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Garantir le « pouvoir d’agir » ensemble

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Le pouvoir d’agir revêt une dimension collective. Dans le but de mieux recueillir la parole des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance et de la faire remonter à l’oreille des décisionnaires politiques, des instances de représentations existent aux échelles départementale et nationale.

« La fin des destins incertains »… C’est le slogan choi­si par les jeunes composant le comi­té autobaptisé « Espoir pour la protection de l’enfance » (EPE). Porté par la Convention nationale des associations de protection de l’enfance (Cnape), ce comité de jeunes majeurs a vu le jour le 11 décembre 2021. Il réunit 15 jeunes originaires de toute la France ayant répondu à un appel à projets en contrat jeune majeur ou ayant été confiés à l’aide sociale à l’enfance (ASE) durant leur minorité. Son objectif : leur permettre d’échanger sur leurs expériences en institution et sur les politiques de protection de l’enfance afin de faire émerger des pistes d’amélioration. Lorette Privat, conseillère technique sur la protection de l’enfance à la Cnape, coordonne le projet. Elle explique : « Le principal défi qui se présente à nous est de pouvoir transformer ces idées qui émergent et ces bonnes énergies en quelque chose de plus concret. Quelle que soit la forme du rendu (un manifeste, une tribune…), l’objectif sera de pouvoir communiquer au niveau ministériel et institutionnel. »

Les réunions du comité se déroulent tous les trois mois, le samedi après-midi, dans les locaux parisiens de la Cnape. « Ce projet est une expérimentation. C’est la première fois que nous élaborons un projet directement avec des jeunes car nous ne sommes pas une association gestionnaire », précise Audrey Hanne, responsable du pôle « Droits de l’enfant et vie associative » à la Cnape. Pour pallier le manque d’expérience et assurer une pleine indépendance thématique au groupe de jeunes, les coordinateurs ont fait appel à deux animateurs extérieurs pour animer les séances. « Nous voulions vraiment veiller à ne pas instrumentaliser leur parole, à assurer une libre expression et, surtout, à ce que les sujets évoqués proviennent des jeunes eux-mêmes », indique Audrey Hanne.

Effacer les stigmates de l’ASE

Parmi les thématiques abordées jusqu’ici, l’exigence d’une communication positive et la lutte contre la stigmatisation des enfants confiés à l’ASE sont des revendications majeures des 15 jeunes. De même, la problématique de la prostitution des mineures placées en institution préoccupe fortement le comité. « Nombre d’entre eux expliquent y avoir été confrontés non pas directement mais en y ayant assisté. C’est un point qui revient très souvent », indique Lorette Privat.

Le manque d’ambition scolaire des enfants confiés à l’ASE cristallise également l’amertume des jeunes lorsqu’ils évoquent leur passé en institution. « Les professionnels encouragent souvent les jeunes à se diriger vers les voies d’études les plus courtes ou les parcours les plus professionnalisants afin que l’insertion soit moins difficile pour eux si, plus tard, ils n’obtiennent pas de contrat jeune majeur », explique la conseillère technique de la Cnape. Une situation que les jeunes considèrent dommageable et vivent comme une source d’inégalité des chances.

Le comité EPE se réunira pour la troisième fois au mois de juin 2022, avec toujours pour leitmotiv la volonté d’améliorer le parcours des jeunes actuellement suivis par l’ASE.

Si le pouvoir d’agir des enfants doit s’exercer, les départements, en tant qu’instances politiques, doivent, pour leur part, constituer les interlocuteurs privilégiés des usagers de l’ASE. Dans l’Allier, tous les mois depuis le 16 janvier 2021, se réunit le Haut Conseil aux enfants confiés. Placée sous l’autorité du président du conseil départemental et animée par ses services, cette instance de représentation est composée de 30 jeunes âgés de 8 à 20 ans, confiés à l’ASE et issus des trois territoires du département (l’Allier se divise en trois bassins de population très marqués).

Haut conseil aux enfants confiés de l’allier

L’objectif affiché par la direction « enfance-famille » du département est de « favoriser l’émergence d’une parole directe et collective de ces jeunes sur leur parcours et leur vécu au sein des familles accueillantes et des foyers, afin qu’elle alimente l’élaboration des futures politiques de protection de l’enfance ». L’initiative émane d’un appel à projet dans le cadre de la stratégie nationale de protection de l’enfance, dont l’un des axes centraux est la participation des usagers à l’imagination et la construction de leurs parcours de vie.

Le conseil se concentre sur « l’expertise d’usage », explique François Petit, agent de la collectivité départementale de l’Allier chargé de l’animation des groupes. Ainsi, chaque jeune placé du département reçoit un courrier du conseil départemental qui l’invite à prendre connaissance des missions du Haut Conseil et à s’y investir s’il le souhaite. Par la suite, il peut se référer à son éducateur, à son assistant familial ou à son référent ASE pour faire remonter sa candidature. « Le choix se fait en concertation afin de conserver une hétérogénéité des parcours et des profils de jeunes », précise François Petit.

Les groupes territoriaux se réunissent séparément une fois par mois, puis se retrouvent tous les trois mois lors des séances plénières qui ont lieu en présence des élus et de la direction « enfance-famille » du département. Les enfants ont ainsi la possibilité d’interpeller directement les décisionnaires politiques et de faire valoir leurs propositions. « Il faut arriver à sortir de la parole personnelle pour élaborer une parole collective qui soit force de proposition », explique François Petit.

Renouer avec la culture

Pour qu’émerge une parole collective, les encadrants ont choisi de sortir des murs de l’institution et des locaux de l’ASE. Inspiré par les préconisations du rapport « A (h)auteur d’enfants » remis par Gautier Arnaud-Melchiorre à Adrien Taquet, la direction « enfance-famille » a souhaité réintégrer pleinement la dimension cultu­relle dans le projet. Ainsi, « les temps d’échange se font dans un écrin culturel. On visite des lieux, on échange avec des artistes. La parole se libère différemment lors de ces moments de découverte », décrit François Petit, qui accompagne désormais les groupes de jeunes depuis un an et demi. Pour lui, la réintroduction de la culture est plus que jamais essentielle. Elle permet de sortir du cadre formel de l’institution et de créer des souvenirs communs aux jeunes afin de les faire « se rencontrer ».

Représenter l’enfant tout au long de la procédure

Le 7 février 2022, la nouvelle loi relative à la protection des enfants a été promulguée. La préconisation du Conseil national des barreaux (CNB) tendant à rendre obligatoire la présence d’un avocat spécialement formé pour soutenir chaque enfant en assistance éducative demeure absente de ce nouveau texte de loi.

Pareille mesure permettrait selon Arnaud Saint-Rémy, représentant du CNB au sein du Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE), d’assurer le pouvoir d’agir de l’enfant. « Actuellement, dans bien des cas, si une situation s’avère dangereuse ou qu’un placement se passe mal, l’enfant n’a pas d’autres interlocuteurs que l’ASE ou ses éducateurs », explique-t-il.

Le code de procédure civile prévoit que si l’intérêt de l’enfant l’exige, le juge des enfants peut désigner un bâtonnier qui lui-même désignera un avocat chargé d’assister l’enfant en fonction de son âge et de son niveau de discernement. Pour le CNB, la présence systématique d’un avocat auprès d’un mineur en assistance éducative permettrait d’assurer à l’enfant « un espace de parole privilégié qui lui offre la possibilité d’être représenté juridiquement tout au long de sa prise en charge ». Pour assurer un accompagnement le plus adapté possible, le CNB délivre désormais une « mention de spécialisation en protection de l’enfance » aux avocats.

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