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Lutte contre l’illettrisme : la solidarité face à la réalité économique

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Face au fléau marqué en France de l’illettrisme, l’association CLÉ accompagne des publics en difficulté dans un parcours d’acquisition des savoirs de base. Son président, Jean-Pierre Chevalier, retrace les actions menées dans un contexte de contraintes administratives et financières.

« Créée en 1986, CLÉ (communiquer, lire, écrire) est une association située dans les Deux-Sèvres. Notre but est de permettre à des Français et des étrangers d’apprendre la langue française et d’acquérir les notions de base de lecture, d’écriture et de calcul visant à faciliter leur autonomie, leur promotion et leur insertion. Notre slogan est “Savoir pour être libre”. Pour parvenir à ces objectifs, nous agissons sur deux axes :

• des actions de formation (167 apprenant.e.s sur trois sites en 2021) ;

• des actions associatives de repérage, de prévention, de communication et d’accompagnement vers des démarches de formation.

Notre équipe compte 40 salariées et bénévoles.

CLÉ participe au réseau départemental “Modules de première marche vers la formation”, qui mène des actions pour accompagner les personnes en situation d’illettrisme et/ou d’illectronisme vers des démarches de formation, tels les cafés numériques.

L’association intervient auprès de travailleurs en situation de handicap embauchés en établissement et service d’aide par le travail (Esat), de mineurs non accompagnés, de salariés en reconversion professionnelle… Nous accueillons aussi un public étranger pour l’amélioration de la maîtrise de la langue française et participons ainsi à l’inclusion sociale et professionnelle des publics réfugiés.

Nous préparons actuellement de nouveaux projets pour permettre à des personnes en situation d’illettrisme de se rapprocher des savoirs de base : actions éducatives familiales dans le monde scolaire, bibliothèque de rue dans un quartier de Parthenay, actions de mise en relation avec le monde des entreprises.

Nous sommes une association de bénévoles, œuvrant avec des salariés venus avec des motivations diverses pour un projet commun. L’illettrisme et l’illectronisme sont des fléaux de notre société, face auxquels nous essayons de mener collectivement des actions. Chaque personne rencontrée a un rang égal aux autres ; son parcours et son histoire méritent d’être respectés (les hasards de la vie n’épargnent personne). Les situations vécues sont parfois lourdes de souffrances et de précarité. Il est fondamental de porter un regard positif sur la capacité de chaque individu à se dépasser, sans jugement, quelles que soient les différences. Nous sommes à la rencontre de personnes adultes qui cherchent à sortir des impasses de la vie en développant des compétences de base. Nous participons ainsi à la lutte contre l’exclusion.

Nous gardons présent le lien entre l’acquisition de compétences de base (lire, écrire, calculer, se débrouiller avec un appareil numérique) et l’objectif de société poursuivi : aider des apprenants à devenir plus autonomes dans la vie quotidienne, à se socialiser, à parvenir à une certaine insertion professionnelle, à prendre leur place de citoyen.

La petite taille de notre association permet de nous adapter aux situations de façon réactive, de concevoir et de mettre en œuvre des actions individualisées adaptées aux contextes. La relation humaine est privilégiée par rapport à la logique administrative.

Un cadre organisationnel perturbant

Nos réalités nous ont appris la complémentarité, l’humilité. “Tout seul, on va plus vite. Ensemble, on va plus loin.” Chez CLÉ, nous faisons tout pour développer les réseaux de partenariat, aussi bien avec les collectivités territoriales et les administrations qu’avec les associations et les entreprises, tant dans le secteur de la formation que de l’économie, de l’emploi, du sanitaire, du social, de l’éducation…

Pour mener à bien les actions de formation et continuer à bénéficier de financements publics, nous avons été conduits à nous inscrire dans une habilitation de service public (HSP). Cette démarche s’est traduite par une convention signée avec la région Nouvelle Aquitaine. Les règles budgétaires et administratives conséquentes ont imposé un cadre modifiant fortement notre organisation et questionnant parfois notre philosophie.

La crise sanitaire a impacté le fonctionnement en perturbant la régularité de la présence des apprenants. Nous avons dû nous réorganiser, entrer dans une démarche de certification “qualité” qui a été chronophage et accaparante. Nos faibles moyens humains ont été envahis par la logique administrative et comptable. Nous avons fini l’année 2021 en gérant une rupture conventionnelle au poste de secrétaire comptable, en partie due aux exigences administratives, et en recrutant une nouvelle salariée, tout en recevant de multiples demandes de justificatifs de la part des services financiers de la région et en nous formant à un nouveau logiciel de gestion.

La maquette financière de la convention avec la région a été élaborée avant la crise sanitaire. Le contexte a induit des charges administratives ainsi que des coûts de personnel amplement supérieurs en comparaison avec notre fonctionnement antérieur pour assurer nos permanences. La maquette ne correspond pas à la réalité du fonctionnement nécessaire pour assurer nos obligations. La région traite notre dossier.

En 2021, toutes activités confondues, nos comptes se sont soldés par un déficit de 36 000 €, et nous ne pourrons continuer longtemps de la sorte. Le prévisionnel 2022 affiche un déficit du même ordre, soit presque 15 % de notre budget.

Nous peinons à trouver des mécanismes de financement qui nous permettent de fonctionner de façon pérenne. Nous recherchons de l’aide pour développer un modèle économique où les activités du centre de formation et les activités associatives coexistent au service d’un même projet.

Notre association a fait le choix de ne pas baisser la voilure des dépenses (principalement des frais de personnel). Nous cherchons de nouvelles recettes tandis que nous nous sommes engagés dans les actions suivantes :

• la recherche d’autres sources de financement de nos actions de formation, par de nouvelles conventions et de nouveaux contrats ;

• une campagne d’appels aux dons et au mécénat ;

• la réponse à de nombreux appels à projets et financements de fondations et de mécènes ;

• la sollicitation des différentes collectivités qui pourraient nous aider, ainsi que de différents sponsors et mécènes.

Le temps, c’est de l’argent

Nous sommes donc bousculés par de nombreuses questions. Comment répondre aux demandes de formation et aux désirs d’apprentissage du français quand nous atteignons le maximum d’activité autorisé ? Comment garder une souplesse de fonctionnement adaptée aux conditions de vie précaire des apprenants, sans être sous la pression des exigences quant à un nombre d’apprenants minimumal pour se voir rembourser le temps et les moyens de travail que nous avons dégagés ?

Comment faire quand la maman d’un bébé est obligée d’arrêter un parcours parce qu’elle ne trouve pas de mode de garde ? Comment agir de façon responsable quand nous vivons le quotidien de contrôles administratifs tatillons ? Comment tenir compte du temps nécessaire pour apprendre ? Quel droit à la formation est-il accordé à des personnes qui ont encore besoin d’un temps long pour apprendre mais qui sont en “fin de parcours” ?

Comment accueillir des ouvriers d’Esat quand les budgets des établissements médico-sociaux ne peuvent pas nous payer les frais de mise en place d’une formation ? Comment financer des ateliers et des activités nécessaires pour permettre à des personnes en situation d’illettrisme d’apprivoiser l’idée de l’importance d’une formation ?

Comment maintenir sans nous essouffler la richesse d’un modèle hybride comme le nôtre ? Nous sommes une petite association spécialisée – trop ? – dans la formation, avec des activités associatives, en gérant un petit centre de formation. Nous vivons au quotidien l’efficacité d’une équipe constituée de bénévoles et de salariés, pour agir en interaction et complémentarité au plus près des besoins des personnes que nous rencontrons.

Comment trouver des financements pérennes qui évitent de gaspiller l’énergie militante dans la recherche de ressources ?

L’illettrisme représente une forte réalité en France. Celle-ci concerne plus de 7 % de la population. La moitié des personnes qui vivent cette situation sont salariées. Nous pensons que des associations comme la nôtre ont leur place au service de ce projet social de lutte contre les inégalités et d’accès à la culture pour tous et toutes. Nous travaillons avec des personnes que la vie a malmenées et chargées de multiples sacs à dos. Comment notre société leur permet-elle d’avoir le temps et les moyens d’apprendre pour être citoyens ? Mais le temps, c’est de l’argent… »

Pour aller plus loin : debat.ash@info6tm.com

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