vigueur interviendra le 1er janvier 2023.
Avant le décret, les acteurs devant composer l’instance visaient « 2 représentants des personnes accueillies ou prises en charge ; s’il y a lieu, 1 représentant des familles ou des représentants légaux ; 1 représentant du personnel ; 1 représentant de l’organisme gestionnaire » (code de l’action sociale et des familles [CASF], art. D. 311-5, anc.). Le décret élargit notablement les intervenants à l’instance, et conforte la représentativité de celle-ci puisqu’elle s’ouvre aux associations ou groupements représentant les personnes accompagnées et les familles, ou encore les bénévoles internes au sein de la structure. A compter du 1er janvier 2023, le conseil de la vie sociale comprendra au moins (CASF, art. D. 311-5, I, nouv.) :
• 2 représentants des personnes accompagnées ;
• 1 représentant des professionnels employés par l’établissement ou le service ;
• 1 représentant de l’organisme gestionnaire.
En outre, si « la nature de l’établissement ou du service le justifie », y siègeront également (CASF, art. D. 311-4, II, nouv.) :
• 1 représentant de groupement des personnes accompagnées de la catégorie d’établissement et service social et médico-social (ESSMS) concernée ;
• 1 représentant des familles ou des proches aidants des personnes accompagnées ;
• 1 représentant des représentants légaux des personnes accompagnées dans les ESSMS recevant des enfants mineurs et dans ceux accueillant des majeurs protégés ;
• 1 représentant des mandataires judiciaires à la protection des majeurs (MJPM) dans les établissements et services mettant en œuvre les mesures de protection des majeurs ordonnées par l’autorité judiciaire au titre du mandat spécial auquel il peut être recouru dans le cadre de la sauvegarde de justice ou au titre de la curatelle, de la tutelle ou de la mesure d’accompagnement judiciaire ;
• 1 représentant des bénévoles accompagnant les personnes s’ils interviennent dans l’établissement ou le service ;
• le médecin coordonnateur au sein des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ;
• 1 représentant des membres de l’équipe médico-soignante.
A noter : Le nombre des représentants des personnes accueillies, d’une part, et de leur famille ou de leurs représentants légaux, d’autre part, doit toujours être supérieur à la moitié du nombre total des membres du conseil, le décret n’ayant rien modifié à ce sujet.
Relativement aux questions de composition, le décret réforme en outre les points suivants :
• un alinéa 4 nouveau est créé à l’article D. 311-11. Si la représentation des personnes accompagnées citées ci-dessus ne peut être assurée, 2 représentants de groupements de personnes accompagnées au maximum seront éligibles pour les représenter et la participation des personnes accompagnées devra systématiquement être recherchée ;
• l’article D. 311-6 est abrogé. Actuellement, ce dernier prévoit que l’absence de désignation de titulaires et suppléants ne fait pas obstacle à la mise en place du CVS tant que le nombre de représentants des personnes accueillies et de leurs familles ou de leurs représentants légaux est supérieur à la moitié du nombre total des membres du conseil désignés ;
• l’article D. 311-7, alinéa 1er, est également modifié. Dans le nouveau CVS, lorsque les personnes accueillies seront dans l’impossibilité de participer directement au conseil, en raison de leur très jeune âge, leurs sièges seront attribués aux représentants des familles ou aux représentants légaux.
A noter : La réforme se veut suffisamment ambitieuse au point que le vocabulaire même est refondu. A compter du 1er janvier 2023, il ne sera désormais plus question de « personne accueillie » ou « prise en charge » mais de « personne accompagnée » dans l’ensemble des dispositions du CASF.
A ce sujet, on se situe au-delà de la composition exigée réglementairement stricto sensu, le souhait de l’Etat étant cependant de promouvoir la participation de nouveaux acteurs aux travaux et débats de l’instance.
Jusqu’à présent, le conseil de la vie sociale pouvait convier toute personne à ses réunions à titre consultatif en fonction de l’ordre du jour. Ainsi, pouvait être invité à assister à ses débats un représentant élu de la commune d’implantation de l’activité ou un représentant élu d’un groupement de coopération intercommunale.
Dorénavant, pourront demander à assister aux débats du CVS (CASF, art. D. 311-18, nouv.) :
• 1 élu de la commune d’implantation de l’activité ou un élu d’un groupement de coopération intercommunal ;
• 1 représentant du conseil départemental ;
• 1 représentant de l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation ;
• 1 représentant du conseil départemental de la citoyenneté et de l’autonomie ;
• la personne qualifiée [figurant sur la liste conjointe du préfet de département, du directeur général de l’agence régionale de santé et du président du conseil départemental] ;
• le représentant du défenseur des droits.
L’éventail des attributions du conseil de la vie sociale était assez large, mais le décret du 25 avril 2022 les approfondit substantiellement, la consultation, l’émission d’avis et de propositions trouvant une dimension nouvelle et élargie.
L’article D. 311-15 reprend donc les attributions initiales et les étend considérablement. Le conseil de la vie sociale pourra ainsi :
• donner son avis et faire des propositions sur toute question intéressant le fonctionnement de l’établissement ou du service notamment sur :
– les droits et libertés des personnes accompagnées,
– l’organisation intérieure et la vie quotidienne,
– les activités,
– l’animation socio-culturelle,
– les prestations proposées par l’établissement ou services,
– les projets de travaux et d’équipements,
– la nature et le prix des services rendus,
– l’affectation des locaux collectifs,
– l’entretien des locaux,
– les relogements prévus en cas de travaux ou de fermeture,
– l’animation de la vie institutionnelle,
– les mesures prises pour favoriser les relations entre les participants à la vie institutionnelle,
– les modifications substantielles touchant aux conditions de prises en charge ;
• être associé à l’élaboration ou à la révision du projet d’établissement ou du service, en particulier « son volet portant sur la politique de prévention et de lutte contre la maltraitance » ;
• être entendu lors de la procédure d’évaluation
• être informé des résultats et associé aux mesures correctrices à mettre en place ;
• être consulté sur le plan d’organisation des transports des personnes adultes handicapées bénéficiant d’un accueil de jour (maisons d’accueil spécialisées et établissements d’accueil médicalisés) et les foyers d’accueil médicalisés ;
• orienter les demandeurs vers les personnes qualifiées, le dispositif de médiation ou le délégué territorial du défenseur des droits, dans le cas où il est saisi de demandes d’informations ou de réclamations concernant tout dysfonctionnement grave dans la gestion ou l’organisation susceptible d’affecter la prise en charge des usagers, leur accompagnement ou le respect de leurs droits et de tout événement ayant pour effet de menacer ou de compromettre leur santé, leur sécurité ou leur bien-être physique ou moral ;
• examiner, tous les ans, les résultats des enquêtes de satisfaction réalisées par les Ehpad sur la base de la méthodologie et des outils élaborés par la Haute Autorité de santé. Des résultats qui sont affichés dans l’espace d’accueil des établissements.
En dehors de l’article D. 311-15, le décret du 25 avril 2022 a modifié d’autres dispositions du code de l’action sociale et des familles qui renforcent les compétences du CVS. Ainsi :
• chaque année, le conseil rédige un rapport d’activité que son président présente à l’instance compétente de l’organisme gestionnaire (CASF, art. D. 311-20, al. 2, nouv.) ;
• il rendre un avis préalablement à la mise en place d’autres formes de participation dans le cadre de la démarche d’évaluation de la qualité des prestations (CASF, art. D. 311-25, modifié) ;
• enfin, élément non négligeable, le président du CVS assure l’expression libre de tous les membres de l’instance (CASF, art. L. 311-9, al. 2, nouv.).
En dehors des questions de composition et de compétences, le décret, dans ce même esprit du renforcement de la prise en compte des intérêts des personnes accompagnées, modifie au moins deux points essentiels :
• acte institutif de l’instance. L’article D. 311-4 du CASF est complété par un alinéa précisant que la direction « notifie la décision instituant le conseil de la vie sociale à l’autorité administrative compétente pour délivrer l’autorisation », une telle obligation n’existant pas avant l’édiction des nouvelles règles ;
• instauration de l’obligation d’inscrire de nouveaux éléments dans le règlement intérieur de l’instance. Ainsi, d’une part, doit figurer au sein du règlement intérieur de l’article D. 311-19 du code la fixation de la durée du mandat de ses membres (CASF, art. 311-18, al. 1er modifié) – jusque-là, il était prévu que les membres du CVS soient élus pour un mandat renouvelable d’au moins 1 an et de 3 ans au plus –, et, d’autre part, sont transférés du règlement de fonctionnement au règlement intérieur du CVS les éléments afférents aux modalités de désignation des représentants des personnes accueillies dans les ESSMS (CASF, art. D. 311-25 modifié).
Les professionnels du secteur social et médico-social, les personnes accompagnées et les familles attendaient avec impatience la réforme du conseil de la vie sociale (CVS), notamment après le rapport de la défenseure des droits de mai 2021 sur le respect des droits des résidents d’Ehpad, et plus encore après le scandale provoqué par la parution de l’ouvrage Les fossoyeurs en janvier dernier. Les apports du décret ont été globalement salués.
Cependant, de nombreuses critiques déplorent pêle-mêle le manque de mise à plat de l’ensemble de la question des droits fondamentaux des personnes accompagnées, l’absence de dispositions relatives à la formation des membres de l’instance, le silence sur les moyens d’assurer la continuité de la représentation des usagers en cas de carence aux élections du CVS, quand d’autres auraient en outre souhaiter une « co-présidence résident-famille », l’instauration d’une instance de recours externe en cas d’entrave au CVS et à l’activité de ses membres…
La balle est dans le camp du pouvoir réglementaire.