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Des vies à recoudre

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Quand Omar pose son jean sur la petite table en bois, à l’accueil de jour du Secours catholique de Calais, Françoise réajuste ses lunettes sur le bout de son nez. L’octogénaire toise le grand gaillard des pieds à la tête, une fois, puis deux, avant de dégainer un mètre de couturière. « Pose ton pied ici pour voir ? » Il remonte son pantalon qui lui tombe sur la chaussure, elle prend la mesure de sa jambe entière. « Slim, slim », demande-t-il. Françoise lui donne un ticket, note sur le sien « Omar, slim, ourlet. »

Depuis plus d’un an, Françoise, les deux Anna et Christine sont couturières chaque mercredi pour les personnes exilées qui se rendent à l’accueil de jour. Le seul garçon, c’est Lazare, pas encore trentenaire, qui a rejoint l’équipe il y a quelques mois. Toutes travaillent à la machine, lui reprise à la main. Avec patience et méticulosité, la petite équipe de choc répare les pantalons troués, les raccourcit quand ils sont trop grands, recoud des fermetures Eclair cassées.

Le visage d’Anna s’illumine d’un large sourire lorsqu’elle explique que les demandes ne peuvent pas toujours être satisfaites : « Souvent, ils veulent qu’on transforme leurs pantalons larges en pantalons slims, ils ont les jambes fines ! Mais on ne découpe pas plus de quatorze centimètres, car après leurs pieds ne passent plus ! »

Cet atelier couture pourrait paraître une goutte d’eau dans l’océan de la solidarité calaisienne. Ce jour-là, les couturières semblent circonspectes : « Il n’y a pas grand monde. Quand il fait beau, les personnes restent sur les campements ou tentent de traverser. » Pourtant, petit à petit, devant la table en bois, la file d’attente s’allonge.

Pantalons troués par les tentatives de passage par les camions, doudounes déchirées par les barbelés qui entourent la ville… Lazare, lui, recoud la sangle d’une pochette en cuir surrannée. Le seul gars de l’atelier couture, il est arrivé un peu par hasard. « Quand j’ai voulu donner un coup de main, j’ai d’abord proposé mes compétences d’ébéniste, mais j’ai aussi dit que je savais coudre », raconte le jeune homme dont le pantalon est l’une de ses créations. « Rejoindre cet atelier m’a permis de mettre de la distance aussi avec la situation ici. Avant, j’étais très engagé, mais je me suis cramé, ça m’a fait vraiment beaucoup de mal. Travailler à la couture me permet de moins me brûler. »

Ce mercredi, l’atelier a réparé plus de quarante vêtements. Un record.

Une saison en migrations

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